RSI : le match Le Pen – Macron

Qui est le véritable candidat de la protection des entrepreneurs ? La réponse est plus nuancée -et plus problématique- qu’on ne le croit…

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RSI : le match Le Pen – Macron

Publié le 27 avril 2017
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Par Éric Verhaeghe.

Les ressortissants du RSI examineront avec attention les propositions de chaque candidat sur l’avenir de leur protection sociale. Voici un petit guide destiné à éclairer leur lanterne.

Les propositions de Macron : en même temps pour, en même temps contre

L’équipe Macron a fait preuve d’un amateurisme suffisant pour écrire ces quelques lignes ahurissantes:

Nous supprimerons la caisse qui gère le Régime Social des Indépendants (RSI) pour l’adosser au régime général, afin que tous bénéficient de la même qualité de service et des mêmes droits. Nous réduirons nettement les charges qui pèsent sur les indépendants (professions libérales, commerçants, artisans, agriculteurs…)

Récapitulons le raisonnement contenu dans ces quelques lignes :

Macron propose un adossement du RSI au régime général

Cette proposition, traditionnelle et ancienne chez le candidat, vise à parachever l’oeuvre d’un régime général unique prônée par les conseillers d’État avant 1940. Cette entreprise idéologique a des racines assez logiques : Renaud Dutreil, par exemple, ancien ministre, conseiller d’État et inventeur du RSI fait partie des soutiens d’Emmanuel Macron. À l’époque déjà, Dutreil s’était vanté de vouloir achever l’oeuvre de 1945, que les travailleurs indépendants avaient bloqué en 1946 en descendant dans la rue pour dénoncer leur incorporation de force à la Sécurité sociale.

D’une certaine façon, le programme de Macron tire parti des graves dysfonctionnements du RSI pour justifier la réalisation ultime du projet porté depuis près de cent ans par la technostructure : celui d’une protection sociale unique et étatisée pour tous les acteurs du privé (étant entendu que les fonctionnaires continueront à y échapper).

Macron propose l’alignement des prestations…

La proposition suivante du programme laisse perplexe, puisqu’elle suggère que les indépendants bénéficieront des mêmes prestations que les salariés du privé, reformulées sous l’expression des « mêmes droits ». On le sait, aujourd’hui, les indépendants (et spécialement les indépendantes) bénéficient d’une couverture beaucoup moins favorable que les salariés.

… avec des baisses de cotisation

Là où le programme d’Emmanuel Macron plonge dans la démagogie, c’est évidemment dans le coût de ces mesures. Le candidat soutient en effet qu’il pratiquera de « nettes baisses de charges ». Oui mais alors, on transfère les indépendants, qui cotisent aujourd’hui à 47% de leurs revenus pour leur protection sociale, dans un régime de salariés où la cotisation s’élève à environ 80%, on améliore les prestations servies aux indépendants, et on réduit quand même leurs cotisations ?

Allons, allons, Monsieur Macron, si ceci est sérieux, expliquez-nous comment vous faites et combien ça coûte. Détaillez-nous les opérations. Mais nous, on pense que tout cela est un vilain mensonge.

Les propositions de Le Pen : l’auto-déclaration trimestrielle et la mise en concurrence

Du côté de Marine Le Pen, et c’est une différence qui troublera peut-être le macronien moyen, les propositions semblent plus construites. Voici ce que propose le programme de la candidate :

57. Créer un bouclier social pour les indépendants en leur proposant le choix de s’affilier au régime général ou de conserver la spécificité de leur régime après une refonte totale du RSI qui fonctionnera sur la base de l’auto-déclaration trimestrielle des revenus.

Là encore, un petit décodage s’impose.

Le flou du bouclier social

Sauf erreur de notre part, nous n’avons trouvé nulle explication sur la notion de bouclier social pour les indépendants, régulièrement répétée par la candidate. Intuitivement, l’expression laisse à penser que le taux global de cotisation serait plafonné, ce qui pourrait s’expliquer dans l’hypothèse où les indépendants choisiraient de s’affilier au régime général. Mais la pertinence de ce dispositif est douteuse dans la mesure où, comme dans le programme d’Emmanuel Macron, l’affiliation des indépendants au régime général avec des droits égaux mais des cotisations minorées paraît difficile à soutenir.

On propose donc à Marine Le Pen d’expliquer ce qu’elle entend par ce concept. D’ici là, on ne lui accordera guère de crédit.

La mise en concurrence du RSI avec le régime général

Les adversaires du monopole accordé au RSI noteront avec satisfaction que Marine Le Pen fait un premier (timide) pas dans leur direction en proposant la liberté de choix des indépendants… entre le régime général et le RSI. C’est évidemment une proposition insuffisante, mais elle comporte une idée qui mérite d’être étudiée : la mise en concurrence des caisses primaires entre elles, comme cela existe en Allemagne. Du coup, les Libérés de la Sécu pourraient de droit appliquer la fameuse jurisprudence BKK de la CJUE.

Pour les non-initiés, on notera que cette proposition permet de dynamiter, par ricochet, les fondements juridiques du monopole du RSI. Elle permet aussi d’affaiblir fortement la pertinence des contentieux en cours contre les Libérés. C’est un argument de poids en faveur de la candidate du FN…

La refonte totale du RSI

Ce point du programme de la candidate ne mange évidemment pas de pain, et apparaît comme une vaine promesse qui n’engage à rien. La sérénade du régime refondu est en effet régulièrement servie depuis des années, sans que rien ne prenne jamais forme.

L’auto-déclaration trimestrielle des revenus

Cette proposition comporte en revanche un effet révolutionnaire qui pourrait séduire pas mal d’entrepreneurs, sous réserve qu’elle soit mieux détaillée. Elle paraît en effet pertinente pour la retraite : l’entrepreneur choisira lui-même le montant de la rente qu’il peut espérer en fixant le montant de ses cotisations. De cette façon, il peut choisir de réserver une partie de ses revenus à des dépenses d’une autre nature que la protection sociale.

En revanche, pour l’assurance-maladie, il est peu probable que ce système prospère, dans la mesure où les prestations ne sont pas proportionnelles à la cotisation.

Une situation embarrassante pour les entrepreneurs

Dans la pratique, le programme de Marine Le Pen est donc beaucoup plus favorable aux entrepreneurs que celui d’Emmanuel Macron du point de vue de la protection sociale.

Cette situation est embarrassante, dans la mesure où Marine Le Pen formule des propositions anti-économiques par ailleurs, comme la taxation des salariés étrangers. En outre, la stigmatisation politique dont elle est l’objet rend ce débat extrêmement délicat. Mais un fait est acquis : Emmanuel Macron n’est pas le candidat de la protection sociale des entrepreneurs, et les flous ou les incohérences de son programme suscitent une certaine perplexité.

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  • Ca va etre long…
    Alors je ne suis pas expert du sujet pas de soucis MAIS bon outre la forme ou il est question de laisser MLP s’expliquer… et en face on accuse Macron de tout sans le laisser s’expliquer…. on passera la dessus, on a l’habitude avec l’auteur.

    Mauvaise fois numéro 1, faire croire que MLP veut laisser le choix aux entrepreneur c’est du bidon, déja laisser le choix entre la sécu et le RSI, bon… un le RSI est pas indépendant pour un sou, c’est une filiale de la sécu en gros, donc c’est comme si on me disait que le rail est libéralisé vu qu’on a le choix entre la SNCF et Ouigo (qui pour rappel appartient a la SNCF) se réjouir de çà me dépasse. Mais bon passons sur çà. Le RSI est une catastrophe puisque
    il démutualise un service public, et un service public a plus vocation a etre mutualisé (j’entend par la, la mutualisation des couts)…

    Donc perso je suis pour la privatisation de la santé, et donc des services les concernants… mais aucun le propose, donc entre un programme qui propose de mutualiser les couts et de l’autre laisser la situation en essayant de mettre des pansements sur une jambe cassée… mon choix est fait.

    2) point qui est fondamental…. l’auteur, fait abstraction d’un point fondamental dans sa comparaison du système RSI et Sécu…. le fait que Macron propose de supprimer les cotisations salariales santé et chomage pour les remplacer par une augmentation de la CSG ce qui finalement réduira ce cout de cotisation que paye le salarié et donc par la le chef d’entreprise. Pour ce prix il aura le droit au chomage et a la santé… ce qu’il n’avait pas le droit avant (pour le chomage)… donc comparons ce qui est comparable.

    3) Oui tout cela est une abération étatique… mais vu que ni Macron ni Lepen ne propose de privatiser tout cela… (pas plus que les autres candidats et donc meme pas Fillon qu’on disait libéral) alors il faut réfléchir a la meilleure mesure étatiste… et pour moi je préfère celui de Macron pour ce que je viens de dire précédemment.

    • Et petit rappel dès aujourd’hui n’importe quel entrepreneur peut etre au régime général en passant en SAS et qu’il se salarie… donc la propal de Lepen ne touche que certains indépendants qui ne peuvent pas etre en SAS ou qui ne veulent pas l’etre.

    • Pour ce prix il aura le droit au chomage et a la santé

      Pour le chômage, quelle justification à payer 6000 Euros mensuels financés par l’impôt ❓ Cela ne sera pas tenable longtemps ❗
      Et pensez que les frontaliers franco-suisse sont indemnisés par la France. C’est donc plus compliqué que cela ne semble 🙁

    • Pour ce prix il aura le droit au chomage et a la santé

      Pour le chômage, quelle justification à payer 6000 Euros mensuels financés par l’impôt ❓ Cela ne sera pas tenable longtemps ❗
      Et pensez que les frontaliers franco-suisse sont indemnisés par la France. C’est donc plus compliqué que cela ne semble être 🙁

  • Bonjour, vous dites dans votre article « salariés où la cotisation s’élève à environ 80% » => mais si je ne me trompe pas, ces 80% englobent les cotisations salariales, et celles prise en charges par l’entreprise. Si les cotisations de l’entreprise sont retirées, elles sont d’environ 51% (je n’ai pas le chiffre exacte). Donc un entrepreneur/chef d’entreprise/artisans ou équivalent, paye environ 47% de charges sur son salaire, mais n’étant pas salarié de l’entreprise ou il travail, il cotise donc plus ou moins pareil qu’un salarié, en sachant aussi que l’artisan ne cotise pas pour le chômage pour le quel il ne peut prétendre

    • En général, la cotisation salariale est de l’ordre de 25% sur le brut, la patronale autour de 45% (tout dépend du niveau du salaire brut car il existe un effet de plafonnement).

      En revanche, il est faux de considérer qu’une part des cotisations est « prise en charge » par l’entreprise. Toutes les cotisations font partie du coût du travail. Elles sont donc d’une façon ou d’une autre acquittée pour le compte du salarié. Par conséquent, le « vrai » salaire, ou salaire total = salaire brut + cotisations patronales.

      C’est une simple vue de l’esprit (et une habilité politique et juridique) d’habiller les cotisations en une part salariale et une part patronale. Ca n’a pour but que de faire croire au salarié qu’il ne paie que 25% de son salaire brut en cotisations, alors qu’en réalité il est fréquent que le poids des cotisations dépasse 60% du salaire total (le vrai salaire donc et le véritable élément de comparaison par rapport à la rémunération d’un indépendant).

      Donc oui, le passage des indépendants dans le régime général à droit constant va nécessiter un alignement de la cotisation des indépendants sur celle des salariés (en faisant la somme patronale + salariale, comme je l’ai expliqué plus haut, car cela finance les mêmes prestations sociales).

      Les indépendants qui souhaitent cet alignement alors qu’ils se plaignent à peu près tous du poids des cotisations sociales sont des inconscients!

      En tout cas, votre remarque montre que les énarques qui ont élaboré ce système sont parvenus à leurs fins: les salariés croient vraiment que les entreprises paient des cotisations qu’ils ne prennent pas en charge! Le combat des libéraux est décidément un supplice de Sisyphe!

      • Lire « habileté politique et juridique ».

      • Vous avez 100% raison. Je me tue à dire à mes proches que leur salaire qu’ils croient brut n’est pas le bon et que la « part patronale » est une entourloupe pour que les salariés ne voient pas que leur salaire net est proche de la moitié de leur vrai salaire brut. ils s’apercevraient alors qu’ils n’en ont vraiment pas pour leur argent.

        • + 1 cher @Mullerache…. et qu’ils soient salariés ou employeurs, je vois à leurs yeux ahuris combien dire que cotisations part salariale et cotisation part patronale sont une et indivisible, constituant la cotisation aux assurances sociales du salarié.

          Je suis encore plus étonné qu’aucun syndicat patronal ne demande à ne plus faire le travail de collecte, à ne plus en supporter le risque…

    • Donc un entrepreneur/chef d’entreprise/artisans ou équivalent, paye environ 47% de charges sur son salaire

      Dans le bâtiment, j’ai entendu plus de 80%. Et comme patron, si vous tombez malade, les cotisations restent dues, et vous devez payez les employés malgré l’absence de revenus. Dans ce cas, c’est bien du 90% s’il faut s’assurer.

  • Les commentaires sont fermés.

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