Par Germain Belzile, depuis le Canada.
Un article de l’Institut économique de Montréal
C’est à nouveau la saison des budgets, alors que les gouvernements fédéral et provinciaux s’apprêtent à en déposer au cours des prochaines semaines. Et ça sera probablement encore la saison du vocabulaire imaginatif.
Depuis quelques années, les gouvernements et de nombreux groupes souhaitant une plus forte croissance des dépenses de l’État nous ont habitué à l’utilisation du mot « investissement » à toutes les sauces.
Des exemples : « Québec prévoit enregistrer un excédent de 2,2 milliards et investir en santé et en éducation », « L’entente prévoit notamment un investissement de 230 millions sur 10 ans de la part du fédéral pour les soins à domicile et la santé mentale », « Le gouvernement doit réinvestir dans les centres jeunesse », et surtout « investir » dans la santé des Canadiens.
Des dépenses très particulières
Invariablement, ces annonces et appels concernent des dépenses courantes et non pas des investissements. Mais bien sûr, dépenser pour payer l’épicerie est beaucoup moins bien vu qu’investir dans quelque chose !
Les investissements sont des dépenses très particulières. On peut consulter n’importe quel bon manuel d’économie ou encore chercher sur le web pour en trouver une définition exacte.
Quand on investit, on fait l’acquisition d’un bien appelé « bien de capital ». Ce bien sert à produire d’autres biens et à générer des revenus. Des exemples de biens de capital : de l’équipement de production, des machines, des usines. La construction est aussi une dépense d’investissement, car un édifice permet de produire des biens ou de générer un revenu de location.
Dépense courante et investissement
Soyons clair : construire un bâtiment est une dépense d’investissement ; payer les travailleurs qui le construisent est une dépense courante. Construire un nouveau pont est un investissement ; faire votre épicerie est une dépense de consommation.
Les économistes ont élargi quelque peu la notion de bien de capital pour y ajouter le capital humain. Il s’agit des aptitudes, des qualifications et des expériences accumulées par une personne qui lui permettent de produire et de générer des revenus.
Ainsi, les dépenses pour former un actuaire comprennent sans doute une importante partie de dépense d’investissement en capital humain. C’est sans doute beaucoup moins le cas pour des études en histoire de l’art. Mais le principe de l’investissement demeure le même, soit qu’on acquiert quelque chose de durable qui permet de générer des revenus.
La grande différence entre un investissement et une dépense courante ? Après l’investissement, il reste le bien de capital, qui dure longtemps et permet de produire plus en rendant les gens plus productifs. Après la dépense courante ? Il ne reste qu’un souvenir.
Lorsque des groupes demandent à un gouvernement de « réinvestir » dans un secteur en finançant mieux un programme ou en en créant un nouveau, on essaie d’enrober une dépense courante dans un terme qui, on l’espère, passe mieux dans la population. Ne tombons pas dans ce piège.
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Très bonne mise en garde.
J’ai juste un doute sur l’histoire des gens qui construisent l’immeuble. Il me semblerait juste de dire que le coût de construction, c’est à dire l’investissement, englobe le coût des matériaux et celui des ouvriers.
Si on prend le cas d’un hôpital, le seul bâtiment n’est pas l’investissement puisque l’hôpital est un tout formé du bâtiment certes mais aussi de tout le personnel qui transforme ce bâtiment en hôpital.
Bref, les limites entre dépenses courantes et investissement sont assez permeables. Ou, pour aller dans votre sens, l’investissement est tout le temps accompagné de dépenses courantes. Ce n’est que mon avis.
Intéressant, mais dans ce cas ci oui, les salaires qui rentrent dans la livraison d’un bien d’investissement y sont compris, mais les salaires de fonctionnement pour un service ne sont pas de l’investissement, non
Et alors? L’argent placé dans la santé (pas l’administration de la santé), ce n’est pas de l’investissement? L’augmentation de l’espérance de vie (qui n’est pas due qu’au progrès techno-médicaux, bien sûr) n’est-il l’investissement qui justifie les autres? Ne faut-il vraiment qu’enrichir le capital créateur d’emploi? Quel est votre but? c’est une discussion dialectique inutile et toxique, vu le sous-entendu: l’investissement est positif, la dépense négative: ce jugement, moral, n’est pas justifié. Sinon autant euthanasier les chômeurs de longue durée, les SDF, et toutes les inutiles bouches à nourrir.
mouais..je ne suis pas économiste…je pense qu’on devrait s’en ternir à critiquer le fait que les dépenses sont justifiées ou non, la vraie critique faite à l’etat est sa légitimité m^me à investir, simplement car celui qui investit n’est pas celui qui en récolte les fruits…
« dépense ou investissement » peu importe les termes , d’abord et avant tout l’etat redistribue la richesse, c’est la seule chose dont on est certain alors que l’éventuel bénéfice d’un investissement étatique m^me intéressant en terme macroéconomique n’a rien de trivial pour un individu.
On peut être bien plus simple. Un investissement est ce qui génère un revenu futur supplémentaire permettant de rembourser les dépenses faites pour créer ce qui est derrière l’investissement. Construire un immeuble est bien un investissement et toutes les dépenses faites pour cela , y compris les salaires des ouvriers, sont bien de l’investissement. Lorsque l’immeuble est construit, il y a des dépenses de fonctionnement pour le maintenir en état. Les entrées de cash (location…) générés par l’immeuble diminués des dépenses de fonctionnement doivent au moins être égales aux amortissements (les équipements ayant une durée de vie limitée) pour que le capital que représente l’objet construit ne s’effrite pas avec le temps.
La notion d’investissement est particulièrement dévoyée par les politiques mais aussi par la la comptabilité des administrations publiques ignorant la notion d’amortissement.
L’investissement devant normalement générer une production supplémentaire, il est bien évident qu’un pays ayant une croissance de la production proche de zéro est aussi un pays dans lequel l’investissement est proche de zéro.
Il y a bien un déficit d’investissement en France et cela ne s’arrangera pas tant que ceux qui peuvent investir sont dépouillés des revenus générés ensuite par l’investissement.