Par Bernard Kron.
Marine Le Pen veut privilégier dans notre système de soins les nationaux et les classes moyennes par des mesures qui sont pour beaucoup consensuelles… avec les candidats de la gauche et les centristes ! Une seule est polémique : la suppression de l’AME (Aide Médicale d’État) et en particulier les deux années de carence qu’elle souhaite mettre en place pour les étrangers. Elle veut améliorer les remboursements, ce qui est très louable mais à mon sens ne pourrait guère se faire sans augmenter les prélèvements ou les déficits.
D’après la Fondation Concorde, il manquerait 159 milliards au Front national pour équilibrer l’ensemble de son programme, mais ce think tank n’est peut être pas réaliste et réellement indépendant.
Il est par ailleurs difficile de chiffrer son programme santé…
Garantir l’accès aux soins à chaque Français sans reste à charge : une France juste : engagement n°65
Marine Le Pen prône la « solidarité nationale » pour « garantir à chaque Français un accès aux soins optimal ». Pas question pour la candidate de révolutionner le système de Sécurité sociale actuel :
« Je m’engage à ne pas réduire la prise en charge des soins de l’assurance maladie et je m’oppose fermement à la privatisation des dépenses de soins ».
Une manière pour elle de soutenir « les classes populaires et les classes moyennes, les familles comme les personnes âgées ».
Cet engagement sera difficile à tenir sans augmenter les prélèvements. Comment financer ce système déficitaire tout en améliorant les prises en charge ?
Lutter contre les fraudes : engagement n°71
Une carte biométrique pour lutter contre la fraude
Si elle juge le système français positif, Marine Le Pen considère qu’il nécessite certaines améliorations, notamment afin de lutter contre la fraude. « Rien n’a été fait. » La fraude sociale a été évaluée à 20 milliards d’euros par un rapport sénatorial, « ce qui est tout à fait considérable ».
Pour y faire face, la candidate frontiste souhaite fusionner le titre d’identité avec la carte vitale : « Cela permettrait d’avoir un titre unique biométrique qui éviterait un certain type de fraude. »
Enfin, la fille de Jean-Marie Le Pen veut faire la chasse aux « arrêts maladie de complaisance » afin que « les deniers publics servent à ceux qui en ont réellement besoin ». Pour cela, elle avait évoqué dans son discours du 9 janvier la possibilité de mettre en place des équipes anti-fraude et de développer de nouveaux dispositifs pour « rendre les abus plus difficiles ».
On ne peut que souscrire à ces propositions, mais éviter les fraudes a toujours été très difficile.
Les médicamentsÂ
La présidente du Front national va encore plus loin en évoquant les médicaments génériques. Il faut « lutter contre le trafic, au niveau national mais également international ». Ce budget est en effet énorme. Nous l’avions évoqué et dénoncé dans un précédent article. La conséquence de ces trafics est parfois catastrophique pour les malades hypertendus ou diabétiques.
Pour éviter les gabegies, la candidate envisage la vente à l’unité, ce qui est parfaitement irréaliste, compte tenu des risques d’erreur et du temps perdu pour ouvrir les emballages.
Suppression de l’AME et délai de carence pour les étrangers
L’Aide médicale de l’État (AME) est un dispositif qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un accès aux soins.
« Pour éviter le dévoiement de ce système, et pour enrayer le tourisme médical qui est une réalité indéniable, je propose depuis plusieurs années de supprimer l’AME et de la remplacer par une aide restreinte, exclusivement réservée aux soins d’urgence vitale. »
Pour les étrangers en situation régulière, il s’agirait d’instituer un délai de carence. Marine Le Pen au micro de RTL :
« La gratuité d’un certain nombre de services publics devrait être conditionnée à un délai de carence. Quelqu’un qui arrive de manière légale en France devra attendre un certain temps avant de bénéficier du remboursement des soins. Cela pourrait être deux ans par exemple. »
Que ferait-on de ces étrangers s’ils sont atteints d’une maladie contagieuse ? Quel médecin refuserait les soins ? De plus, beaucoup de ces étrangers étaient en situation irrégulière souvent depuis de nombreuses années sur notre sol avant cette régularisation. Un accord avec les pays d’origine pour les soigner est-il possible ?
Les difficultés sont énormes. Ainsi, même pour les « réguliers », les impayés à l’AP-HP représentaient 160 millions d’euros, dont 80 millions irrécouvrables par bug informatique.
Lutter contre les déserts médicaux : engagement n°67
Des stages d’internat contre les déserts médicaux
Marine Le Pen considère qu’il est impossible de « contraindre les médecins » à venir travailler dans telle ou telle zone, mais elle propose tout de même certaines mesures afin de combler ces déserts médicaux.
Voici ce qu’elle déclare, tout en prônant de redonner le goût de l’exercice libéral en France :
« Pour sensibiliser les jeunes médecins, je propose d’instaurer un stage d’internat dans une zone désertifiée. Il faut en effet tout entreprendre pour mettre fin aux déserts médicaux, ces zones de non-soins qui ne sont pas admissibles. »
Excellente idée mais assez floue… De plus, il n’y a pas de candidats pour y rester, car dans ces déserts tout est à réorganiser.
Et rien n’est dit pour Paris qui devient aussi un désert dans le secteur conventionnel, mais il en est de même pour tous les candidats !
Développer les maisons médicales qui resteront vides faute de prétendants
1200 maisons médicales ont été construites pour un coût de un à huit millions d’euros chacune. Beaucoup sont vides faute de médecins. Là n’est pas la vraie solution.
De même, essayer de maintenir en activité les médecins de plus de 65 ans en baissant leurs charges ne sera pas suffisant.
L’Hôpital
« Maintenir les hôpitaux de proximité plutôt que d’organiser des groupements hospitaliers de territoire (GHT) et augmenter les effectifs de la fonction publique hospitalière.
Favoriser les soins et les prises en charge ambulatoires plutôt que les hospitalisations pour désengorger les hôpitaux. »
Augmenter le nombre d’agents dans la fonction publique hospitalière est irréaliste. Il y a déjà trop de personnels administratifs avec 35 % sur les 1 200 000 personnels hospitaliers.
Augmenter le numerus clausus
Ce serait une mesure inefficace sans une réforme des études de médecine, car son effet ne commencerait à se faire sentir que dans plus de dix années. Une réforme totale des études de médecine en parallèle du système de santé est de plus en plus nécessaire. Aucun candidat n’en parle…
Pour ce faire, il faudra lutter contre les représentants étudiants qui agissent comme de vrais syndicats accrochés à un modèle de médiocratie qui leur permet trop souvent d’intégrer les milieux politiques aux dépens des étudiants en médecine qu’ils sont censés représenter.
Il faut savoir qu’un médecin conseil de la Sécu (ils sont plus de 5000) gagne plus de 100 000 euros/an et beaucoup plus dans un laboratoire pharmaceutique. Or, au tarif de la convention, il faut travailler 50 heures par semaine pour équilibrer le budget d’un cabinet médical.
Créer un cinquième risque consacré à la dépendance
Pourquoi pas, mais cela serait très coûteux : comment le financer ?
Ainsi, dans plusieurs domaines, certaines de ces mesures certes louables sont pourtant peu réalisables car elles risqueraient d’aggraver lourdement les déficits financiers. Telle est la réalité.
Vente à l’unite: n’est-ce pas déjà pratiqué dans de nombreux pays ?
Si je comprends bien votre analyse, le programme de Marine le Pen est plus qu’approximatif…
« Augmenter le nombre d’agents dans la fonction publique hospitalière est irréaliste. Il y a déjà trop de personnels administratifs avec 35% sur les 1 200 000 personnels hospitaliers. »
Concernant le personnels administratifs, je ne peux répondre mais pour le personnels soignants, je peux vous assurer qu’il en manque et que les équipes sont à bout. C’est à croire que, soit vous n’avez jamais mis un pied dans un hôpital, soit vous avez des Å“illères démesurées, soit vous êtes associés à notre chère et tendre Mme Touraine…