Par Emmanuel Martin.
Un article de l’Iref-europe
Panique à bord ! En début de semaine dernière le spread entre les taux sur la dette souveraine à 10 ans française et allemande s’est écarté, jusqu’à 80 points de base. À tel point que le ministre des Finances français Michel Sapin a cru devoir s’expliquer devant les marchés. Si le trou d’air s’est rapidement résorbé, faut-il rester pour autant serein ?
Le risque Le Pen
Avec les affaires qui pèsent sur la candidature Fillon, des investisseurs auraient parié sur une victoire de Madame Le Pen, qui souhaite une sortie de l’Euro. Un « Frexit » aurait évidemment des conséquences pour les créanciers de la France, avec un risque de défaut français (et des retombées en Europe). Les marchés ont donc évalué le « risque Le Pen », avant de se calmer : si Madame Le Pen arrivera sans nul doute en tête du premier tour, la probabilité qu’elle passe au second reste assez faible, selon les analyses.
Ces mouvements conjoncturels sont parfaitement normaux sur les marchés financiers. Et, en réalité, ils sont éminemment sains. Les marchés financiers sont là pour refléter notamment le risque anticipé par les investisseurs. Il est donc nécessaire et souhaitable que de ces anticipations changeantes se traduisent par une certaine volatilité, et le cas échéant par une remontée des taux. Les marchés signalent une information et donnent une incitation pour corriger le tir. Évidemment les hommes politiques n’aiment pas cela.
La dette qu’on voit, et celle qu’on ne voit pas
En revanche, ce genre d’évènements conjoncturels peut malheureusement nous détourner des vrais problèmes. Au-delà du « risque Le Pen », le « risque tout court » est lié au gigantisme de la dette réelle. La plupart des discussions et réactions sur la dette se fondent sur les mesures et calculs officiels de cette dernière. Et autant dire que ceux-ci sont très loin de la réalité, notamment parce qu’ils se fondent sur une mesure de la dette en tant qu’accumulation de déficits passés. Afin d’établir une image fiable du niveau d’endettement des États, l’économiste Jagadeesh Gokhale a intégré tous les engagements non financés (systèmes publics de retraite par répartition, retraites des fonctionnaires, sécurité sociale, futures dépenses publiques non finançables aux taux de taxation actuels etc.) c’est-à-dire une sorte de « hors-bilan » de la comptabilité publique. À une conception minimaliste, et optimiste, de la dette « orientée vers le passé » il oppose une conception bien plus réaliste « orientée vers le futur ».
Le résultat est tellement spectaculaire que le chercheur n’hésite pas à appeler le phénomène « l’iceberg de la dette publique » : la partie visible, ou « officielle », est en effet minuscule en comparaison avec la partie immergée, « non officielle », de la dette publique. Pour la France, si le chercheur estimait que le « déséquilibre budgétaire » explicite pour 2010 était de 2% du PIB, la partie implicite était de 12,6% ! En 2009, il considérait déjà que la dette réelle cumulée de la France à « horizon ouvert » était de l’ordre de 550% du PIB (6 ans et demi de production nationale…). Voilà le vrai risque.
La « grande déformation »
La question de la dette publique avait émergé lors de la campagne de 2007, notamment avec François Bayrou qui en avait fait un cheval de bataille. Il est dommage que 10 ans plus tard et l’explosion des déséquilibres comptables publics, du fait d’une accumulation d’irresponsabilité et de démagogie politiques, la question de la dette réelle n’apparaisse pas dans le débat. Entre les démagogues socialistes, de droite comme de gauche, qui promettent toujours plus d’utopies non financées et les déboires d’un candidat que l’on croyait presque responsable, il est à peu près certain que le thème, fort gênant, n’émergera pas tant que les marchés ne l’intégreront pas et n’enverront pas des secousses autrement plus importantes que celles de la semaine dernière.
Pourquoi donc les marchés ne reflètent-ils pas ce risque alors ? La raison principale est qu’ils sont très largement coupés de la réalité par une politique monétaire de connivence, visant à protéger les États impécunieux comme les banquiers irresponsables. C’est d’ailleurs le but principal du « whatever it takes » de Monsieur Draghi. Comme l’a bien décrit David Stockman, cette politique monétaire de connivence (aux USA comme en Europe d’ailleurs) a produit une « grande déformation » dans l’allocation des ressources et du risque : les marchés ne reflètent plus la réalité, ne financent plus ce qu’il faut. Les taux français se sont d’ailleurs détendus en milieu de semaine après des rumeurs selon lesquelles Monsieur Draghi poursuivrait sa politique accommodante jusqu’en 2019…
À quoi sert la Cour des comptes ?
Et c’est bien ce genre de politique de sauvetage permanent qui fait également que la Cour des comptes peut continuer à crier sans que personne ne s’en émeuve. Selon elle, pas moins de 40 % de la baisse du déficit public depuis 2011 seraient dus à la baisse des taux du fait de cette politique monétaire : un effet d’aubaine en quelque sorte, qui ne peut durer et a toutes les chances de s’inverser – sans Madame Le Pen. Dans son dernier rapport la Cour note que les finances 2017 ont été établies sur des hypothèses de croissance (1,5%) et de recul du déficit (2,7%) bien trop optimistes. Sans parler de l’absence d’économies structurelles alors que la dépense publique est trop inefficace. Le sérieux budgétaire ? Une mauvaise blague.
La politique monétaire accommodante devait permettre une fenêtre d’opportunité pour remettre de l’ordre dans la politique budgétaire. Il n’en a été presque rien : elle a créé les conditions d’une dangereuse accoutumance, des États, des marchés et des électeurs.
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Toujours cette obsession de considérer les retraites par répartition comme un engagement équivalent à une dette. C’est totalement faux car les retraites par répartition ne distribuent qu’une part du revenu du moment de la société. Si dans 20 ans la France s’est effondrée et son PIB divisé par 10, il est à parier que les retraites seront divisé par 10 aussi. Les retraites par répartition ressemblent beaucoup plus à des dividendes d’actions (qui suivent les revenus de la société) qu’à des intérêts d’obligation. Une société commerciale n’a pas de dettes envers ses actionnaires, elle est possédée par ses actionnaires qui doivent se contenter de ce qu’elle peut distribuer et peuvent voir éventuellement leur capital ramené à zéro si les bénéfices de la société tendent vers zéro.
Les retraites sont un pourcentage du salaire promis aux retraités qui ont acquis ces droits en se pliant aux prélèvements correspondants. C’est donc bien une dette. Effectivement c’est une dette plus facile à désavouer que celle des banques. Mais ça reste une dette.
Exactement. Une approche saine serait donc de faire un état de la dette « âgé », c’est à dire annuel, sur les 50 ans à venir. On aurait alors une vision claire de ce qu’il faudra « rembourser » (dette financière + paiement des engagements hors bilan) chaque année.
Un tel chiffre, public, rappelé à longueur d’année par des journalistes aux Électeurs que nous sommes pourrait peut-être ouvrir des consciences et faire poser aux citoyens les bonnes questions…
Pour ma part je ne sais pas établir un tel tableau…
Cher Mitch, c’est bien mal connaitre ceux qui ont créé cette escroquerie transgénérationnelle, la seul chose qui est garantie par l état (c’est un vieux jugement du tribunal de Paris) c’est uniquement le principe de répartition , le principe! : il est garanti que ce qui rentre (€) sera redistribué (moins les frais…). Il n’est absolument pas question de garantir une somme (pourcentage de salaire) ! C’est pour cette raison que effectivement JCB explique que ce n’est pas une vrai dette financière, puisqu’il n’y a pas de chiffre , elle est peut être, au mieux, une dette morale.
Ils sont marqués en clair dans des codes de lois, les gens comptent dessus parce ce c’est que l’état leur à promis, c’est une vraie dette. Que l’état ne tiendra pas sa parole c’est un fait mais c’est une violation qui aura forcément des conséquences.
Ah bon, dans quel code, je vous prie ?
Par exemple:
Code des pensions civiles et militaires de retraite : article L13
Code des pensions civiles et militaires de retraite : article L24
Code de la sécurité sociale : article L161-17-3
Condition de durée d’assurance pour les générations nées depuis le 1er janvier 1958
Loi n°2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites : article 5
Condition de durée d’assurance (principes généraux)
Loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites
Condition d’âge (articles 28 et 31)
Décret n°2010-1734 du 30 décembre 2010 relatif à l’âge d’ouverture du droit à pension de retraite
Condition de durée d’assurance pour les générations nées en 1953 et 1954 (article 9)
Décret n°2011-916 du 1er août 2011 relatif à la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein pour les personnes nées en 1955
Condition de durée d’assurance pour les générations nées en 1955
Décret n°2012-1487 du 27 décembre 2012 relatif à la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein pour les personnes nées en 1956
Condition de durée d’assurance pour les générations nées en 1956
Décret n°2013-1155 du 13 décembre 2013 relatif à la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier d’une pension de retraite à taux plein pour les assurés nés en 1957
Sans rire vous pensez vraiment qu’un fonctionnaire jette les dés le jour de votre retraite pour décider montants et prestations ?
Il y a un afflux de gens étrange sur cet article… !?
Je serais tout à fait d’accord avec vous sauf que les retraites ne suivent pas l’augmentation ou abaissement des salaires moyens.
Donc, non, les obligations des retraites doivent être considérés comme des investissements. Il y a une dette mais c’est une investissement dans l’avenir.
Négatif, un investissement est une épargne productive. La dette issue de l’engagement lié aux retraites des fonctionnaires est une épargne non mentionnée dans le bilan de la nation.
Rapporté à une entreprise, ce serait un énorme compte-courant d’associé, correspondant à des sommes dues mais non versées. Et c’est bien une dette, pas un investissement.
Elle ne suivent peut être pas les fluctuations de court terme mais il n’y a aucun doute pour le long terme. Voyez la Grèce, les retraites y ont été fortement réduites. Je maintiens que des retraites qui peuvent être réduites pour suivre la conjoncture économique ressemblent plus à des dividendes d’actions qu’à des intérêts d’obligations. Les retraites sont certes des droits acquis mais ce ne sont des droits que sur ce que pourra verser la société le moment venu. Ceux qui pensent qu’une société ruinée continuerait à verser des retraites aussi généreuses qu’avant sa ruine sont de doux rêveurs.
Si vous en connaissez des adultes sains d’esprit, il faudra me les présenter, je suis curieux de voir ça.
Le principe de l’état en faillite c’est que toutes ses prestations, en particulier sociales, sont réduites voir supprimées sinon on s’en moquerait totalement.
Je ne comprends absolument pas votre manière de penser.
Il n’y a strictement aucun rapport entre des dividendes d’actions, qui rémunèrent un placement volontaire, un risque calculé et prit volontairement avec son propre argent, et une retraite vieillesse qui redonne à des ex-travailleurs devenus une charge ce que l’état leur a prélevé durant leur activité. Verser les retraites est un besoin vital pour les humains qu’on a forcé cotiser à ce titre en leur assurant que c’était absolument sans risque.
Il est vrai que le système français, contrairement à d’autres systèmes de retraites est une pyramide de Ponzi, mais la France est devenu une république bananière, ce n’est pas le seul domaine ou l’état est totalement en roue libre.
La Grèce a montré le chemin pour ceux qui s’engagent dans cette voie.
Tout à fait d’accord avec vous Ilmryn, bananière et donneuse de leçons, un comble. Vous avez remarqué les arricles sur le rapatriement de l’or allemand en Allemagne ? Ils vont faire leur monnaie et larguer l’euros et les pays latins laxistes. Cà va tanguer en France …
Je pensais être clair. Je recommence donc. Quand vous avez des actions et que la société décline, elle verse de moins en moins de dividendes et peut même arrêter voire faire faillite. En achetant des actions vous êtes solidaire de la société et supportez les risques. Quand vous avez une retraite par répartition, vous êtes en fait propriétaire d’une promesse de répartition de la production future (quand vous toucherez votre retraite). Si cette production future est insuffisante, vous toucherez moins par la force des choses (exemple la Grèce). Vous ne voyez vraiment pas la similarité ?
Vous faites par ailleurs une grosse erreur en pensant que l’état redonne lors de la retraite ce qui a été prélevé pendant l’activité. Dans une retraite par répartition, ce que l’on vous prélève n’est pas mis en réserve pour vous le rendre ensuite, il sert à payer les retraites des retraités d’aujourd’hui et, quand ce sera votre tour votre retraite sera payée par les cotisants du moment. On procédait à peu près de la même façon avant l’invention des retraites. Les vieux étaient simplement gardés dans les familles et nourris par les plus jeunes. La retraite par répartition st un système très sain pour peu que l’on ne fasse pas de démagogie en promettant 30 ans de jouissance de retraite après 20 ans de travail. Si on ajuste l’âge de la retraite pour qu’il y ait a peu près 2 actifs pour un retraité cela peut très bien marcher.
Quand vous avez des actions, vous détenez au plus 5% par société, ceci pour répartir le risque.
parce que avec votre système de répartition de m&/%/e vous prenez le risque que l’état ne vous raconte que des salades, ce qui le cas en ce moment.
Les futurs retraités finiront par vous dire : » merci pour ce moment »
« Investissement » !? Je ne comprends pas…
Vous comptez faire travailler les petits vieux devenus grabataires dans les mines pour que ça rapporte ?
Les vieux font de chrysalides et se transforment en joli papillon ?
C’est le propre argent de ces vieux que l’état a prélevé de force quand ils étaient actifs en promettant de le leur redonner plus tard selon certaines conditions inscrites dans les lois.
Zenarc.
Discussion bizantine (grecque, donc)!
En fait, tout dépendra de l’ INDEXATION future (politique, donc).
Chez moi, 550% du PIB, ça fait 6,5 ans de production nationale, et non pas 5,5 ans…
La politique monétaire accommodante a produit un effet d’accoutumance des Etats, des marchés et des électeurs dont le survenue était très largement prévisible. La remontée du prix de certaines matières premières et des taux directeurs de la Fed courant 2017 va obliger tôt ou tard la BCE à y mettre fin, issue qui était elle aussi très largement prévisible.
En prenant 10% de dette implicite au lieu des 12.6% annoncés par le chercheur, on arrive à 220 milliards, soit déjà plus de 50% du budget de l’état.
Or il est admis que la part de l’état est de 58%, ce dont je doutais fort. Le pays serait donc à près de 110% de la part de l’état au budget.
Une seule signification à cela : le pays est en faillite, ce que l’on constate chaque jour. Et pendant ce temps on jacasse sur Fillon.
Ce système de répartition défendu par les syndicats et la gôche s’apparente de plus en plus à la pyramide de Ponzi avec de moins en moins d’entrants et de plus en plus de bénéficiaires
Gare aux derniers entrants car le système va exploser en vol car notre dette va devenir tres rapidement insoutenable si le spread continue à augmenter comme actuellement