Primaire de la gauche : c’est (mal) parti !

Le débat d’hier a mis clairement en évidence que la gauche est en manque d’idées neuves et qu’elle n’a pas vraiment de vision globale au-delà du refrain connu sur la gauche qui doit gagner, car la gauche, c’est la solidarité, la justice et le bonheur.

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Primaire de la gauche : c’est (mal) parti !

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 13 janvier 2017
- A +

Par Nathalie MP.

À choisir parmi tous les éminents ténors du Parti socialiste, mon préféré est incontestablement le Secrétaire général Jean-Christophe Cambadélis. J’adore son ton patelin de loup déguisé en mère-grand, j’adore ses façons insinueuses d’anguille qui retombe toujours sur ses pattes blanches, j’adore ses idées complètement loufoques et ses analyses éternellement satisfaites de prestidigitateur qui croirait lui-même à ses propres tours. 

Quand tout va mal au PS, on peut compter sur Camba pour vous ficeler en deux temps trois mouvements un petit projet censé réveiller l’unité de la gauche, la force tranquille de ses propositions et la gagne au bout du chemin. On se rappellera par exemple son inénarrable référendum sur l’unité de la gauche à la veille des élections régionales de décembre 2015. Énorme plébiscite, le référendum ! Par contre, les Régionales…

Un an plus tard, tout va toujours très mal au PS. Contre toutes les traditions de la Vème République, il a fallu se résoudre à organiser une élection primaire pour désigner le candidat du parti pour la prochaine élection présidentielle. Non seulement le candidat naturel, le Président socialiste François Hollande, était contesté à gauche depuis le début de son mandat, mais en plus il a fait faux bond au dernier moment. On peut toujours s’essayer à expliquer, comme Camba, que la décision de Hollande vise à protéger « son bon bilan » avec élégance, le signal n’est guère flatteur.

Le « bon bilan » de François Hollande

En réalité, le bilan est passablement délicat à défendre. À tel point qu’un ancien membre du PS et un ancien ministre de l’actuel Président ont pris leurs distances pour se présenter hors primaire, provoquant un éparpillement fort mal venu. Alors qu’en 2007 et 2012, le parti socialiste réunissait au premier tour 26 et 28% des suffrages exprimés, le dernier sondage réalisé par l’Ifop avant le débat montre un PS bien rabougri, coincé qu’il est entre l’extrême-gauche de Mélenchon et l’extrême prudence de Macron.

Quel que soit le vainqueur de la primaire de gauche, celui-ci se retrouve en l’état actuel de l’opinion en 5ème position, Manuel Valls se hissant le plus haut avec 10,5% des voix et Vincent Peillon le plus bas avec 2,5% des voix. Marine Le Pen prend la première place avec 25 à 26%, François Fillon se tasse à 24 / 25%, Emmanuel Macron, celui que les médias ont choisi pour remplacer Juppé, est entre 17 et 20%, tandis que Mélenchon, assez fidèle à ce qu’il avait obtenu en 2012, oscille entre 11 et 13%.

J’ai tendance à penser que lorsque la primaire de gauche aura délivré son résultat, un réflexe de rassemblement se fera autour du candidat désigné, mais de là à passer des 10% d’un Valls à 25% pour tenter d’arriver au second tour, il y a une véritable crevasse qui rend la situation du PS particulièrement préoccupante. D’où les regrets de François Hollande d’avoir cédé sa place à un Valls qui ne performe guère, d’où également les scénarios qui commencent à germer chez certains membres du PS dans le sens d’un rassemblement derrière Emmanuel Macron, le candidat tout beau, tout neuf, tout feu et tout flamme qui bénéficie pour le moment de l’élan médiatique.

La « réussite » de la primaire de la gauche

Notre ami Cambadélis ne compte pas se laisser décontenancer par ce genre de considération désagréable. Dès lundi, non seulement il nous annonçait que « la primaire de la Belle Alliance Populaire, c’est parti ! » mais surtout, il nous assurait que « c’était déjà une réussite » ! Une réussite en matière d’organisation (7 530 bureaux de vote), une réussite en matière de débat (pas d’agressivité entre les candidats) et une réussite en matière de propositions pour les Français. L’objectif ? Gagner bien sûr ! (vidéo, 02′ 12″) :


L’Edito de Jean-Christophe Cambadélis – Episode… par PartiSocialiste

Ce n’est évidemment pas l’avis de Jean-Luc Mélenchon qui, non sans son bagout habituel, se demandait la semaine dernière dans Le Monde  :

« Sans projet et sans avantage électoral, à quoi bon un candidat du Parti socialiste ? »

Il est vrai que de son côté, il défend un programme des plus classiques, qui a fait ses preuves de la Grèce au Venezuela : abrogation de la loi Travail, retour aux vraies 35 heures, fin du travail du dimanche, Smic à 1 700 euros « bruts pour commencer, nets pour finir » et, petite nouveauté minceur, quinoa pour tous.

Mais si le PS est clairement en manque d’avantage électoral, ce qui est fascinant à propos de son, ou plutôt des projets de ses différents candidats, ce n’est pas exactement leur absence, c’est d’abord leur affligeant conformisme d’extrême-gauche doublé de beaucoup d’ignorance économique, et c’est ensuite leur total amateurisme.

En 2017, le parti socialiste compte bâtir l’avenir de la France avec des propositions qui ressemblent à s’y méprendre au Programme commun de la gauche sur lequel Mitterrand fut élu en 1981, pour tout abandonner 2 ans plus tard compte tenu de la situation catastrophique dans laquelle il avait engagé la France. Et sur ce point, on peut sans problème adjoindre Mélenchon aux Hamon, Peillon et Montebourg dont il se moque un peu vite.

On peut aussi y adjoindre Manuel Valls. Alors qu’en 2011, il participait à la primaire de gauche dans un état d’esprit réformiste, voire blairiste, jugeant nécessaire de moderniser le PS et la France en la libéralisant un tant soit peu, c’est-à-dire en occupant le créneau actuellement préempté par Macron, tout est différent aujourd’hui. Valls prétend avoir changé et il revendique maintenant un « droit d’inventivité » qui lui permet d’opérer un virage à gauche afin de ne pas se laisser distancer par Montebourg qui pourrait le dépasser au second tour de la primaire.

Et c’est à se demander si l’on ne va pas devoir bientôt y adjoindre Macron lui-même, ce qui donnerait du poids à l’hypothèse d’un PS rassemblé derrière Macron si le candidat désigné devait être trop marginalisé dans les intentions de vote. La député PS Corinne Ehrel qui le soutient déclarait en effet hier au Figaro : « Emmanuel Macron, ce n’est pas moins d’État, c’est mieux d’État », selon cette croyance typique des technocrates (dont est indiscutablement Macron) qu’il est possible de mieux gérer en planifiant, et typique des étatistes (dont il est aussi, ça devient clair) qu’il serait possible d’avoir un État dirigiste, omniprésent et vertueux. C’est pourtant quelque chose qu’on n’a jamais vu, même camouflé sous le terme flatteur et dynamique d’État stratège, bien au contraire.

Il est déjà difficile de prendre au sérieux des candidats aussi fermement accrochés à toutes les vieilles lunes gauchistes. Il devient simplement impossible de ne pas éclater de rire quand on apprend par exemple que nombre des mesures qu’ils proposent existent déjà, quand on découvre que Manuel Valls veut défiscaliser les heures supplémentaires, mesure sarkozyenne qui fut supprimée par Hollande, ou quand on lit sous la plume des experts du Cercle des fiscalistes, qui ont examiné les propositions fiscales des candidats, que :

« globalement, ces programmes manquent cruellement de substance, de détails et de chiffrages. »

Le seul sujet qui excite véritablement la verve des principaux candidats, le seul argument sur lequel ils se montrent intarissables, c’est que « la gauche doit gagner » pour « battre le FN » et empêcher la « casse sociale » et la « régression catholique » prévue par Fillon. L’amusant dans tout ça, c’est que Marine Le Pen est bien d’accord avec Peillon et Valls pour dire que « Fillon a le pire programme de casse sociale qui ait jamais existé ».

On ne sent que trop que cette primaire n’aurait jamais dû avoir lieu, qu’elle a été organisée à la hâte, que le projet socialiste pour la France consistait à continuer dans la voie Hollande, qu’il faut maintenant s’en démarquer tout en défendant le bilan, quadrature du cercle qu’il ne semble possible de réaliser que dans le plus grand n’importe quoi.

Le débat du 12 janvier 2017

Pour commencer doucement, voici d’abord l’extrait dans lequel les candidats doivent qualifier d’un mot le quinquennat  de François Hollande :


Primaire à gauche: « peut mieux faire », le bilan… par LEXPRESS

Et voici maintenant la vidéo complète du premier débat des « primaires citoyennes » d’hier soir 12 janvier 2017 (2 h 32′) :

Quelques réflexions après le premier débat des « primaires citoyennes » 

La première partie de l’émission était consacrée aux questions économiques, fiscales et sociales. Le moins qu’on puisse dire, c’est que si les sept candidats sont bien tous de gauche, notamment lorsqu’ils réitèrent leur attachement viscéral à notre système de sécurité sociale nationale et leur volonté de le préserver coûte que coûte, ou lorsqu’ils prônent des relances de l’emploi et du pouvoir d’achat par grands travaux, ils sont loin d’avoir des positions complètement alignées dans tous les domaines. Le revenu universel et la loi Travail apparaissent comme les dossiers les plus clivants.

  • Le revenu universel de base, sujet à la mode actuellement dans tous les mouvements politiques, divise fortement les candidats de gauche. Âprement défendu par Benoît Hamon, qui y voit une façon de lutter contre sa peur du remplacement du travail par des robots, et Jean-Luc Bennahmias (lequel a endossé le rôle de trublion du débat), qui y voit une incitation à entreprendre, il est globalement rejeté par les autres candidats, notamment parce que la charge serait insoutenable et parce qu’il casse l’idée (de Peillon) que la solidarité doit s’effectuer en faisant payer les plus riches pour les plus pauvres (ce qui est pourtant bien ce qui se passerait ; on se demande si Peillon maitrise vraiment les notions qu’il manipule).
  • Notre système de protection sociale sera sanctuarisé par tous les candidats, et tant pis si Gilles Bouleau rappelle les alertes récentes de la Cour de Comptes sur les déficits qui s’aggravent et sur la durée de vie qui s’est beaucoup allongée depuis 1945.
  • Loi Travail : pour Manuel Valls et Sylvia Pinel, une loi à conserver car elle instaure la négociation dans l’entreprise. À l’inverse, Benoit Hamon et Arnaud Montebourg veulent l’abroger, d’abord en raison de son adoption par 49.3, ensuite parce que selon eux, elle facilite les licenciements. Ils souhaitent réintroduire la hiérarchie des normes et revenir au partage du travail instauré avec les 35 heures.
  • Soutenir les entreprises, surtout les plus petites, est un thème qui revient chez tous les candidats. Sylvia Pinel semble être celle qui les comprend le mieux. Elle propose du reste de baisser nettement l’impôt sur les sociétés (de 33 à 20%) et de sortir la part familiale des cotisations sociales, comme Sarkozy l’avait proposé en son temps.

Mais dans l’ensemble, il s’agit pour l’État, une fois de plus, d’être stratège et de lancer des grands travaux, notamment dans le secteur de la transition énergétique. Pour le dire clairement, il s’agit de payer de l’emploi par des fonds publics qu’il faudra aller chercher dans les impôts ou la dette. Typiquement le genre de relance qui ne marche pas, comme le soutenait en son temps Jacques Rueff dans ses controverses avec Keynes. Arnaud Montebourg s’en fiche, il a même décidé que le maintien du déficit budgétaire en dessous des 3% de PIB comme exigé par l’Union européenne est une idée absurde.

Étant globalement opposée à toute politique socialiste, qu’elle soit d’extrême ou de seconde gauche, pour la bonne raison qu’elles finissent toujours par engendrer à des degrés divers pénuries économiques, restrictions politiques et faillite, il m’est très difficile de donner un avis positif sur les propositions des candidats.

De loin en loin, on trouve une bonne proposition, la baisse des impôts sur les entreprises de Sylvia Pinel, par exemple, ou l’élargissement du numérus clausus des médecins. On pourrait même considérer que le revenu universel porté par Benoît Hamon apporte un certain renouveau dans les thèmes de la gauche, si l’on n’était convaincu par ailleurs qu’il constituerait une terrible erreur dans la mesure où il graverait dans le marbre un État providence dévorant.

Mais globalement, ce débat a mis clairement en évidence que la gauche est en manque d’idées neuves et qu’elle n’a pas vraiment de vision globale au-delà du refrain connu sur la gauche qui doit gagner, car la gauche, c’est la solidarité, la justice et le bonheur.

En tout cas, notre Camba national a trouvé un motif de satisfaction : les candidats « se supportent » a-t-il déclaré à la fin du débat. Comprenez : ils ne se sont pas tapés dessus…

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  • On boit du petit lait à lire ce commentaires si clair si vif qui est un plaidoyer pathétique du gâchis des marxistes qui ont liquide la France depuis plus de trente ans
    Attention se souvenir qu’en 88 Mitterand fut réélu sans programme pour achever so mandat en pleine décrépitude
    La France garde toujours ses chimères éculées pensant toujours à transformer du plomb en or

  • C’est la roue de la taxe et l’impôt.
    La dépense sans compter.
    Des projets, avec un business plan qui tiens sur un confettis.

  • « Alors si je peux me permettre de te donner un conseil, c’est oublies qu’t’as aucune chance, vas-y, fonce ! On sait jamais, sur un malentendu ça peut marcher . »

    Sept Jean Claude Duss qui débattent à la TV !

  • Je n’ai aucun doute : aucun d’eux n’a une chance raisonable de ganer l’éléction présidentielle 2017.
    Mais ce qui me terrifie, c’est qu’il y en ait un qui gagne en 2022 !

  • je suis peut-être seul à le penser mais j’ai trouvé De Rugy un peu moins irresponsable que les six autres

  • Assoupi devant le débat, mon esprit s’est mis à vagabonder.

    J’ai rêvé que nos braves politiciens étaient désormais contraints de produire des richesses pour vivre au lieu de vivre dans le confort des richesses volées aux Français. J’ai rêvé que ces politiciens, parasites incapables du moindre service rendu à leurs prochains, se retrouvaient à quémander la charité publique, à faire la queue à la soupe populaire, en baissant le regard sous les yeux autoritaires de la dame patronnesse des lieux, Marianne de son petit nom, leur reprochant implicitement leur indécrottable fainéantise. Et là, pouf, je suis revenu à la réalité, pile au moment où Béno-it vantait les mérites de la Rente Universelle.

    Rassuré, je suis allé me coucher. Demain, il fera jour.

  • 1) « On ne sent que trop que cette primaire n’aurait jamais dû avoir lieu ».
    => Au contraire, cette primaire est en train de révéler la profondeur des divisions au sein du bloc PS-PRG et la vacuité de la réflexion et des programmes des uns et des autres (sauf, sur certains points, Sylvia Pinel, effectivement).

    2) « Les sept candidats sont bien tous de gauche, notamment lorsqu’ils réitèrent leur attachement viscéral à notre système de sécurité sociale nationale et leur volonté de le préserver coûte que coûte ».
    => Ils n’ont pas complètement tort d’insister là-dessus, car l’électeur moyen auquel ils s’adressent, dont l’âge dépasse sensiblement 35 ans, a tendance à être gros consommateur de soins médicaux.

    3) « Ce débat a mis clairement en évidence que la gauche est en manque d’idées neuves et qu’elle n’a pas vraiment de vision globale au-delà du refrain connu sur la gauche qui doit gagner, car la gauche, c’est la solidarité, la justice et le bonheur ».
    => J’attends avec gourmandise les deux autres débats télévisés et le nom du vainqueur de la primaire, histoire de voir précisément comment la gauche se débat avant de perdre et de voir, peut-être, le PS amorcer un recul historique pour rejoindre le Parti radical et la SFIO dans les oubliettes de la politique.

    • 1/ Tant mieux pour les autres
      2/ Les français ne savent pas compter, si ils savaient, ils n’en voudraient plus de la sécu actuelle
      3/ La gauche est en dehors des réalités depuis des décénnies

  • Les commentaires sont fermés.

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