Par Romain Treffel.

Depuis la crise de 2008, la France n’a jamais connu un déficit public inférieur à 3 %, ce qui lui vaut les remontrances de la Commission européenne.
Ce seuil fatidique des 3 % sert notamment de référence pour les prévisions macroéconomiques et tous les calculs de réduction de la dépense publique. Il fait partie des critères dits de Maastricht, devenus les « critères de convergence », qui doivent être respectés, à la fois par les pays membres de l’Union européenne candidats à l’entrée dans la zone euro, et par les pays membres, sous peine d’avertissements, puis de sanctions.
Un déficit défini sur un coin de table
Très étonnamment, il n’est pas né d’une réflexion économique théorique poussée, mais il a été imaginé par trois hauts fonctionnaires français (Guy Abeille, Pierre Bilger et Roland de Villepin) sur un coin de table afin de fournir au président Mitterrand une règle facile qu’il puisse opposer aux ministres qui lui demandent des fonds.
Il est devenu par la suite un des cinq critères de convergence de Maastricht à cause de phénomènes de change (augmentation des écarts de taux) qui ont requis une convergence économique des pays candidats à l’adoption de la monnaie unique.
Un seuil cohérent
En 1990, un groupe de travail européen animé par Jean-Claude Trichet, futur président de la BCE, le reprend ainsi en constatant qu’il correspond à la fois au niveau d’investissement public par rapport au PIB et à la moyenne des déficits publics de l’époque.
Mais ce seuil symbolique des 3 % possède aussi une explication technique relativement simple qui lui confère une cohérence économique.
En effet, combiné au critère de convergence de dette publique (ratio dette/PIB de 60 % maximum) et avec comme objectif que le déficit équivaille à l’intérêt de la dette1 (à un taux estimé à 5 %), alors le déficit doit être égal à 0,6 x 0,05 = 0,03 c’est-à-dire 3 % du PIB.
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Sur le web (lien Amazon)
- C’est-à-dire que les services de l’État sont intégralement financés par l’impôt, l’intérêt de la dette par le déficit. ↩
Même si la détermination des 3 % nous est présentée comme “artisanale”, ne sont-ce pas très souvent les choses les plus simples qui marchent le mieux ? Un autre niveau de seuil eut été déterminé par de savants calculs de nos énarques serions plus avancés ? Certainement pas car quand on voit toutes les décisions prises par nos gouvernants (un max. d’énarques) l’or est systématiquement transformé en plomb avec eux.
Qui plus est il est indispensable de mettre des limites à la folie dépensière de nos gouvernants qui démontrent de réelles compétences pour nous amener à la faillite.
Ras le bol de ces technocrates incompétents qui jouent avec l’argent de ceux qui produisent de la richesse (le privé, bien entendu et surtout pas les autres…)
Heu, la “cohérence” qu’on peut trouver dans ce ratio est – je crois – plutôt dans l’attente d’un taux de croissance de 5% (supposant de combler le déficit N en N+1 et rendant donc la dette soutenable) et non derrière un objectif de réglement des intérêts de la dette par du déficit. (Concernant le 5% de croissance attendue que j’évoque, il est arbitraire mais se décompose en 2% d’inflation et 3% de croissance “réelle”.)
Concernant votre hypothèse en 3ème partie, avez-vous des sources parlant d’objectif de réglement des intérêts de la dette par du déficit ? Cela peut éventuellement faire penser à la “règle d’or des finances publiques”, parfois interprétée comme forçant l’équilibre budgétaire des dépenses de fonctionnement et permettant le financement de l’investissement par déficit, mais c’est totalement autre chose ! Il s’avère cependant que cette règle d’or a parfois servi de piste pour trouver une cohérence au taux de 3% du PIB (car il parait que c’était le taux d’investissement public moyen des pays concernés, à une époque). Mais peu intéressant, cette règle ne valant alors qu’en l’absence d’inflation.
Voir : http://s3.amazonaws.com/academia.edu.documents/44610531/Excessive_Deficits_Sense_and_Nonsense_i20160410-14389-qmb9s3.pdf?AWSAccessKeyId=AKIAJ56TQJRTWSMTNPEA&Expires=1473592420&Signature=3xN7VYcGEXXu7YL0Ylu0zXBA7jA%3D&response-content-disposition=inline%3B%20filename%3DExcessive_Deficits_Sense_and_Nonsense_in.pdf
http://www.siecon.org/online/wp-content/uploads/2011/11/The-Myth-or-Folly-of-the-Maastricht-Parameter.pdf
Mouais, j’avais entendu une autre raison, qui était également basée sur un équilibre de la dynamique de la dette :
Les 3% et les 60% pouvaient rester constants à la condition d’une croissance en volume du PIB de 5% (dont 3% de croissance et 2% d’inflation).
La dynamique de la dette s’écrit donc :
D(t+1)/PIB(t+1) = (D(t)+d(t+1))/PIB(t+1)
=>D(t+1)/PIB(t+1) = D(t)/PIB(t)/(1+g+i) + d(t+1)/PIB(t+1), où D est la dette nominale, PIB le PIB nominal, g le taux de croissance, i le taux d’inflation. Pour maintenir le ratio dette/PIB constant à 60%, ça marche bien avec un déficit ramené au PIB de 3%, puisque :
0,6 = 0,6/(1+0,03+0,02)+0,03 (presque, en fait ça marche avec un déficit de 2,86%, ça a été arrondi)
Le problème de ce calcul, c’est qu’il suppose une croissance soutenue de 3% par an, ce qui n’est plus arrivé depuis la fin des années 90/début des années 2000. Bref, c’est également un calcul de coin de table basé sur une hypothèse d’extrême stabilité de la croissance économique, qui ne prend pas en compte les soubresauts. Une règle qui autoriserait des déficits plus importants en période morose (mais uniquement de manière temporaire) et par contre les déficits bien moindre en période de vaches grasses serait plus intelligente.
L’objectif n’est pas le déficit de 3 % mais moins, évidemment! Et la France vit, bien sûr, au-dessus de ses moyens! Il est normal qu’un pays s’endette pour “les grands travaux”, par exemple, mais si c’est pour améliorer l’économie, cette dette peut être ensuite couverte par l’épargne des citoyens et des rentiers.
Le problème est de ne pas avoir un état sans le sou qui est “souverain”, une “grande nation”, mais impuissant, sauf à augmenter sa dette!
Rappelons que ce 3% est une fumisterie pour calmer les gogos; en fait les dépenses de l’Etat dépasse ses recettes de 30%. Aucune entreprise, aucun ménage ne tiendrait plus de quelques mois à ce régime. Seul le pouvoir de l’Etat de nous rançonner de force autorise ce tour de force, renouvelé depuis 30 ans. Rappelez cette vérité autour de vous : pas 3% mais 30%.
N’importe qui, confronté à une limite chiffrée, se rapproche le plus possible de la limite, et même la franchit dans la limite d’intervention du gendarme
Tout politicien normalement constitué cherchera dont à flirter avec les 3%, et même 3,1%, comme tout automobiliste sur autoroute flirte avec les 130 km/h, et même les 135.
A moins de construire une limite en dur dans le système, le foirage était écrit…