Par Dominique Mercier.
Un article d’emploi2017
Il s’est écoulé huit ans depuis le début de la crise de 2008, et d’après François Hollande, « ça va mieux ». Plusieurs instituts économiques parlent même de reprise, avec une croissance qui pourrait atteindre 1,5% en 2016. Mais qu’en est-il de la création d’entreprises et des créations d’emplois par les entreprises nouvelles ? En réalité, la situation est toujours aussi catastrophique, voire pire.
Ainsi que le dévoile un document1 de l’Insee de janvier, seules 4% des entreprises créées en 2015 sont employeuses, c’est-à-dire que seules 4% d’entre elles ont démarré avec au moins un salarié. La France continue donc d’être un cancre en matière de création d’emplois par les entreprises nouvelles. Si l’on exclut les micro-entrepreneurs, qui par définition ne peuvent être employeurs, ce sont 8% des entreprises qui embauchent à leur création. Cette proportion est extrêmement faible et elle diminue continûment depuis quelques années puisqu’elle était de 10% en 2014 et 2013 contre 12% en 2012.
Par ailleurs, non seulement les entreprises employeuses sont moins nombreuses mais en plus, pour celles qui le sont, elles embauchent de moins en moins au fil des ans. En 2012, les entreprises employeuses démarraient en moyenne avec 2,9 salariés, ce chiffre est tombé à 2,7 salariés en 2014 et à seulement 2,5 en 2015.
Pour avoir une idée de l’étendue du désastre, il suffit de nous comparer au Royaume-Uni. Contrairement à nous, ce pays a connu une belle embellie des créations d’emplois par les entreprises nouvelles par rapport au début de la crise. Ainsi en 2013 – derniers chiffres disponibles – le nombre total d’entreprises nouvelles employeuses était de plus de 300.000 contre moins de 25.000 en France. Par conséquent, la différence en termes d’emplois créés est énorme : plus de 700.000 emplois créés par les entreprises nouvelles au Royaume-Uni contre 70.000 en France.
Comment expliquer une telle catastrophe ?
Une telle catastrophe est liée directement au financement misérable de nos start-ups. Ainsi qu’on l’apprend dans une autre étude de l’Insee2, plus de la moitié des créateurs d’entreprises en France, hors autoentrepreneurs, se lancent avec un financement inférieur à 8.000 euros, et moins de 7% avec plus de 160.000 euros. On constate en effet que 65% des créateurs n’ont aucune source de financement en dehors de leurs ressources personnelles ou familiales.
Par ailleurs, parmi les 35% de créateurs qui mobilisent des ressources extérieures, 82% empruntent auprès d’établissements bancaires. Ce dernier chiffre est révélateur de la situation française en termes de financement des jeunes pousses : à un stade de leur existence où des capitaux propres pourraient être plus adaptés, celles-ci n’ont apparemment d’autres recours que d’aller voir les banques.
Dans une conjoncture économique toujours difficile pour les petites entreprises, la création d’emplois par les jeunes entreprises n’est pas près de s’améliorer. Comme le confiait récemment un dirigeant de PME à Emploi-2017, on constate qu’un nombre croissant d’artisans passent sous le régime de l’autoentrepreneur. Les artisans, qui dénonçaient une concurrence déloyale de la part des autoentrepreneurs, ont en effet compris qu’en période creuse, il peut être plus intéressant de ne pas prendre d’apprentis et de se mettre eux-mêmes sous ce statut. Ce faisant, ils s’installent durablement dans un statut où ils n’embaucheront pas… Cette situation est malheureusement symptomatique du drame français.
- Félix Bonnetête et Sylvie Rousseau, « Les créations d’entreprises en 2015 : net repli des immatriculations de micro-entrepreneurs », Insee Première N° 1583, janvier 2016. ↩
- Damien Richet et Stéphane Thomas, « Les créateurs d’entreprises en 2014 : moins de chômeurs et des projets plus modestes qu’en 2010 », Insee Première N° 1600, juin 2016. ↩
et vu le monopole des grosses banques qui ne connaissent guère leurs clients, le financement n’est pas prêt de s’améliorer pour les entreprises.
Outre la question directe du financement de l’ emploi de salarié(s) par une jeune pousse qui doit être »assurée » de dégager convenablement de la marge brute en quantité suffisante, le coût administratif d’ embauche est lui même conséquent. Par exemple, il est devenu quasi-impossible d’ éditer des fiches de salaires par soi-même et le coût de cette sous-traitance atteint couramment les 250/300€ HT hors prime initiale pour le paramétrage du compte. C’est grosso modo le rapport d’ une journée de travail qui part ainsi dans de la paperasse sans que ledit salarié soit plus riche, bien au contraire…
Et ce n’ est évidemment pas la seule contrainte…
Bonjour à toutes et à tous,
A France Angels, nous sommes actuellement moins de 5 000 « Business Angels » contre plus de 60 000 (par exemple) au Royaume-Uni. Ceci expliquant peut-être en partie cela. Il est vrai que pour une bonne partie des belles âmes françaises « de gauche » (voire « de droite ») nous ne sommes que de vilains capitalistes cupides coupables de spéculation effrénée et suspects de vouloir boire la sueur du peuple …
https://www.linkedin.com/pulse/%C3%AAtre-business-angel-pierre-tarissi
L’épargnant français moyen préfère donc nettement remplir ses livrets ou contrats d’assurance-vie en Euros, en fait contreparties de la dette d’Etat. Certains s’en vantent même. La composition du patrimoine de nos ministres révèle d’ailleurs cette propension à investir dans l’immobilier et la dette d’Etat (quasiment aucune valeur mobilière), ainsi que leur inaptitude apparente à épargner (patrimoines très faibles malgré des revenus plus que confortables) …
https://www.linkedin.com/pulse/illusion-de-la-richesse-mon%C3%A9taire-et-du-tr%C3%A9sor-cach%C3%A9-l%C3%A9pargne-pierre
C’est toute une culture à faire évoluer : on attendrait des politiques – et des journalistes – qu’ils y mettent un peu plus d’ardeur !
Amitiés,
Pierre
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