Grèce : Alexis Tsipras osera-t-il privatiser sérieusement ?

Alexis Tsipras n’a pas d’autre choix que de privatiser, mais il vient de nationaliser les chantiers navals.

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Alexis Tsipras (Crédits : Die Linke via Flickr (CC BY-NC 2.0)

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Grèce : Alexis Tsipras osera-t-il privatiser sérieusement ?

Publié le 7 février 2016
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Par Cécile Belliard.

Alexis Tsipras - Crédit : Die Linke via Flickr (CC BY-NC 2.0
Alexis Tsipras – Crédit : Die Linke via Flickr (CC BY-NC 2.0)

 

Mercredi 20 janvier, la Grèce a cédé le port du Pirée au géant chinois du transport maritime Cosco. Longtemps réticent à privatiser certains pans de son économie pour remonter la pente, le gouvernement d’Alexis Tsipras démontre enfin avec cette opération une volonté de répondre positivement aux exigences de ses créanciers.

Des privatisations au forceps

L’été dernier, la Grèce a accepté un nouveau plan d’aide internationale d’un montant de 86 milliards d’euros, le troisième en cinq ans. Cet accord exigeait alors de la part du gouvernement des efforts significatifs et rapides pour sortir son économie du rouge et la stabiliser.

Pour les représentants des créanciers, à savoir le FMI, la Commission européenne, la BCE et le Mécanisme européen de Stabilité (MES), il y avait une recommandation majeure : démarrer une phase de privatisation des infrastructures du pays afin de réinjecter dans l’économie le capital nécessaire pour croire de nouveau à des perspectives de croissance.

Des efforts auxquels Tsipras a eu du mal à consentir. Embourbé dans un immobilisme nourri par un assistanat qui voit la Grèce attendre la béquée européenne et une volonté de relance de son économie par le secteur public, Syriza a longtemps freiné les négociations avec les investisseurs étrangers.

Cette position du parti dirigeant a rapidement montré ses limites face à l’urgence d’une économie grecque qui ne peut se passer de l’intervention du secteur privé et de l’entrée de nouveaux investisseurs pour remettre ses compteurs à zéro.

En plus de gérer une crise sans précédent, Syriza se retrouve aujourd’hui à devoir jongler entre un désaveu de l’opinion publique qui tourne chaque jour un peu plus le dos à un gouvernement perçu comme incapable et un parti affaibli par une situation complexe et un manque d’actions efficaces.

Mais l’énième plan de relance défini en 2015 et la pression imposée par le « quartet » semblent désormais porter ses fruits. Les derniers mois ont en effet vu Alexis Tsipras abandonner peu à peu ses convictions protectionnistes afin d’entreprendre les réformes économiques requises pour renflouer les caisses du pays et enclencher le processus des privatisations.

La Grèce s’engage sur la bonne voie, ou pas…

Après plusieurs mois de négociations, c’est donc le groupe Cosco qui parvient à mettre la main sur le Port du Pirée. Le 20 janvier, l’Agence grecque de privatisations (Hraf) a accepté l’offre déposée par l’entreprise chinoise pour l’acquisition de 67 % de la société du Port de Pirée (OLP), une opération d’un montant de 368,5 millions d’euros.

Pour le gouvernement grec, cette vente est définitivement un pas supplémentaire en direction de ses créanciers. Une étape qu’il a été difficile de franchir pour Syriza, peu prompt à céder l’un des fleurons de son industrie navale à des investisseurs étrangers. Le secteur naval, le plus important pour l’économie du pays après le tourisme, renferme pourtant certains trésors qui intéressent le monde entier. Tsipras semble comprendre aujourd’hui que le maintien de cette industrie doit passer par l’accueil de nouveaux partenaires financiers à la table des négociations, des groupes capables d’injecter le capital nécessaire pour faire fonctionner la filière et soutenir l’économie du pays.

La décision de céder le Port du Pirée est née d’un processus de privatisation amorcé l’année dernière, avec la concession de 14 aéroports régionaux du pays au consortium allemand Fraport-Slentel. Cette opération, qui a été conclue durant l’été 2015 pour un montant d’1,23 milliard d’euros, permet à la société allemande de prendre le contrôle des aéroports et cela pour une période qui pourrait durer entre quarante et cinquante ans. Fraport-Slentel devra également s’acquitter d’un loyer annuel de 22,9 millions d’euros auprès de l’État grec.

La cession de la gestion des aéroports au consortium allemand était l’année dernière la toute première privatisation d’infrastructure du gouvernement grec depuis que Syriza est au pouvoir. En ouvrant le secteur aérien et aujourd’hui le secteur naval aux opportunités, Tsipras et son équipe envoient un signal fort aux créanciers du pays. Pour que l’économie redécolle, ils ont compris qu’il fallait que le gouvernement lâche du lest, quitte à devoir se séparer de certains de ses plus beaux atouts.

Cependant, si les efforts de Syriza dans la privatisation des ports sont notables et donnent l’impression que le pays va dans le bon sens, la récente annonce de nationalisation de l’ensemble des chantiers navals de la Grève, ainsi que les plans d’augmentation de taxes dans le secteur jettent un froid. Privatiser d’un côté et ainsi aller dans le bon sens de la croissance pour ensuite nationaliser un des secteurs les plus rentables du pays constituent un véritable pas en arrière de la part d’un Gouvernement dont la ligne politique semble de plus en plus difficile à comprendre pour les investisseurs étrangers, comme pour les créanciers.

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  • 350 millions, c’est peanut comparé à leurs dettes.

    • Oui, c’est ce qui m’a choqué en premier !

      De même que l’expression : “croire de nouveau à des perspectives de croissance”.

      Que ce soit en Grèce ou en France, les politiciens sont spécialistes de la mesure symbolique. Cela fonctionne peut-être avec les électeurs, mais pas sur le plan de l’efficacité globale. Et pour un décideur – un vrai qui engage son capital – cela doit produire l’effet inverse (comme privatiser un peu d(un côté et nationaliser beaucoup de l’autre). C’est sur le plan des idées et de la prise en compte honnête des réalités qu’il faut progresser, pas sur le plan du discours et des mesurettes.

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