L’art d’être Française au programme de la Sorbonne

Ça fait grincer quelques dents britanniques.

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BRIGITTE BARDOT AU MEXIQUE POUR LE TOURNAGE DU FILM VIVA MARIA DE LOUIS MALLE credits James Joel via Flickr, (CC BY-ND 2.0) )

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L’art d’être Française au programme de la Sorbonne

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 7 juillet 2015
- A +

Par Nathalie MP.

BRIGITTE BARDOT AU MEXIQUE POUR LE TOURNAGE DU FILM VIVA MARIA DE LOUIS MALLE credits James Joel via Flickr, (CC BY-ND 2.0) )
BRIGITTE BARDOT AU MEXIQUE POUR LE TOURNAGE DU FILM VIVA MARIA DE LOUIS MALLE credits James Joel via Flickr, (CC BY-ND 2.0) )

Messieurs les Français,
Mesdames et Messieurs les Anglais,
Mesdames et Messieurs les Américains,

L’université de renommée mondiale Paris Sorbonne

A l’immense plaisir et l’incontestable privilège de vous inviter à participer à son Université d’été 2015 afin de lever enfin le voile sur le sujet le plus mystérieux et le plus étudié du monde, la femme française. Après huit siècles de recherche acharnée, l’université est maintenant à même de vous proposer en anglais et en français un cycle découverte de 15 heures qui se déroulera la semaine du lundi 20 au vendredi 24 juillet de 14 h à 17 h. De façon tout à fait symbolique compte tenu de l’importance universelle du sujet, une participation de 420 euros vous sera demandée. 

Bien sûr, le programme de l’université d’été de la Sorbonne n’est pas exactement rédigé en ces termes. Remarquez qu’il n’en est pas loin. Avec une originalité qui frise le jamais vu-jamais exprimé, la responsable pédagogique conclut sa brève présentation par « Nous vous souhaitons donc un très bel été de culture et de découverte dans la plus belle ville du monde. »

On commence à comprendre qu’il pourrait y avoir de l’irritation dans l’air. Passons.

Ce programme, donc, n’est pas présenté ainsi et il ne se limite pas au qui-que-quoi-dont-où de la Française. Il comprend onze cycles dont les thèmes évoluent de « Culture et concepts de l’Antiquité » et « Europe des Lumières » à « Mutations de l’homme et de son environnement. » Mais le cycle 9 intitulé « Les femmes françaises » a été particulièrement remarqué, car il s’agit d’une audacieuse nouveauté de l’année qui n’a pas manqué de susciter des commentaires au mieux amusés, souvent sarcastiques et au pire furieusement agacés.

Si l’on s’en tient au descriptif du cours, il s’agit d’explorer « le rôle des femmes françaises dans l’histoire de France ainsi que leur influence dans les arts et la littérature. »

Voilà qui parait universitaire en diable. Et pourtant même le naturaliste le moins enclin à la distraction a du mal à rester concentré et à ne pas rire face à un sujet aussi frivole. Le programme a pourtant pris soin de prévoir une séance dédié au corps féminin depuis le début du XIXe siècle, mais non, rien à faire. Pour un naturaliste digne de ce nom rien ne saurait dépasser en sérieux une belle étude consacrée par exemple à la Systématique des Phasmes et à l’Étude de leur répartition (cas du vrai naturaliste) ou à la Corrosion des bas de portes de Mercedes (cas du naturaliste plus généralement connu sous le nom d’homme).

Si le naturaliste, vrai ou homme, se gausse du manque de sérieux du sujet proposé, l’agacement provient également du fait que l’ensemble du programme est décliné en anglais et s’adresse chaque année à quelques trente-six nationalités différentes. De là à penser que les Françaises s’érigent sans modestie aucune en modèle à l’adresse du reste du monde, il n’y a qu’un pas que Celia Walden, journaliste anglaise du Daily Telegraph vivant en France, a franchi allègrement.

Dans un article daté du 17 juin dernier, Celia Walden annonce d’entrée de jeu la couleur :

« Non contente d’être supérieure à tous les autres pays du monde, la France a abandonné son nombrilisme avec abnégation pour se lancer maintenant dans le rôle du gourou qui veut apprendre à vivre au reste du monde jugé par elle pitoyable et maladroit. »

Très remontée contre le programme d’été de la Sorbonne qu’elle interprète comme une ridicule propagande sur « les vertus d’être Français », elle se moque tout particulièrement du cursus féminin qui prétend inclure dans le rôle historique et littéraire des femmes françaises leur prétendue diplomatie, leur corps irréprochable et leur vieillissement harmonieux. Née et élevée elle-même en France, elle considère qu’elle a également eu toutes les occasions de disséquer la femme française à propos de laquelle elle nous livre sept leçons dans le style « Ce que le cours de la Sorbonne ne vous dira pas. »

Autant dire qu’on tombe de très haut. Il y a seulement deux ans, des journalistes américaines tout aussi familières de la vie en France avaient écrit plusieurs articles ou livres sur nous autres les Françaises, tous plus élogieux les uns que les autres. On ne se lassait pas de lire dans nos magazines préférés que pour les Américaines les plus en vue nous étions merveilleusement belles et désirables y compris au saut du lit, que nous étions le charme, le chic et l’élégance incarnée, surtout grâce à notre silhouette élancée et à notre goût vestimentaire impeccable, que nos enfants étaient toujours merveilleusement bien élevés et que nous étions toutes sans exception des cuisinières remarquables, tout cela associé à une vie professionnelle naturellement réussie et enrichissante.

La description était flatteuse. Était-elle réaliste ? Une introspection de trois secondes, plus un rapide regard sur nous-mêmes, nos amies et nos voisines, nous a vite fait comprendre que l’idée de la femme française qui prévalait dans l’esprit de ces charmantes Américaines relevait plus des images véhiculées par les industries du cinéma, de la mode et du luxe, et peut-être de quelques exemples particulièrement bénis des dieux, que de la Française en chair et en os. Mais pour éloignée de la réalité qu’elle était, cette description prenait une véritable tournure programmatique. Quelle Française n’aurait pas voulu être cette femme parfaite ? Eh bien, soyons ce qu’on pense que nous sommes. Nous les femmes françaises sommes élégantes ? Soyons élégantes. Nous cuisinons comme des chefs ? Voyons à quoi ressemble une cuisine, etc. On a essayé pendant quinze jours. Puis nous sommes redevenues citrouille.

Si Celia Walden nous voyait en citrouille, il y aurait tout lieu de se réjouir, mais ce n’est pas du tout le cas. Pour elle, la French female est encore pire que la pire des emmerdeuses. Résumé de tous nos défauts :

  • Leçon 1 : les Françaises ne s’entraident pas et sont en compétition permanente les unes avec les autres. (Pas vrai)
  • Leçon 2 : les Françaises ne grossissent pas parce qu’elles ne mangent presque rien. Elles fument et boivent du café noir à longueur de journée. (Pas toujours faux)
  • Leçon 3 : les Françaises sont hypocondriaques et trimbalent une pharmacie complète avec elles en toutes circonstances. (Ça dépend)
  • Leçon 4 : les Françaises sont cinglées au point de vouloir assortir leurs sous-vêtements avec leurs vêtements et ne sortent jamais sans être parfaitement vêtues. (Non seulement Vrai, mais carrément philosophiquement essentiel)
  • Leçon 5 : les Françaises terrorisent les hommes. (Seulement ceux qui aiment être terrorisés)
  • Leçon 6 : les Françaises n’ont pas peur du plafond de verre. (Trois fois vrai, un petit peu de cruchitude diffusée de loin en loin étant souvent très utile en ce domaine)
  • Leçon 7 : les Françaises ne demandent jamais de conseils et, contrairement aux Britanniques, ne lisent pas de livres de conseils sur les problèmes de la vie courante comme l’éducation des enfants, les difficultés conjugales ou les relations avec les belles-mères. (Il est vrai qu’on ne lit pas autant de livre de ce type que Bridget Jones, mais on écoute ce qui se dit autour de nous)

 

Charmant portrait, tout aussi peu crédible que le précédent, sauf l’histoire des sous-vêtements. Je soupçonne Celia Walden d’avoir écrit son article en ayant à l’esprit une personne particulièrement détestée dont elle a retourné tous les comportements afin d’en faire des arguments à charge, un peu à la manière des sorts maléfiques qu’on jette à une personne par le biais d’épingles plantées dans une poupée vaudou. Ou alors, après tant d’années passées en France, elle a développé un sentiment anti-français particulièrement acerbe qui devrait nous donner à réfléchir, hommes comme femmes. Ou alors, étant anglaise, elle cultive avec gourmandise la mésentente cordiale qui anime les relations franco-britanniques depuis quelques siècles. Ou alors, c’est la campagne pour le Brexit qui commence.

Quoi qu’en dise Celia Walden, l’art d’être Française, je le vois maintenant, c’est bel et bien une élégance particulière, celle d’encaisser toutes les petites vacheries de nos consœurs britanniques avec le sourire. Pas du tout rancunière, car j’ai du mal à saisir le concept global des « Françaises » (je me crois unique, donc inclassable, donc imprévisible, et c’est un défaut auquel Celia Walden n’a pas songé), je livre bien volontiers à qui la veut ma fameuse recette de glace à la fraise que je tiens d’une amie, preuve que nous sommes partageuses, qui fonctionne aussi très bien avec des framboises, preuve que nous ne sommes pas psycho-rigides, et dont la proportion de crème fraiche toute normande est la preuve que nous ne consommons pas que du black coffee :

Glace à la fraise à préparer la veille :
Ingrédients : 500 gr de fraises + 250 gr de sucre glace + 250 gr de crème.
Mixer le tout, mettre dans un moule à bords assez hauts et placer au congélateur.

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  • Excellent article 🙂 je travaille pour une société anglo-saxonne et plus je côtoie les anglaises et plus j’aime les Françaises (même si malheureusement le mauvais goût du « style » anglo-saxon semble s’imposer partout).

  • Merci pour votre article, merci pour la photo de Brigitte Bardot, vive les Françaises !

  • perso j’aime toutes les femmes, françaises ou pas ; mais bon c’est vrai que des sous-vêtements assortis ne gâchent rien…

  • Les commentaires sont fermés.

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