Entreprises : L’effectuation ce n’est ni l’orientation ni la fidélisation client

L’effectuation est souvent ramenée à l’orientation ou à la fidélisation client : voilà pourquoi c’est en fait très différent…

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Entreprises : L’effectuation ce n’est ni l’orientation ni la fidélisation client

Publié le 10 mars 2015
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Par Philippe Silberzahn.

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L’effectuation met en avant la nature sociale du processus entrepreneurial. Par cela, on entend que l’entrepreneur réussit en fédérant autour de lui un nombre croissant de ce que l’on appelle des parties prenantes, c’est-à-dire des acteurs qui s’engagent concrètement dans son projet en lui apportant des ressources. C’est ce que traduit le 3e principe de l’effectuation, le patchwork fou. Souvent ce principe est traduit un peu vite comme étant le principe de l’orientation client et, par extension, de la fidélisation client. C’est en fait très différent, voyons pourquoi.

L’effectuation pose qu’en incertitude (qui caractérise les nouveaux marchés), ni l’entrepreneur ni les acteurs de son environnement ne savent vers où va ce dernier. La prédiction ne fonctionne pas parce que l’information disponible ne permet pas d’indiquer la nature de l’avenir (au contraire des ventes récentes de brosses à dents qui peuvent servir d’indicateur fiable des ventes des prochaines semaines). Incapable de prédire objectivement ce que sera l’avenir, c’est-à-dire plus précisément quel produit fabriquer, l’entrepreneur met alors à contribution son environnement et essaie de trouver un acteur qui, aussi perdu que lui, est néanmoins prêt à avancer d’un pas avec lui. L’entrepreneur lui dit donc : « pas plus que moi tu ne sais de quoi l’avenir est fait, mais nous pouvons décider ensemble d’avancer en nous mettant d’accord sur l’étape suivante ». À l’impuissance objective (manque d’information), l’entrepreneur adopte donc une approche subjective avec le partenaire (donc plus précisément inter-subjective). On donne souvent l’exemple suivant : l’entrepreneur montre un prototype A à son client potentiel. Celui-ci répond : « ça m’intéresse, mais j’aurais besoin de tels et tels changements pour obtenir A2 ». L’entrepreneur répond alors : « si vous vous engagez à en prendre 5, je vous fais ces modifications ». Si le client accepte, il devient partie prenante au projet, qui dès lors peut avancer. Avant l’échange, l’entrepreneur voit l’avenir en A. Le client ne sait pas que A existe et imagine peut-être l’avenir en B. La rencontre crée A2, non prévu au départ par les deux parties.

Mais ce principe de progression subjective par engagement de partie prenante peut être mis en œuvre avec n’importe quelle type de partie prenante. À ce titre, le client, dans la démarche effectuale, n’est qu’une partie prenante comme une autre et pas forcément la plus importante. Ainsi, pour démarrer, Michel et Augustin se sont tournés vers leur boulanger de quartier, au tout début, pas vers leurs clients : ils recherchaient un moyen de fabriquer leurs gâteaux et n’en produisaient pas assez pour mobiliser une usine. Observant que leur boulangerie était fermée un jour par semaine (une vieille loi de la révolution qui perdure on ne sait trop pourquoi), ils sont allés demander au boulanger de mettre son local à leur disposition ce jour-là, ce qu’il a accepté.

On le voit, nous sommes loin des concepts d’orientation client et de fidélisation. Il n’est pas nécessaire que le premier client soit fidèle pour que le processus effectual progresse, et il n’est même pas nécessaire que les premières parties prenantes soient des clients (même s’il évidemment ça ne devrait pas trop tarder…)

Co-création

Il est donc important de souligner la symétrie qui existe entre l’entrepreneur et ses premières parties prenantes : on est bien dans la co-création où chacun a son rôle mais où chacun agit en partenaire éclairé. C’est là une différence importante avec un concept comme Lean Startup, notamment, qui présuppose que le client ait la connaissance intuitive de ce qu’il veut tandis que l’entrepreneur méconnaît le souhait du client, et pose dès lors le problème de la capacité de l’entrepreneur à extraire cette connaissance objective pour pouvoir l’exploiter. L’effectuation estime au contraire que entrepreneur, client, et même d’autres parties prenantes, sont dans l’incertitude et ne savent quoi faire, et que la seule façon de le déterminer est de travailler ensemble côte à côte pour faire émerger des buts dont la base est subjective, et non objective.

La question qui demeure est celle de savoir si cette asymétrie perdure une fois que le projet entrepreneurial a décollé. Il y a deux arguments. Le premier est de dire qu’après le décollage, le projet passe en mode causal/planifié et que donc l’asymétrie disparaît. Les choses sont normalisées et on peut aborder les approches orientées clients. Un autre argument est de dire qu’on n’abandonne jamais vraiment l’incertitude et qu’on doit être en permanence se réinventer. Sans doute y a-t-il un peu des deux…

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