Réactions en Europe aux dernières mesures de Draghi

Comment la BCE peut-elle à terme revenir à la normale ? Dès qu’elle remontera les taux, elle se menacera elle-même de pertes.

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Mario Draghi en juin 2014 (Crédits : ECB European Central Bank, licence CC-BY-NC-ND 2.0), via Flickr.

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Réactions en Europe aux dernières mesures de Draghi

Publié le 6 septembre 2014
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Un article d’Open Europe.

Mario Draghi en juin 2014 3 (Crédits ECB European Central Bank, licence Creative Commons)

Comme nous l’avions prévu, la BCE a surpris les marchés jeudi en annonçant une baisse de taux d’intérêt et des achats d’actifs privés.

Raul Ruparel d’Open Europe propose une analyse complète sur son blog chez Forbes, où il conclut :

Au total, Draghi a surpris les marchés avec des actions audacieuses. Ceci dit, je ne suis toujours pas convaincu que ces programmes vont faire grand chose pour stimuler l’inflation, la croissance, ou même la disponibilité de crédit dans la zone euro. Ce qui est important, c’est que la BCE arrive au bout des actions qu’elle peut prendre, et elle en est très consciente. La charge est une fois de plus renvoyée aux États, avec des exigences qui se font plus pressantes. Pour la première fois depuis 2012, la pression monte pour que des actions soient prises pour réaffirmer les structures institutionnelles de la zone euro, et pour que plus de souveraineté soit mise en commun. Draghi a bien pu arriver les mains chargées de cadeaux pour les marchés, mais aussi porteur d’avertissements pour les États. »

Précision inutile, les retombées des décisions de la BCE ont été diverses et variées. Ci-dessous, voici certaines des meilleures réactions de journaux dans toute l’Europe. Comme on peut s’y attendre, la presse allemande a été moins qu’impressionnée par les politiques dévoilées par Draghi.

  • L’éditeur économique de Die Welt, Sebastian Jost, décrit l’annonce comme le « dernier jeté de dés de Draghi », et affirme que la BCE montre « une passion inhabituelle pour l’expérimentation ». Il estime aussi que « la BCE a désormais fait à peu près tout ce qui semble économiquement justifiable. Quiconque veut une union monétaire stable doit espérer qu’elle n’ira pas plus loin ».
  • Le journaliste économique du Süddeutsche Zeitung, Ulrich Schäfer, décrit les achats d’actifs comme « une innovation hautement douteuse », affirmant que cela ressemble à ces nombreux produits financiers qui ont contribué à la crise financière « où personne ne pouvait identifier de façon ultime qui avait prêté combien à qui, et donc qui devait assumer quel risque ». Il conclut qu’il ironique que la BCE veuille donner à de tels produits une « respectabilité renouvelée ».
  • L’éditorialiste économique du Frankfurter Allgemeine Zeitung, Holger Steltzner, critique l’Italie et la France qui retardent les réformes structurelles pour obtenir plus d’aides de la BCE. Il s’interroge également : « Est-ce que l’achat de valeurs, sous le fardeau desquelles les banques se débattent, tombe bien dans le domaine de la politique monétaire ? Comment la BCE peut-elle à terme revenir à la normale ? Dès qu’elle remontera les taux, elle se menacera elle-même de pertes. »

Nombreux sont aussi ceux qui auraient pu le prédire, la presse méditerranéenne pose un regard plus sympathique sur les décisions de Draghi.

  • Un éditorial du quotidien espagnol El Pais considère que « la BCE n’a pas déçu, mais il est tout autant nécessaire que les États ayant des finances publiques saines, et notamment le gouvernement allemand, intensifient l’investissement, et soutiennent une plus grande flexibilité dans les demandes nécessaires pour des ajustements des finances publiques dans la zone euro dans son ensemble. »
  • Le rédacteur-en-chef adjoint du quotidien espagnol El Mundo, John Müller, soulève un point intéressant : « La dette énorme, aussi bien privée que publique, qui a été accumulée, est un tel fardeau qu’il est surprenant que personne ne prenne le problème au sérieux… Hier, Draghi a seulement demandé de l’aide [des gouvernements de la zone euro] sous forme de mesures fiscales et de réformes, mais pas sous forme de restructuration de la dette. Bref, nous ne savons pas si le sorcier monétaire a correctement identifié la raison pour laquelle nous avons perdu les faveurs des dieux de la croissance. »
  • L’éditorialiste Jean-Marc Vittori écrit dans le quotidien économique français Les Échos que « La monnaie ne suffira pas à sauver l’Europe » et argumente qu’il n’y a « pas d’union monétaire soutenable sans union budgétaire. Sur un continent où grandit la tentation du repli sur soi, cela paraît une gageure. C’est pourtant la condition de la survie de l’euro. »
  • Le professeur d’économie italien Donato Masciandaro écrit dans Il Sole 24 Ore, « Draghi n’aurait pas pu être plus clair : plus les politiques budgétaires et structurelles nécessaires tarderont, moins la politique monétaire sera efficace… Une telle affirmation devrait faire réfléchir tout le monde. L’Union Européenne est comme une machine embourbée. Elle a au moins quatre roues motrices, la monnaie, la fiscalité, la concurrence et le travail, mais une seule d’entre elles marche. Dans une telle situation, la machine risque de s’enfoncer. »
  • Le journaliste italien Danilo Taino écrit dans le Corriere Della Sera : « Le Premier ministre italien Matteo Renzi est un type chanceux, puisqu’aucun Premier ministre italien n’a jamais reçu ce genre d’aide de la BCE. Cependant, cela signifie que Renzi ne pourra plus rien demander de plus à Draghi. Le président de la BCE est allé jusqu’à la limite extrême, hormis un difficile potentiel achat de bonds d’États. Dorénavant, tout est entre les mains des États. »

Une chose intéressante qui ressort, en particulier des articles de la périphérie de la zone euro, est qu’il semble y avoir une poussée renouvelée en faveur de mesures telles que le renforcement d’une union budgétaire et la mise en commun des dettes. On dirait qu’il y a de plus en plus d’acceptation des limites de l’action de la BCE, et des défauts durables de l’architecture de la zone euro, quelque chose sur quoi nous avons averti depuis longtemps.


Sur le web. Traductions Contrepoints.

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  • En manipulant inconsidérément les taux à la baisse et en rachetant l’essentiel du stock de mauvaises dettes privées accordées inconsidérément par le passé, la BCE provoque la « spécialisation » des banques du sud dans l’achat de dettes publiques de leurs Etats obèses. Profitant du mouvement de baisse, ces banques dégagent aujourd’hui des profits artificiels qui les soulagent d’une partie de leur fardeau, mais l’opération atteint ses limites et ne pourra être renouvelée. Gavées de titres publics d’abord sans rendement puis bientôt sans valeur, ces banques n’auront plus aucune marge de manoeuvre une fois disparue l’euphorie de l’injection monétaire. Pire, dès que le mouvement sur les taux s’inversera, elles devront prendre leurs pertes, réduisant d’autant leur potentiel d’achat de titres publics que, par ailleurs, plus aucun investisseur raisonnable ne veut acquérir. A terme, si rien ne change, il reste deux solutions : soit les Etats cessent de s’endetter en coupant dans leurs dépenses, soit on choisit la fuite en avant avec les eurobonds, ce qui ne fera que repousser le problème à plus tard.

    Mais la BCE ne peut pas acheter des dettes publics en l’état des traités. On imagine mal les pays bien gérés accepter le sacrifice de leurs équilibres durement acquis par des décennies d’efforts, en modifiant les traités pour satisfaire les fainéants de la réforme. Les Etats mal gérés devenus impécunieux doivent se faire une raison. France en tête, ils n’ont désormais plus d’autre choix que se réformer en profondeur par la baisse des dépenses publiques et l’abrogation des réglementations anti-économiques, ou faire défaut en sortant de l’euro, entraînant leurs peuples dans la ruine et la misère pour plusieurs décennies.

    Le message de SuperMario a été clair. Comme promis, la BCE a fait beaucoup mais elle est arrivée aux limites du possible.

  • M’ouais mais non.
    Article partiel et partial.

    Merckel s’est fâché avec draghi pour ces futurs achats d’actions, qui se rapproche des QE à l’américaine, ce dont elle ne veut pas.
    AFD a bien progressé lors des dernières élections.

    Comme la Grèce, la baisse des taux va encore favoriser l’immobilisme des états qui pourront encore continuer à se recaver pas cher, jusqu’au moment du boum qui mettra tout le monde par terre, banques, entreprises et états zombies.

    J’espère qu’un jour quelqu’un s’apercevra de l’erreur stratégique de cette monnaie, qui a remplacé les marchés par des inactions politiques, encourageant les non réformes, réformettes, et autres bidules inefficients car se croyant à l’abri derrière leur bouclier.
    Et quand bien même les états ont fini par bouger, les résultats sont plus que discutables dans la durée, au mieux.

    Histoire d’être gentil, je n’évoquerai pas trop la bulle intrinsèque que consiste à avoir réussi à faire gober que le drachme, la lire, la pesetas et même le franc pourraient dans la durée être équivalents au mark.

    Le demi dieu Draghi voudrait devenir dieu, comme yelen. La demi déesse Merckel ne veut pas…
    Qui deviendra un dieu complet, en UE?

  • le mur est proche,il vas falloir se sortir les doigts du cul.

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