Politique de santé : encore des contradictions !

Marisol Touraine continue à faire passer des messages tous plus contradictoires les uns que les autres : gratuité et restriction.

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Marisol Touraine (Crédits : tendencies Creative Commons)

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Politique de santé : encore des contradictions !

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 28 août 2014
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Pendant que le Président de la République tente par tous les moyens de garder un peu de dignité, Marisol Touraine, elle, continue à faire passer des messages tous plus contradictoires les uns que les autres : gratuité et restriction.

Par Phoebe Ann Moses

Marisol Touraine (Crédits : tendencies Creative Commons)

Souvenons-nous que le dernier gadget démagogique a été de rendre la consultation chez le médecin généraliste « gratuite ». D’après Marisol Touraine, certaines personnes sont trop pauvres pour avancer la somme de 23 euros, et il est donc indispensable que la société prenne en charge pour elles la visite chez le médecin. Qui était en réalité déjà prise en charge par le remboursement légèrement différé au patient, ou même immédiatement prise en charge pour les patients CMU et AME. Mais Marisol Touraine pense que ce n’est pas suffisant.

Certaines mises en garde ont été faites (même dans le rapport commandé par le ministère) concernant la possible augmentation de la consommation médicale, induite par la gratuité. Économiquement parlant, il est souvent constaté une corrélation entre la gratuité d’une chose et l’augmentation de sa demande.

Mais le ministre de la Santé ne pense pas que cela augmentera la demande de soins, développant même l’idée qu’un patient ne va pas chez le médecin par plaisir ou par désœuvrement. Ou pour des raisons autres que l’absolue nécessité d’être soigné.

Et voici la contradiction : à l’heure du soin « gratuit » est évoquée la nécessité d’une restriction des moyens concernant les secours. Pompiers et SAMU se déplaceraient en effet trop souvent pour des causes inutiles ou non urgentes.

Si Marisol Touraine pense que les patients ne vont jamais chez le médecin par plaisir, il semblerait néanmoins qu’ils osent déranger les secours pour des broutilles. Il faut donc restreindre les sorties portant secours aux patients. Rendre gratuit l’accès à tous les soins, mais ne plus aller chercher les patients : logique imparable, de cette façon, la consommation de soins n’augmentera pas !

Les dirigeants de ce pays n’ont pas encore compris que la santé est désormais un objet de consommation comme un autre : si l’on a « besoin » ou « envie » de consulter, on « doit » obtenir immédiatement satisfaction, exactement comme lorsqu’on choisit « une grande frite avec mayo sur place ou à emporter ». Le soin se consomme 24h sur 24. Donc le médecin, comme le véhicule de secours, doit être à disposition. Comme s’il vendait un hamburger, le médecin doit être serviable, disponible tout de suite, souriant.

S’étonnant de la constante augmentation de demande de soins, Marisol Touraine l’attribue directement aux soignants : si la Sécurité Sociale est en déficit c’est la faute des soignants. Ou, encore, comme l’accusation du jour, à cause des sorties abusives des secours. Comme s’il était maintenant possible de faire machine arrière en annonçant des restrictions, alors qu’a été accordée avec mansuétude la gratuité des soins.

C’est fort bien joué de la part du gouvernement : en laissant les soignants se justifier de leurs sorties, de leurs consultations, elle laisse penser aux Français que le déficit de la Sécurité Sociale est de la faute du personnel médical. Plus les médecins ou les secouristes vont tenter de justifier la nécessité de leurs interventions, plus le grand public va penser qu’ils dilapident l’argent public. C’est à eux de se débrouiller pour moins sortir, moins soigner. À eux, en première ligne, d’annoncer que non, le SAMU ou l’ambulance des pompiers ne se déplacera pas. La colère des patients, leur agressivité, parfois leur violence, n’atteindront de toute façon jamais les bureaux douillets de l’avenue Duquesne.

Contrairement à ce que pense le très médiatique urgentiste Patrick Pelloux, la question de la définition de l’« urgence » et du « secours » mérite néanmoins d’être posée. Déjà les services d’urgences ne reçoivent plus qu’une proportion infime d’urgences vitales, le reste étant des consultations que l’on pourrait qualifier de « consultations de confort », pour lesquelles une spécialisation qui coûte cher n’est pas forcément indispensable.

Alors que les Français attendaient impatiemment que les dépenses de l’État baissent enfin, la proposition qui leur est faite est de réduire le financement des secours, et dans le même temps, réorienter la politique de l’offre de soins. Réduire les moyens pour tenter de réduire l’offre et donc la demande est une méthode qui a déjà été testée par un gouvernement socialiste quand il voulait combler le déficit de la Sécurité Sociale en diminuant le nombre de médecins, ce qui devait diminuer, croyait-il, la demande de soins.

Ainsi mise dans le carcan de la règlementation, la médecine française de demain sera gratuite et à la hauteur de ses ambitions. Pour la qualité, il faudra avoir les moyens d’aller voir ailleurs.

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  • Si la sécurité sociale est en déficit c’est avant tout à cause du chômage qui ne cesse d’augmenter et les rentrées inhérentes à chaque cotisant qui font défaut…
    Ensuite comme nos gouvernements sont hyperprévoyants , nous nous trouverons dans les deux ans à venir au creux de la vague « numerus clausus ». Les carences en médecins seront importantes…Depuis 3 , 4 ans les futurs docteurs sont plus nombreux à être admis aux concours (du simple au double) et la vague s’inversera…
    Toutefois les 3/4 des reçus iront vers la médecine génerale, car c’est elle qui va mal….Si les urgences sont saturées c’est que les medecins mettent « le disque » à 18h et orientent vers le SAMU pour toute urgence ou vers SOS medecin qui oeuvre 24/24…Que nos jeunes praticiens retrouvent l’engagement qui doit être le leur auprès de leurs patients et cela ira mieux…Quant aux soins gratuits aux urgences très simple: si urgence vraie selon le corps médical : prise en charge à 100%; si bobologie: à la charge du patient qui serait remboursé en partie dans un second temps….Enlever un bouchon de cerumen à 22h !!!!!! (c’est du vécu…)

    • Bonjour sigmund
      « déficit c’est avant tout à cause du chômage »
      oui certes mais c’est aussi à un excès de dépense.
      « Les carences en médecins seront importantes »
      On a jamais eu autant de médecins en 2014 (219 834). Depuis 20 ans on crie à la pénurie.
      « les 3/4 des reçus iront vers la médecine génerale, »
      Ce n’est pas l’évolution constatée.
      « les urgences sont saturées  »
      Un service public est tjs saturé.
      « Que nos jeunes praticiens retrouvent l’engagement »
      Vous rêvez?
      « Quant aux soins gratuits aux urgences très simple: »
      There Is No Free Lunch

      • Bonjour Gillib, certes il y a des médecins mais beaucoup de spécialistes et moins dans les campagnes…
        Je me trompe peut-être mais je ne suis pas sur que l’internat offre pléthore de postes de spécialistes maintenant ,sachant de plus que les postes seront ciblés régionalement…
        Oui les urgences sont saturées et vous avez raison , mais y ayant travaillé depuis plus de 25 ans je vois l’évolution des demandes et le désengagement de la médecine libérale ( ce n’est pas une généralité mais quand même…)
        Quand on discute avec de jeunes médecins en formation ils ne sont pas contre une medecine libérale qui aurait les moyens de ses ambitions (maison medicale équipée, internet, ecole à proximité etc…Certes je rêve mais eux aussi…Un peu…)
        Quant aux soins gratuits …..Vous avez raison je pousse un peu
        Cordialement

        • La loi sur les 35 heures a eu un effet désastreux sur les médecins autant libéraux qu’hospitaliers. Ils ont commencé à calculer leurs heures de travail, garde incluse et le compte était dépassé. Ils ont baissé leur horaires et les gardes ont été le premier poste à sauter.
          Les jeunes médecins ne veulent plus être non salarié(e)s, depuis 1981 le nombre de lois sociales favorisant les salariés font qu’il est bcp plus avantageux d’être salarié, sauf qq spécialités.

      • « On a jamais eu autant de médecins en 2014 (219 834). Depuis 20 ans on crie à la pénurie. »

        Gillib, la pénurie correspond à une situation où la quantité demandée est supérieure à la quantité offerte. Elle s’explique non par la quantité absolue mais par la quantité relative, relative notamment à un prix de marché inférieur à ce qu’il devrait être. La hausse du nombre de médecin n’est donc pas incompatible avec une situation de pénurie.

        La pénurie naît du manque de liberté typique d’un marché administré et même, dans le cas de la santé, doublement administré en prix et en quantité, par les tarifs de la SS d’une part, par le numerus clausus et autres réglementations de l’autre.

        • Bonjour Cavaignac
          De toute façon la médecine n’est pas libre en france, elle est socialisée, donc comme tjs pénurie et baisse de qualité.
          Cassons le monopole de la médecine aux seuls docteur en médecine.

          • « Cassons le monopole de la médecine aux seuls docteur en médecine. »

            Vaut parfois mieux être aveugle ou illettré que de lire ce genre de truc.

            Par définition la médecine est le monopole des médecins. Les marabouts et autres charlatans ne pratiquent pas la médecine : ils plument des pigeons.

            • Il a du très mal s’exprimer. Voulait-il dire libéraliser ce secteur ?

            • « Vaut parfois mieux être aveugle ou illettré que de lire ce genre de truc. »

              paille-poutre toussa…

              Le délit d’exercice illégal de la médecine, articles L4161-1 à L4161-6 du code de la santé publique.

      • Il y a certes plus de médecins mais vous oubliez l’augmentation de la population, son vieillissement et les progrès de la médecine. Il suffit de prendre votre téléphone pour prendre rendez-vous et vous constaterez la pénurie.

    • « Si la sécurité sociale est en déficit c’est avant tout à cause du chômage » : bravo, ce sont les bons mots ! Il ne vous reste plus qu’à découvrir comment les ordonner dans un dernier petit effort.

      Ainsi fait, vous obtenez la description du réel : il y a du chômage parce que la SS existe et subséquemment, la SS ne peut pas ne pas être en déficit.

    • Non, le déplacement ne doit pas être remboursé pour la bobologie.

      • Tout à fait et vu que nos hôpitaux sous tutelle très active de l’état sont devenus des monstres de technologie administrative où tout doit être enregistré, il ne serait pas difficile au médecin de cocher une case : sans notion d’urgence quitte à ce que l’acte ne soit pas pris en charge ,ce dont je parlais tout à l’heure et sans mobiliser nombres d’administratifs comme le suggère Anagrys

  • Si les sorties doivent être justifiées, c’est génial, ça fait de la paperasse. Et la paperasse, il faut une administration avec des gens pour la consommer, et pour demander des justificatifs complémentaires quand le formulaire jaune n’aura pas été rempli correctement. Tout bénéf sur le front de l’emploi, peut-être même le début de l’inversion de la fameuse courbe !

  • Dans certains pays ou certaine régions (telle l’Italie du Sud), la sagesse populaire dit que « le meilleur médecin, c’est le train ou l’avion ». Bientôt chez nous ?

  • Il m’avait semblé effectivement que cette ministre n’était pas particulièrement appréciée des professions médicales. Elle réussit sur chaque dossier qu’elle touche à se mettre à dos les professions concernées par des décisions en dépit du bon sens.

  • Il est évident que cela va déresponsabiliser les assurés (qui n’ont jamais si bien porté ce nom), et il est prédit une augmentation des consultations, et par conséquent un déficit accru de la Sécurité sociale. Il est probable que cette augmentation sera limitée (et le gouvernement s’en félicitera) en raison du manque de médecins dans de nombreuses régions. La première conséquence de cette inepte loi socialiste (pléonasme) sera la difficulté d’avoir un rendez-vous chez le médecin.

    Ce qui est gratuit n’a pas de valeur, quand bien même les assurés sociaux « seront informés du coût réel de leurs consultations ». Ils auront un mail de la CPAM, puis l’info-prix sera mise à leur disposition sur internet, et après, ce sera comme tout ce qui est « gratuit » dans notre pays : on use et on abuse !

    De plus, cette mesure va contribuer gravement à dévaloriser la profession de médecin. Qui voudra encore faire des études longues et difficiles pour être payé par la Sécu, quand on sait comment l’État règle prestataires ? Certains se déconventionneront, d’autres peut-être ouvriront des consultations libres de sécu et non remboursées. Ce sera alors le seul moyen d’être bien soigné et rapidement, un peu à l’image des consultations privées dont bénéficient les praticiens hospitaliers. D’autres encore iront à l’étranger. Un métier peu attractif conduira à une diminution du nombre de médecins, comme cela se passe déjà pour le métier d’enseignant devenu trop difficile à exercer en regard de ses avantages.

    A plus long terme, c’est la fin de la médecine libérale qui est actée. Ne payant plus rien, les assurés n’auront plus aucune influence quand le gouvernement voudra supprimer le libre choix de leur médecin ; et les médecins dépendant directement de la sécurité sociale pour vivre devront sans doute abandonner la liberté d’installation. Ce seront peut-être les Britanniques, dont on se moquait il y a quelques années, qui accueilleront les Français ayant les moyens d’aller se faire soigner outre-Manche.

    On voit donc bien comment la mainmise de l’État assortie de pseudo-gratuité pour faire passer ce nouvel abus de pouvoir, conduit à une perte de responsabilité et en final, à une perte de liberté. Ces deux valeurs sont incompatibles avec le socialisme.
    Il semble évident qu’à l’heure où le monopole de a Sécurité Sociale vacille grâce à quelques citoyens courageux qui se battent pour transcrire en France les directives européennes, le gouvernement tente d’asservir totalement le système pour que cette ouverture à la concurrence ne puisse pas avoir lieu.

  • En Indre et Loire est organisé un concours par la caisse de sécu locale avec possibilité de gagner un ordinateur portable pour l’ouverture du compte ameli .
    http://www.ameli.fr/assures/votre-caisse-indre-et-loire/en-ce-moment/1-ordinateur-portable-a-gagner_indre-et-loire.php
    Dans la même veine, ouverture e, 2014, d’un espace « santé active pour tous ceux qui souhaitent devenir acteur de leur santé »(sic). Il débute par un entretien individuel et se poursuit par des ateliers collectifs sur mesure animés par des professionnels, experts sur trois thèmes clés de la santé : la nutrition, la santé du dos et la santé du cœur. Un bilan nutrition est également proposé !!
    Mais on croule sous les déficits.
    Il y a des claques qui se perdent.

  • « Ainsi mise dans le carcan de la règlementation, la médecine française de demain sera gratuite et à la hauteur de ses ambitions. Pour la qualité, il faudra avoir les moyens d’aller voir ailleurs. »

    En tant que dentiste je suis conventionné comme 99,9 % de mes confrères. Et je peux vous dire qu’avec des tarifs de soins sécu opposables au raz des pâquerettes il vaut mieux pour se faire soigner correctement soit bien connaitre le milieu, soit aller voir ailleurs.

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