La gratuité, quoi qu’elle en coûte ?

Montpellier est devenue la plus grande agglomération d’Europe à rendre ses services publics de transports entièrement gratuits. Mais la gratuité a un coût.

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La gratuité, quoi qu’elle en coûte ?

Publié le 2 janvier 2024
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Notre pays entretient des rapports difficiles et ambigus avec l’argent, la création de richesses, mais aussi la rémunération des services rendus tant par les entreprises que par la collectivité.

Jeudi 21 décembre 2023, Montpellier est devenue la plus grande agglomération d’Europe à rendre ses services publics de transports entièrement gratuits. La crise aidant, la tentation pourrait être grande de proclamer l’avènement du tout gratuit et son corollaire : la fin du travail.

Dans cet article, notre chroniqueur Didier Cozin analyse les enjeux et les non-dits de cette politique.

 

Tout a un coût, tout a un prix

Alfred Sauvy l’écrivait il y a 80 ans dans ses leçons magistrales d’économie : pour que les produits que nous consommons soient offerts ou gratuits il faudrait qu’ils soient aussi disponibles et accessibles que l’air que nous respirons (il en est déjà autrement pour l’eau, puisqu’elle doit être puisée, canalisée, filtrée, traitée, ce qui a un coût).

Tout ou presque a donc un prix (et un coût) et le débat actuel qui consiste à s’interroger sur l’intérêt de faire payer ces coûts à l’usager (ou à l’utilisateur), pourrait être à la fois vain, contre-productif et générateur de grands désagréments.

Jusqu’à présent les Français acceptaient -sans trop renâcler- de payer de leur poche les produits, les appareils ou les biens qu’ils utilisaient ou consommaient. Il n’en était pas tout à fait ainsi pour les biens immatériels (ou services). Habitués et confortés par la gratuité ancienne de l’école, de la santé ou de la sécurité, certains estimaient que d’autres services, comme ceux des transports en commun (ou du logement) pourraient être collectivisés et devenir « gratuits ».

 

La gratuité, ce prolongement séduisant de l’assistanat

Le socialisme a pour devise « toujours plus ». Non seulement il a contribué à bâtir une société surendettée, sur-importatrice et sous-travailleuse mais il se croit obligé d’aller toujours plus avant.  Plus loin pourrait être promouvoir la gratuité intégrale des services devenant tous publics, les transports aujourd’hui, le logement demain (par exemple).

En France, à l’instar de Montpellier depuis cette fin d’année, ce sont donc près de 40 collectivités qui ont mis en œuvre la gratuité (parfois totale, parfois partielle) des transports collectifs alors que des usagers, des associations, des partis politiques militent ou revendiquent déjà la gratuité de tous les transports collectifs (y compris inter-régionaux) en prétextant de leurs coûts (le travail est malheureusement, et pour des raisons idéologiques, très cher en France) ou des enjeux climatiques (l’autobus remplacerait les voitures sans contraindre trop l’automobiliste moyen).

La gratuité, qui est l’étape ultime de l’aide sociale généralisée (sans condition de ressources) rendrait-elle pour autant les citoyens libres, égaux et notre société meilleure ou plus juste ? Il est permis d’en douter, tant les inconvénients de la gratuité sont innombrables et croissants :

a) La gratuité envoie un signal délétère au citoyen en l’empêchant de devenir adulte, de s’autonomiser, de devenir libre et indépendant (socialement comme financièrement) de l’État.

b) Le signal prix disparaît également puisque la ressource paraît illimitée, éternelle et gratuite. Tout comme le prix de l’énergie (KWH ou litre d’essence) nous fait prendre conscience qu’on peut et qu’on doit éviter de gaspiller, le prix des transports implique une réflexion et des arbitrages. Qu’en serait-il dans la société du tout gratuit ?

c) La concurrence est également faussée entre les différents modes de transports : les taxis (qui participent des transports publics) ou les autobus privés ne pourraient plus fonctionner, la gratuité et la simplicité de la marche à pied ou du vélo seraient remisées au rang de gadgets écolos.

d) Une surcharge et une congestion des réseaux rendraient les services déclinants ou médiocres.

e) Une baisse de la qualité du service, de la sécurité perçue (ou réelle avec la disparition ou la réduction de la présence humaine) apparaîtrait nécessairement, ainsi qu’une chute des investissements pour de nouveaux transports.

f) Le travail, l’activité économique et laborieuse deviendraient secondaires, ne seraient plus nécessaires pour la plupart des actes de la vie quotidienne. L’illusion de la fin du travail (une torture pour certains) tromperait des citoyens devenus passifs, soumis et aux ordres (le pouvoir revient toujours à celui qui paie).

g) Dans cette société massivement orientée vers le temps libre et les loisirs, l’offre de transports ne serait plus reliée au travail, mais aux sorties ludiques, aux déplacements nocturnes ou aux vacances (non indispensables et consommateurs de beaucoup de ressources)

 

À l’attention de Michael Delafosse, maire socialiste de Montpellier

La gratuité des transports est illusoire et fallacieuse puisque les matériels, l’énergie ou les salaires doivent être payés par quelqu’un (le contribuable ou nos créanciers). La gratuité est une facilité de caisse dangereuse, une pente glissante qui a des effets pervers et nécessiterait toujours plus de moyens financiers pour des résultats de moins en moins avérés (les rendements décroissants des aides).

Si les Français semblent séduits par la gratuité, les résultats de cette politique dans l’éducation, la santé (aide médicale), les transports ou les loisirs (pass culture) sont-ils à la hauteur des résultats attendus et ne provoquent-ils pas des dégâts importants ?

Nos concitoyens s’illusionnent s’ils pensent pouvoir mieux vivre et se développer dans un monde de gratuité, l’exemple des ex-« démocraties populaires » atteste du contraire : dans ces pays – non libres- les services publics quasi gratuits étaient dans un état lamentable, les salariés non managés et totalement abandonnés ne donnaient pas 10 % de leur implication ou de leurs compétences pour travailler.

Dans une société essentiellement matérielle et matérialiste, ce qui est gratuit ne vaut au final (presque) rien. Les progrès qu’ont pu représenter en leurs temps l’école gratuite (Jules Ferry), la sécurité sociale (après 1945), les HBM (devenues HLM) tout cela risque désormais de se retourner contre leurs bénéficiaires, citoyens éternellement mineurs, ne votant plus et maintenus sous tutelle par l’État ou ses administrations.

Sortir des aides, de l’assistanat, de la fausse gratuité, et permettre à chacun de jouer un rôle dans la société (autre que celui de consommateur passif) ne serait-il pas un projet plus engageant pour l’avenir que la multiplication infinie des aides, des dettes et des gadgets sociaux ?

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  •  » La gratuité rendrait elle les citoyens plus libres et égaux ?  » Assurément Oui ! C’est en tout cas ce que disait le petit père des peuples Staline. Et nos politiciens de tout bord aiment prendre exemple sur Staline. Il a fait tellement de bien à sa population. Alors évidemment, il y a eu ça et là quelques 50 millions de morts en URSS. Mais n’est-ce pas le prix à payer pour vivre tous égaux et tous pauvres ? L’argent ne servant alors à rien sauf à faire des queues interminables devant les magasins d’État pas chers mais sans marchandise. Ils sont fous ces Russes : faire la queue pour ne rien acheter !
    Vivement que Mélenchon-Staline arrive au pouvoir pour que les Français nagent dans le bonheur égalitaire. Affamés mais égaux.

    • Si notre marine nationale est toujours tonitruante sur l immigration et la sécurité, elle fait régulièrement profil bas sur le quoi qu il en coûte
      Comme quoi la démagogie recouvre l ensemble du spectre politique

  • Comment peut-on envisager le mot gratuité sans une analyse objective de l’achat et de l’entretien des matériels roulants, de leur consommation d’énergies ,du coût des infrastructures, des charges de personnels etc. ? Avons nous affaire à des élus sérieux ?

  • Que ce soit en couple, en famille, en société, la vie collective est un échange de services, de compétences. L’harmonie de la vie est basée sur l’acceptation de la valeur de ces échanges. Depuis le troc au temps des cavernes jusqu’à l’invention de la monnaie (d’échanges), la paix et la stabilité sociales ont été régies par l’égalité acceptée de ces échanges. La gratuité d’un service ne peut être obtenue que par la gratuité d’un acte jugé équivalent. Que donnera le voyageur transporté gratuitement en échange à celui qui le transporte, ou qui a fabriqué le bus ou qui entretient la chaussée. La rémunération du travail fourni, même imparfaite, est la garantie de la pérennité du service rendu. La notion du salaire universel est une hérésie, la négation du principe d’échange. Je reçois parce que j’existe, mais ne dois rien donner en échange. D’où provient l’argent qui m’est donné ? De ceux qui ont économisé… mais que restera-t-il quand ceux-ci seront ruinés ? Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. Cette maxime est immuable, sans le travail du paysan, point de nourriture, même avec un salaire universel.

    • @Paquereau Oui et j’ajouterai : La gratuité volontairement donnée est une des caractéristiques singulières de l Homme. Généraliser une fausse gratuité la ruine , c’est s’attaquer aux fondements de la dignité de l Homme.

  • Il faut surtout refuser de dire que c’est pas gratuit…ça ne ‘est pas.

    en fait le vice arrive avant la gratuité… le simple fait que ce soit subventionné…

    sans un tel système TOUT le monde est en position de se plaindre..
    même la municipalité des usagers!!!

    Et pire…. le système est « inattaquable. », surtout si on a pas pris soin de définir au préalable une mission de service public et une modalité pour définir l’allocation de pognon…

    il suffit de regarder l’attachment paradoxal des gens la sécu ou led nat…
    le vilain état qui ne veut pas mettre les sous qu’il faut…
    un système qui repose sur la concurrence des cupidités est fonctionnel, un système qui se dit reposer sur la competition des générosités ne fonctionne pas!!!!

  • Si c’est gratuit, c’est que ça ne vaut rien ou alors qu’un autre paie. Ou les deux !
    Il paraît qu’à Montpellier, ça va être financé par un nouvel impôt de production sur les entreprises qui auraient l’outrecuidance d’être installées dans la région…

    • Rassurez-vous, cet impôt existe déjà, il s’agit du versement mobilité ponctionné directement sur les salaires dans les entreprises de plus de 10 salariés. Il suffira juste d’augmenter encore un peu plus ce taux pour financer le manque à gagner, comme les socialistes savent si bien le faire !

  • Ce pourrait être un paradoxe. Plus une chose devient importante pour le Pouvoir, plus elle tend à devenir gratuite.
    Ainsi l’École à la fin du 19ème. Les transports urbains aujourd’hui.
    C’est qu’il s’agit de bouter la bagnole hors des cités.
    Il y a longtemps que je ne me plus la rate au court bouillon pour ça.
    Des années, des décennies que le billet de métro, de bus ou de train est subventionné aux 2/3 – au moins. Que l’usager a perdu la notion du vrai prix. Alors qu’on lâche sur le dernier tiers…
    Des années que je fuis les villes où la pression fiscale et les contraintes en tout genre sont exorbitantes.
    Plus me plaît mon petit Liré que le mode parisien !
    Alors que les gueux qui ne puissent s’en extraire y obtiennent de menus avantages, moyennant moult taxes, et si cela peut illuminer leur triste condition humaine de lapin en clapier, peu me chaut.

    • ben oui… gratuit n’est qu’un subventionnement comme un autre..

      et si on accepte le principe dune subvention sans rationaliser les modalités de sa quantification..; c’est foutu.

      et si DONC on accepte le principe dune service de bus public c’est déjà foutu…

    • « Des années, des décennies que le billet de métro, de bus ou de train est subventionné aux 2/3 – au moins.  »
      Je confirme ! c’est bien le cas dans ma ville « moyenne »

  • Et il y a aussi un cercle vicieux, si la généralisation de la gratuité des besoins de base pousse à ne plus travailler, qui va assurer les services gratuits?

  • J’imagine que tous les contrôleurs vont être licenciés? Cela va peut être faire des économies?
    Non, je rigole, je sais bien que leurs postes seront maintenus.

    • La gratuité est limitée aux résidents de l’agglomération de Montpellier, les contrôleurs ont encore de beaux jours devant eux !

      • C’est un scandale !
        La préférence municipale…
        Dire que ces gens osent critiquer Le Pen…

      • Quoi? Je n’avais pas compris! C’est une mesure clientéliste alors (en plus d’être idéologique). J’espère que la région ne met pas un centime dans les transports de Montpellier? Car cela signifierait que ceux en dehors de l’agglomération payent sans avoir la gratuité.
        Si j’étais le président de région, je marchanderais la gratuité pour tous les habitants de la région contre la contribution régionale (ou j’accepterais un pot de vin).

  • L’assistanat n’émane pas de gens généreux qui voudraient faire le bien pour leurs concitoyens : c’est l’achat de voix électorales avec des emprunts mis à la charge des autres…
    Cette démagogie pitoyable nous mène au prélèvement généralisé et à la redistribution bureaucratique : or on sait où le communisme a mené les sociétés qui s’y sont laissées aller !

  • Beaucoup d’entre nous lorsque nous étions enfants recevions de l’argent pour payer les transports pour aller à l’école . Nombreux étions nous à garder ce précieux argent et à aller à l’école en marchant. Cet argent, c’était un trésor que nous avions chèrement gagné jour après jour et le dépenser à notre convenance qui pour un livre, une BD, un croissant était le nirvana . Cette notion d’argent gagné chèrement, du leg des générations passées , a disparu en l’espace d’une génération. Plus dure sera la chute . Notre jeunesse tombera dans un gouffre dont la plupart n’a pas la moindre idée de la profondeur .

  • Qui peut arrêter les socialos dans leurs délires ? Churchill nous avait averti ! Malheureusement, les socialos sont devenus tellement idiots que rien ne saura les arrêter. Par contre, nous commençons à voir une fuite des créateurs de richesse en France. Nous avons la même situation en Californie où de nombreuses entreprises quittent cet état qui devient de plus en plus endetté. Quand il n’y aura plus aucun créancier pour combler les déficits nous aurons un état en faillite et … comme toujours, les pauvres deviendront plus pauvres, comme c’est déjà le cas en France.

    • Il y a environ 3.000 ans, à Babylone le roi Sargon II s’étonnant de l’appauvrissement de son peuple, convoqua l’homme le plus riche de son royaume et lui demanda d’éduquer sa population pour qu’elle devienne riche. Tout le contraire de notre pays car Bernard Arnault n’a pas été invité par le prétentieux élyséen etc

  • Comme vous avez raison ! La gratuité est finalement une anarque car, comme vous l’expliquez si bien, tout a un prix et la responsabilité de toute personne est de savoir se prendre en charge au lieu de tout attendre des autres.

  • Rien n’est gratuit. C’est une honte cette gratuité. Une honte de faire payer les entreprises.

  • Pour mettre fin à cette litanie de commentaires faisant un sophisme répétitif avec le communisme soviétique, peut être faudrait-il simplement remplacer le terme « transports gratuits » par « choix démocratique de mutualisation du financement du transport en commun dans une agglomération ».

    -1
  • je partage totalement l’opinion de l’auteur mais pourquoi incriminer les seuls socialistes ? tous nos politiques pratiquent cette aberration , la pseudo droite prend des mesures de gauche depuis ….. depuis toujours, ne comprenant pas que ,plus elle prend une mesure à gauche ,plus elle impose à celle d ci d’aller encore plus à gauche.Mettre un ticket à I euro quand il coûte au moins 3 ou 4 impose à la gauche de le mettre à ZERO .. et c’est vrai pour les impôts également … mais dans notre système ou l’éducation économique n’a pas sa place dans l Education Nationale , pour se faire élire faut de l’assistanat .partout ….. c’est difficile à admettre mais c’est ainsi …

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