Par Roseline Letteron.
Depuis quelques jours, la presse et le monde politique ne s’intéressent plus à la dette, pas davantage au régime des retraites, encore moins à la crise syrienne ou la future grande coalition allemande.
La star de la semaine, c’est Leonarda.
La construction médiatique d’une histoire
Les journaux nous font pleurer sur le sort de l’adolescente méritante, bien intégrée, arrachée à ses professeurs et à ses camarades de classe par des vilains policiers et gendarmes qui l’ont extraite manu militari d’un bus scolaire pour l’emmener à l’aéroport prendre un avion pour le Kosovo. Pour nous jouer ce mélo, la presse ne recule devant aucun sacrifice, jusqu’à expédier des envoyés spéciaux à Mitrovica, ville dont le nom même évoque l’épuration ethnique, la haine raciale entre les communautés serbes et kosovares albanaises. On oublierait presque que la guerre est finie depuis quatorze ans.
L’une des caractéristiques essentielles de « l’affaire Leonarda » est sans doute la construction médiatique d’une histoire. Celle-ci était accueillie comme une bénédiction par les experts en manipulations de toutes sortes. Les lycéens ont ainsi été jetés dans la rue, et tous ceux qui souhaitaient affaiblir le ministre de l’Intérieur, dans l’opposition mais aussi dans sa propre majorité, ont exploité autant que possible l’histoire de Leonarda. Quant au gouvernement, il était manifestement pris de court par l’ampleur de la réaction, ayant sans doute oublié de se doter d’experts en communication de crise.
Le rapport de l’IGA
Quelques jours après, la perception de l’affaire évolue. Médiatiquement tout d’abord, avec l’image du père de Leonarda admettant tranquillement devant les caméras qu’il avait acheté pour 50 euros un faux certificat de mariage, et que Leonarda était née en Italie, et non pas au Kosovo, comme il l’avait affirmé aux autorités françaises. Il était désormais plus difficile d’afficher la famille Dibrani comme la malheureuse victime de mauvais traitements.
Juridiquement ensuite, car l’information sur cette affaire, l’information sur le parcours administratif et judiciaire de Leonarda et de ses parents dans notre pays, est enfin connue, grâce au rapport de l’Inspection générale de l’administration. Certains objecteront évidemment que ce rapport est précisément fait à la demande du ministre de l’Intérieur, mais il n’en demeure pas moins que le déroulement des procédures administratives et contentieuses est aisément vérifiable.
La demande d’asile
M. Dibrani est rentré irrégulièrement sur le territoire en 2009 et à trois reprises, il a demandé le statut de réfugié. Aux termes de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, à laquelle la France est partie, ce statut s’applique aux personnes menacées de persécutions dans leur pays d’origine. Encore faut-il qu’elles parviennent à en faire la preuve, ce qui n’est pas si simple. Il semble que M. Dibrani n’y soit pas parvenu, car le statut lui a été refusé à trois reprises et ses recours devant la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) n’ont pas prospéré. On sait aujourd’hui que ses demandes étaient mensongères, dès lors qu’il affirmait la nationalité kosovare de l’ensemble de la famille, ce qu’il reconnait aujourd’hui comme faux.
Quoi qu’il en soit, ses demandes d’asile présentaient au moins un intérêt pour M. Dibrani. Durant leur instruction, le demandeur d’asile peut en effet demeurer sur le territoire, quand bien même il y aurait pénétré de manière irrégulière. Tel fut donc le cas de M. Dibrani, et de sa famille, qui ont été hébergés dans un centre d’accueil prévu pour les demandeurs d’asile à Levier (Doubs), dans lequel ils sont d’ailleurs restés après le refus de demande d’asile, jusqu’à leur éloignement.
Les obligations de quitter le territoire
Au moment des faits, la famille Dibrani, qui compte six enfants, est l’objet d’une obligation de quitter le territoire (OQTF). La loi du 24 juillet 2006 permet au préfet, lorsqu’il refuse un titre de séjour pour des motifs autres que l’ordre public, et c’est évidemment le cas pour un refus de la qualité de réfugié, d’accompagner sa décision d’une OQTF. L’étranger dispose d’un mois pour quitter effectivement le territoire avec sa famille. S’il ne respecte pas ce délai, il peut être renvoyé vers une destination déjà précisée dans la décision initiale. En attendant le départ, le préfet peut éventuellement décider d’une rétention administrative ou d’une assignation à résidence.
C’est précisément le cas de la famille Dibrani. Le père a fait l’objet d’une OQTF le 19 juin 2013, et la mère le 21 juin. Le 22 août, la famille, n’ayant évidement pas quitté le territoire, est assignée à résidence dans le centre d’accueil où elle était hébergée. La première assignation a ensuite été prolongée le 25 septembre, pour un mois.
Quelques jours après son assignation à résidence dans le Doubs, le 26 août, M. Dibrani est arrêté à la gare de Mulhouse lors d’un contrôle d’identité effectué par la police de l’air et des frontières. Dépourvu de tout document d’identité et de voyage, il apparaît qu’il n’avait pas respecté les obligations liées à son assignation à résidence, et d’ailleurs qu’il n’avait pas davantage respecté une précédente mesure d’éloignement intervenue en 2011. Pour toutes ces raisons, il est placé en rétention au Centre de rétention administrative de Geipolsheim.
Les mesures d’éloignement
À ce stade, il utilise tous les recours qui lui sont offerts. Le tribunal administratif de Strasbourg rejette sa demande d’annulation du placement en rétention. La Cour d’Appel de Colmar ne lui donne pas davantage satisfaction, le 31 août 2013, lorsqu’il conteste la prolongation de cette rétention. Ce passage de la compétence administrative à la compétence judiciaire pourrait sembler étrange. Elle s’explique par le fait que le préfet doit saisir le juge des libertés et de la détention (JLD) pour prolonger la mesure de rétention.
Quoi qu’il en soit, le résultat est que la situation de M. Dibrani relève désormais de la préfecture du Haut-Rhin, le reste de la famille demeurant toujours dans le Doubs. De fait, M. Dibrani fait l’objet de tentatives d’éloignement les 11 et 27 septembre 2013, qui se soldent pas un refus d’embarquement. Il finit cependant par accepter son éloignement vers le Kosovo le 8 octobre.
Pour la préfecture du Doubs, il devient alors urgent d’organiser l’éloignement du reste de la famille, le principe étant de permettre le regroupement de la famille aussi rapidement que possible. Le 8 octobre, Mme Dibrani a été informée que son mari était au Kosovo, et invitée à se préparer au départ. Différentes personnes du comité local de soutien aux sans-papiers sont intervenues pour l’assister, en contact étroit avec la préfecture du Doubs. Le 9 octobre, les agents de la PAF et les gendarmes arrivent dans l’appartement à 6 h 30 pour procéder à l’éloignement. Ils constatent l’absence de la jeune Leonarda, absence d’ailleurs déjà constatée le 8 au soir par les membres du comité de soutien aux sans- papiers.
On connait la suite. Le contact est établi avec Leonarda par téléphone, qui déclare être dans un bus se dirigeant vers Sochaux. Après différents contacts avec les professeurs accompagnant la sortie scolaire, il est décidé que le bus s’arrêtera sur un parking à proximité d’un collège. La jeune fille est conduite dans les locaux par son professeur, afin de la maintenir à l’abri des regards. Elle est alors prise en charge, sans aucune difficulté, par la PAF accompagnée d’un membre du comité de soutien aux sans papiers. L’opération d’éloignement est alors menée à son terme, et la famille rejoint M. Dibrani à Mitrovica.
Une procédure régulière
L’affaire est évidemment pitoyable… comme toutes les reconduites à la frontière. On se prend à penser que si la police avait renoncé à arrêter le bus, la famille aurait été reconduite le lendemain, ou quelques jours après, sans que les médias y attachent la moindre importance. Quoi qu’il en soit, même si l’arrêt de ce bus est une maladresse psychologique, et surtout politique, il n’est absolument pas illicite.
Sur le plan juridique, la très malheureuse et très méritante Leonarda est donc l’objet d’une procédure parfaitement régulière. Le rapport insiste évidemment sur les mensonges du père de famille, et l’absence de réelle intégration. Il nous cite pêle-mêle le mauvais état dans lequel la famille laisse l’appartement qui leur avait été prêté à titre gratuit, ou le manque d’assiduité scolaire de Leonarda. Sans doute, mais ces considérations de fait ont déjà été prises en considération par l’administration et par les juges. Elles ne sont plus pertinentes alors qu’il s’agit de faire respecter une OQTF déjà prononcée.
Que va devenir Leonarda ?
Que va devenir Léonarda ? À dire vrai, personne n’en sait rien, et, pour le moment, elle s’efforce sans doute de maintenir la pression médiatique. Le président de la République propose à la jeune fille de revenir étudier en France, sans sa famille. Sur le plan juridique, la suggestion a de quoi surprendre. Il est évidemment hors de question d’accorder à la jeune fille un titre de séjour « étudiant », réservé à ceux qui s’inscrivent dans des études supérieures. Ce n’est évidemment pas son cas. Il semble également difficile de lui accorder un titre de séjour individuel, car il paraît peu conforme au droit positif de séparer une mineure de quinze ans de sa famille.
Ceci étant, même de retour en France, par exemple chez un oncle ou un cousin, elle ne pourrait demander le regroupement familial, réservé aux étrangers disposant de ressources stables et suffisantes pour assurer l’accueil de leur famille. Doit-on alors autoriser toute la famille Dibrani à revenir en France, en passant l’éponge sur les mensonges du père ? Ce serait un message bien maladroit à envoyer aux demandeurs d’asile, mais aussi au monde politique. En tout cas, une chose est certaine. Si la mise en œuvre des décisions concernant les étrangers en situation irrégulière peut parfois être maladroite, leur traitement médiatique est bien pire.
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Sur le web.
« le mauvais état dans lequel la famille laisse l’appartement qui leur avait été prêté à titre gratuit »
Ceci expliquant cela, d’ailleurs. Et toute l’affaire l’illustre bien, d’ailleurs: quand c’est gratuit on ne dit pas « merci! » mais plutôt « encore! »…
Notez que Resat Dibrani était déjà un profiteur professionnel et un père criminellement irresponsable pendant le séjour en Italie de la famille: http://www.europe1.fr/International/En-Italie-la-famille-de-Leonarda-a-aussi-eu-des-problemes-1680215/
Mince, vous découvrez qu’un immigrant est prêt à mentir… qu’il est prêt à beaucoup de choses en fait pour améliorer sa vie et celle de sa famille… J’espère que vous vous en remettrez. Sincèrement. Ah, au fait, vous qui srmblez très attachée au droit, n’oubliez pas d’indiquer le copyright de votre illustration. Elle est sans doute gratuite, mais cela ne vous en dispense pas.
Le problème n’est pas que l’immigré peut mentir, tricher et profiter mais qu’en France le système l’incite fortement à la faire. Tout simplement car c’est le laxisme à tous les échelons.
Une des bases du libéralisme est de faire avec l’homme tel qu’il est et non avec l’idée qu’on s’en fait. Allez maintenant expliquer ça aux personnes des associations et politiciens dégoulinant de moraline qui produisent les lois et gèrent l’Etat.
Oyez la triste et édifiante histoire d’un très malheureux Etat et de ses pauvres agents, dont une procédure d’expulsion, heureusement parfaitement régulière aux yeux des juristes, est, au profit d’une regrettable maladresse d’exécution, scandaleusement soupçonnée d’inhumanité par une immigrée retorse et des média irresponsables!
« Elle s’efforce sans doute de maintenir la pression médiatique »
Par le tout petit bout de la lorgnette des bons citoyens et des gens de bien, un incident de parcours dans l’exercice quotidien de la brutalité d’Etat devient la starification d’une victime devenue, dans un renversement complet de la réalité, le machiavélique chef d’orchestre des éclats médiatiques qui en résultent.
Un point éclairant du rapport est qu’il explique très clairement que la reconduite de cette famille à la frontière est vraiment exceptionnelle et témoigne de ses abus caractérisés et répétés. Il est dit explicitement dans le rapport que dans ce centre, toute les autres familles sans exceptions ont vu leurs demandes acceptés. Cela laisse songeur …
On ne sait toujours pas si la mère est italienne, dans ce cas les enfants le sont aussi et on se demande bien ce qu’ils font au Kosovo.
Ca fait quand même une sacré lacune d’information pour une affaire qui fait autant de bruit
D’une certaine manière ça leur apprendra à mentir !
Et si on laissait toute cette affaire à la police des frontières et que l’on revenait aux vrais problèmes? On n’en manque pas.
On aurait du en effet agir de mainire plus appropriée dans cette affaire mais il semble que ctte jeune fille soit en réalité une citoyenne Italienne ce qui changerait tout…
Oui, ça change qu’elle ne peut pas demander l’asile politique.
Combien de clandestin sont scolarises aux frais des français ?