Zones économiques spéciales : peuvent-elles aider les réfugiés ukrainiens ?

Les zones économiques spéciales ont un fort potentiel, mais il faut être conscient de certains risques.

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pro ukraine demonstration at Lafayette square by John Brighenti (creative commons) (CC BY 2.0)

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Zones économiques spéciales : peuvent-elles aider les réfugiés ukrainiens ?

Publié le 30 mars 2022
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Par Thibault Serlet.

Plus d‘un million de réfugiés ont déjà fui l’Ukraine. Les experts préviennent que ce nombre pourrait doubler si le conflit continue de s’intensifier. Heureusement, il existe des « villes de réfugiés » qui pourraient aider les personnes fuyant le conflit.

L’idée est la suivante : tout d’abord, créer une zone économique spéciale (ZES) près d’un camp de réfugiés. La ZES bénéficiera de mesures pour faciliter les affaires, telles que des incitations fiscales, des lois du travail moins restrictives, l’exemption du contrôle des devises, etc. L’objectif serait d’inciter les entreprises à embaucher des réfugiés et de générer une croissance économique en renforçant les libertés économiques.

Le défenseur le plus connu des villes de réfugiés est le Dr Michael Castle Miller, un consultant juridique ZES très respecté qui a contribué à la création de plusieurs des cadres ZES les plus connus au monde. Il est le directeur de la Refugee Cities Foundation, une organisation dédiée à la promotion de ces villes de réfugiés.

À titre d’exemple, le gouvernement jordanien a déjà créé de telles zones afin de créer des emplois pour les réfugiés syriens. Le programme a reçu un soutien important de la communauté internationale, les institutions de financement du développement ayant contribué à hauteur de plus de 1,7 milliard de dollars. Le gouvernement jordanien a annoncé en 2016 qu’il espérait qu’en 2021 ces zones créeraient 200 000 emplois pour les réfugiés ; cependant, en 2022, seuls 80 000 emplois se sont matérialisés.

Les critiques soulignent que les infrastructures dans les zones de réfugiés sont généralement de mauvaise qualité, que les incitations ne sont pas assez fortes et que, sans programmes de formation professionnelle adéquats, elles ne peuvent servir que de camps de travail à bas salaires.

Un critique a expliqué que :

Même lorsque des opportunités ont été annoncées à l’occasion de salons de l’emploi, peu de Syriens ont accepté de travailler. Le problème tient en partie au fait que les emplois disponibles dans ces parcs industriels relèvent souvent du secteur de la confection ou de domaines similaires, des emplois peu qualifiés et mal rémunérés qui emploient généralement des femmes. De nombreux Syriens n’en veulent pas : ils préfèrent travailler dans le secteur informel, où les salaires et les conditions sont meilleurs.

L’Éthiopie envisage également un programme similaire, bien qu’il n’ait pas encore officiellement démarré.

Le soutien international aux villes de réfugiés s’accroît. La Banque mondiale a créé un fonds de deux milliards de dollars américains pour soutenir les pays d’accueil des réfugiés. Un nouveau think tank européen, baptisé Solidarity Cities, plaide également pour que les villes classiques prennent le relais et offrent des incitations aux entreprises embauchant des réfugiés.

Cela dit, il est important d’avertir qu’un soutien gouvernemental plus important pourrait accroître les tentatives de planification centralisée, détruisant ainsi les principes fondamentaux de liberté économique nécessaires à la réussite d’un tel projet.

 

Les villes de réfugiés peuvent aider les Ukrainiens… si elles sont bien gérées

Les pays européens devraient envisager de relancer et de réorganiser l’idée de villes de réfugiés pour aider les Ukrainiens qui fuient l’invasion russe de leur pays.

Pour éviter de répéter les erreurs commises par la Jordanie lorsqu’elle a tenté de créer des ZES pour les réfugiés syriens, l’UE devra s’assurer que :

  • les villes de réfugiés disposent d’infrastructures adéquates.
  • les employeurs bénéficient de fortes incitations (allégements fiscaux, exemptions de droit du travail, etc.)
  • d’une coordination adéquate avec les organisations mondiales de financement du développement (Banque mondiale, HCR et ERDC).
  • l’accent soit mis sur la création d’emplois dans le secteur privé, et non sur la croissance induite par le gouvernement.
  • de la possibilité pour les réfugiés de retourner en Ukraine lorsque la guerre prendra fin.

 

Le problème des tentatives passées de création de ZES ou de villes de réfugiés est qu’elles ne donnaient pas la priorité à la liberté économique. Si les villes de réfugiés consacrent la liberté, plutôt que d’enfreindre celle de leurs réfugiés, alors elles réussiront. Davantage d’argent de la part du gouvernement sera probablement contre-productif, produisant des résultats bien pires pour les personnes que ces projets sont supposés aider.

Les ZES pour réfugiés présentent également un avantage géopolitique majeur : les pays neutres qui veulent éviter de prendre parti, comme la Suisse, peuvent les créer en toute sécurité sans craindre de compromettre leur neutralité.

Il est à espérer que la paix régnera bientôt en Ukraine. Mais si la guerre se poursuit, il faut espérer que les villes de réfugiés pourront contribuer à atténuer une partie de la souffrance humaine.

 

Traduction Contrepoints

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Aurélien Duchêne est consultant géopolitique et défense et chroniqueur pour la chaîne LCI, et chargé d'études pour Euro Créative. Auteur de Russie : la prochaine surprise stratégique ? (2021, rééd. Librinova, 2022), il a précocement développé l’hypothèse d’une prochaine invasion de l’Ukraine par la Russie, à une période où ce risque n’était pas encore pris au sérieux dans le débat public. Grand entretien pour Contrepoints par Loup Viallet, rédacteur en chef.

 

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