Qu’est-ce qui a bien pu inspirer la folie criminelle du tueur ? N’hésitons pas à poser des questions gênantes.
Un texte d’opinion de Marc Crapez.
L’enquête fut rapide. A posteriori, il est facile de dire qu’on aurait dû l’arrêter avant. Mais plusieurs tentatives d’attentats djihadistes ont été déjouées ces dernières années et la police n’a pas les moyens d’avoir à l’œil tous les suspects potentiels. Le risque zéro n’existe pas. Comme pour le 11 septembre, il y avait eu, en amont, des choix faits dans une sélection de données sans précision mathématique.
Un Mohamed Merah provient de quatre ingrédients, du jeu des circonstances et de trois personnalités en une. C’est d’abord un forcené probablement radicalisé parce que l’armée française n’avait pas voulu de lui en raison de son passé délinquant, comme Anders Breivik a pu devenir un tueur néo-nazi après avoir été exclu par le parti populiste norvégien.
Mohamed Merah, c’est enfin – ayons le courage de le dire – le petit beur haineux, qui « nique sa race à la France » et qu’imite si bien Elie Semoun. Ce jeune beur haineux ne devient pas tueur sans se superposer au forcené, au djihadiste et à tout un concours de circonstances mais il est l’une des pièces du puzzle.
Malika Sorel le souligne :
« Ce discours de haine qui est tenu par les associations contre le supposé racisme des Français braque les enfants issus de l’immigration ».
Un comportement d’auto-exclusion
Dans mon dernier livre, je cite le témoignage d’un repenti de cette haine de la France, Younes Amrani. Il reconnaît n’avoir jamais subi ni discrimination, ni insulte, aucun trauma déclencheur autre qu’une propension à se monter mutuellement la tête :
« J’ai eu un comportement d’auto-exclusion, voire raciste vis-à-vis des autres […] On a commencé à être vraiment raciste lorsque vous voyez tout ce que les Français ont, et le peu de choses que l’on a, on répond par la coupure, la haine et le dégoût de la France. On déteste la France car on voit des racistes de partout et on se coupe du monde. Cette attitude, fondée sur un ressentiment, une aigreur, peut-être même de la jalousie par rapport aux Français, est alimentée par toutes ces certitudes de complot contre nous, contre les Arabes ».
Une fois instillée cette idée d’exclusion, la propagande djihadiste joue sur du velours en susurrant à l’oreille :
« En France, on a tout fait pour que tu ne sois plus rien […]Ils ont eu besoin de vos parents pour ramasser des poubelles ou tenir des marteau-piqueurs, mais si vous aspirez à autre chose, là, ils ne veulent plus de vous » – film La Désintégration.
Cette contre-société hargneuse a été engendrée par les intellectuels d’extrême gauche. Ce ne sont pas des pousse-au-crime, car la haine de la France est très loin d’expliquer qu’on commette un crime qui implique une spirale. Mais leur propagande relayée par les médias constitue un dénigrement violent et injuste des Français. Ils ont enfanté un climat de suspicion envers notre pays qui fait l’objet d’un délit de faciès politique après avoir été roué de coups médiatiques.
À l’occasion de la minute de silence, des lycéens du 93 ont demandé quand le même hommage serait rendu aux enfants palestiniens.
À Rouen, une enseignante propose une minute de silence pour commémorer la mort du tueur puis c’est une cérémonie à la mémoire d’une victime qui est perturbée par une fondamentaliste.
Mais Tariq Ramadan s’en prend au populisme et victimise le tueur :
« Il exprime une pensée politique d’un jeune adulte dérouté qui n’est habité ni par les valeurs de l’islam, ni par des pensées racistes ou antisémites. Jeune, désorienté […] victime d’un ordre social qui l’avait déjà condamné ».
Ces exemples sont plus préoccupants que la crainte d’un arsenal sécuritaire. Au lieu de hurler à l’atteinte aux libertés à chaque pas de la police (discours dont les sirènes séduisent certains libéraux), félicitons-nous que le fichier Cristina ait facilité l’enquête et saluons les tentatives, fussent-elles maladroites, de s’aligner sur les pays anglo-saxons qui ont accru le rayon d’investigation sur de simples présomptions de preuves.
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RT @Contrepoints: Tuerie de Toulouse : y a-t-il une co-responsabilité ?: http://t.co/XfiN9Dc3
« Au lieu de hurler à l’atteinte aux libertés à chaque pas de la police (discours dont les sirènes séduisent certains libéraux), félicitons-nous que le fichier Cristina ait facilité l’enquête et saluons les tentatives, fussent-elles maladroites, de s’aligner sur les pays anglo-saxons qui ont accru le rayon d’investigation sur de simples présomptions de preuves. »
Je ne vois pas l’intérêt de cette réflexion : l’arsenal législatif antiterroriste français est déjà très fourni, autant ou plus que dans les pays anglo-saxons, à l’exception des USA. Faut-il nous aligner sur le NDAA, le patriot act et guantanamo ?! En réalité nous n’avons besoin d’aucune loi supplémentaire.
Sinon on rappellera que le fichier Christina est secret-défense, ne permet pas la consultation et la rectification par les intéressés, et qu’on se connaît pas les informations qu’il peut contenir. C’est bien normal de critiquer ce genre d’espionnage opaque de la population par l’État, en violation totale des règles droit commun.
Oui il faut laisser la police faire son travail, c’est à dire arrêter les criminels… dans le respect des règles de droit.
Je serais curieux de lire une véritable évaluation de l’efficacité des législations de type Patriot Act, et ça ne m’étonnerais pas que ce « genre d’espionnage opaque » ait permis de déjouer des attentats et de sauver des vies.
Dans le cas de Merah il est évident qu’avec son CV il ne devait pas être libre d’aller et venir. Les attaques de Toulouse et Montauban n’était pas des faits divers, mais des actes de guerre. On est en guerre, il faut en tirer les conclusions.
Guantanamo est un problème de déficit de législation, de vide juridique, de retard de la loi par rapport aux coutumes et aux possibilités. C’est faute d’outils adéquats que, nécessité faisant loi, on risque de tomber dans l’arbitraire ou la suspension du droit commun.
En France, le mot « fichier » suffit à faire hurler les petits cénacles qui affirment qu’il est la porte ouverte à des lois liberticides (rhétorique de la pente glissante). Aux USA, les mêmes ont accusé Obama d’avoir violé la Constitution pour avoir éliminé sans procédure légale l’imam djihadiste de nationalité américaine Anwar al-Aulaqi.
Le Royaume-Uni donne l’exemple d’un pays qui s’est repris en se dotant de moyens efficaces (durée de garde à vue et accroissement des possibilités d’investigation).
En quoi l’arrestation de Merah, un individu même pas capable d’utiliser un proxy, nécessitait des « outils adéquats » exorbitant au droit criminel commun ? Il ne s’agit pas ici de remettre en cause le travail de la police, mais bien la nécessité de nouvelles lois.
A titre d’information on peut faire en France jusqu’à six jours de garde à vue pour terrorisme, et comme toute garde à vue cela ne peut entraîner aucune indemnisation en cas d’erreur. Que vous faut-il donc de plus ?
« Aux USA, les mêmes ont accusé Obama d’avoir violé la Constitution pour avoir éliminé sans procédure légale l’imam djihadiste de nationalité américaine Anwar al-Aulaqi. »
Les mêmes ? On notera que cela inclus Ron Paul. Il y a une longue tradition libérale d’opposition aux législations d’exceptions, et il convient plutôt de s’en féliciter.
« En France, le mot « fichier » suffit à faire hurler les petits cénacles qui affirment qu’il est la porte ouverte à des lois liberticides (rhétorique de la pente glissante). »
Pour ma part je n’ai aucune opposition de principe contre les fichiers. Mais un fichier dont on ne connaît même pas le type d’information qu’il contient et qui n’est soumis à aucun contrôle extérieur ni de la justice ni d’une autorité administrative… c’est bien une mauvaise chose. Et je doute sérieusement que ce secret et cet absence de contrôle ait un intérêt quelconque dans la lutte contre le terrorisme.
« C’est faute d’outils adéquats que, nécessité faisant loi, on risque de tomber dans l’arbitraire ou la suspension du droit commun. » Il n’y avait absolument aucun début de nécessité pour la prison de Guantanamo. Si quelqu’un est suspecté d’un attentat on le juge selon la loi du pays dans lequel il a commis cet attentat. Qu’on ne puisse pas pratiquer la torture ni condamner des prisonniers de guerre ou des personnes contre lesquels il n’y a aucune preuve n’est pas un vide juridique, c’est simplement la moindre des choses.
A trop vouloir restreindre, au nom des libertés, la marge de manœuvre de la sécurité intérieure, on finit toujours par assister à un retour en force de la raison d’Etat qui ne fait pas dans la dentelle.
Ron Paul n’est pas parole d’évangile, je déplore justement, et j’y reviendrai, que certains libéraux se laissent séduire par certaines perceptions des libertés menacées qui ne correspondent plus à l’état social.
Je comprends votre hostilité à l’inflation normative et partage votre souci de contrôles. Mais Guantanamo n’est pas qu’un abus de pouvoir maléfique. C’est aussi le symptôme du désarroi d’un Etat qui avait été naïf auparavant.
Le Royaume-Uni donne l’exemple d’un pays qui facilite la prévention du terrorisme en permettant notamment des placements en détention sur présomptions de preuves.