La société en prison

Tandis que la législation s’étend, le volet coercitif de l’État lui aussi s’étend

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La société en prison

Publié le 3 septembre 2011
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Tandis que la législation s’étend, le volet coercitif de l’État lui aussi s’étend, ses pouvoirs de police, ses prisons et son influence sur la société, comme le montre Jeffrey Tucker dans un article initialement paru sur le site du Mises Institute, le 10 avril 2006. Traduction Françoise Tassenoy.

«T’es là pour quoi?» demanda le détenu de Lee County au nouveau prisonnier. «J’ai grillé un stop dans mon quartier», répondit le nouveau détenu, aux grands éclats de rire des autres qui croupissaient dans la même cellule.

Comme ils riaient, les miettes de leur sandwiches durs et secs, distribués par les gardiens deux fois par jour, s’échappèrent de leur bouche pour s’ajouter aux débris de saletés du sol écrasés par la matière plastique fissurée de leurs matelas et absorbés par les vieilles et fines couvertures que les détenus utilisent pour se réchauffer dans cette chambre froide et humide de 2m50 sur 2m50.

Le nouveau détenu rejoignait ce jour 500 autres prisonniers, parmi lesquels se trouvaient quelques-unes des plus violentes menaces pour la société, mais aussi des gens qui, comme le Détenu 501, ne représentent aucun danger pour personne.

Il avait essayé de donner son unique coup de fil, auquel vous êtes censé avoir droit  quand vous débarquez dans la grande maison. Le téléphone ne pouvait appeler qu’en PVC, même pour les appels locaux. Cela signifiait qu’il ne pouvait pas appeler des GSM. La plupart des compagnies locales n’ont même plus les options d’appel en PVC. Donc, vous composez et composez le numéro mais le téléphone pourrait aussi bien être un accessoire sur le mur. Il n’y a aucun moyen de sortir.

Il n’y a également aucun moyen pour vous d’être appelé, par quiconque. Vous n’avez pas de GSM. Pas d’ordinateur portable. Pas de livre. Pas de montre, et il n’y a pas d’horloge sur le mur. Personne ne sait l’heure qu’il est. Aucun de ceux qui la connaissent ne vous la diraient. Il ne vous est même pas permis de prendre un bout de papier dans la cellule après votre arrestation. Vous pouvez seulement rester là dans vos habits de prisonniers fins comme du papier et vos sandales en plastique.

«C’est la prison, Mec» cria quelqu’un alors que le nouveau détenu essayait de composer le numéro pour la dixième fois. «La prison! Les téléphones ne fonctionnent pas en PRISON!»

Donc, le Détenu 501 attendait debout depuis un certain nombre d’heures, espérant qu’il serait délivré par sa femme et ses enfants, qui l’avaient vu menotté et traîné loin de la maison après le brunch dominical. Il espérait aussi que ça se passerait avant qu’il ait besoin d’utiliser les toilettes, qui étaient sales et exposées de front à tout le monde, y compris aux femmes qui vont et viennent.

La saga avait commencé en octobre dernier, quand il avait grillé le même stop en face d’une piscine privée, que lui et cinquante autres grillaient plusieurs fois par jour. Il pensait qu’il avait payé l’amende mais il ne l’avait pas fait, et la date d’audience avait changé. Il n’avait reçu aucune autre communication.

Mais quelque chose d’intéressant s’était tramé dans la politique locale après qu’il ait reçu l’amende. Les journaux locaux avaient diffusé une série d’articles exigeant qu’on révèle des pratiques par lesquelles on faisait sauter des amendes dans l’administration municipale d’Auburn. Il semble que certains amis de gens puissants obtenaient que leur amendes soient écartées. Auburn était déjà connue pour son laxisme, mais cela commençait à sentir la corruption.

Les journaux manquaient de détails, mais ils laissaient entendre que toute cette histoire était le résultat d’un différend entre un élu et un directeur de ladite ville. Plus tard, le  directeur de la ville  avait démissionné ou était renvoyé.

L’idée de corruption était suffisante pour attirer l’attention du FBI, qui avait mené certaines enquêtes. La pression des médias et la curiosité du FBI combinées étaient suffisantes pour forcer un changement de politique de la ville. La nouvelle politique à Auburn serait la répression totale des contrevenants aux amendes, en particulier ceux qui ne payaient pas et ne se présentaient pas à leur audience.

Maintenant, d’habitude on contacte juste les gens qui ne se présentent pas aux dates d’audience pour des questions mineures comme celle-ci et ils finissent par payer. Mais techniquement, ils peuvent également être arrêtés, comme ce fut la cas pour cette personne. Lorsque l’administration municipale est sous pression pour démontrer qu’elle n’est pas corrompue, mais qu’elle est bonne, pure et sévère envers le crime, le résultat est que les petits caractères deviennent une autorisation pour n’importe quoi.

Donc, au cours des derniers mois, la ville s’est occupée de décerner des mandats à des gens qui ont des amendes de toute nature en suspens. Les flics ont traqué les gens sur leur lieu de travail, chez eux, dans les rues ou n’importe où, et les ont tous traités comme des délinquants violents.

Le nouveau prisonnier, par exemple, qui n’avait jamais été arrêté de sa vie, avait toujours sur ses poignets les marques décolorées des menottes.

Nous avons tendance à penser de la loi qu’elle est une sorte de machine huilée qui fonctionne conformément à la réglementation. La vérité est que la loi est administrée par les gens avec beaucoup de discrétion quant à la façon dont les autres sont traités. Les gardiens et les agents pénitentiaires peuvent choisir d’humilier une personne de la manière qu’ils souhaitent. Ils peuvent vous mettre des vêtements de prison qui sont à votre taille ou, de telle manière à ce qu’ils soient trop serrés. Ils peuvent vous donner l’heure ou pas. Vous laisser croupir ou téléphoner pour vous. Ils peuvent vous insulter et mentir à propos de votre situation ou être sympas.

Le seul moyen sûr d’obtenir quelque chose se rapprochant d’un comportement humain de leur part est de ramper et de mendier comme un chien. Vous êtes pire qu’un esclave, parce que vous n’avez aucune valeur à offrir à vos nouveaux propriétaires. Vous êtes pire qu’un animal dans un zoo, car vous n’êtes d’aucune valeur pour vos geôliers. Ils se fichent que vous viviez ou mourriez. Ceux qui s’en préoccupent ne peuvent pas vous aider.

Personne n’a plus de pouvoir discrétionnaire que le juge, qui tient votre vie entre ses mains. Vous êtes dépendants de son humeur du moment. S’il vous laisse sortir facilement, il se considère comme bienveillant. S’il vous condamne à 10 ans ou à l’emprisonnement à vie, il fait seulement son travail. C’est toujours de votre faute de ne pas avoir été suffisamment servile au départ.

Le changement radical dans la vie du Détenu 501 se produisit en l’espace de quelques minutes. Il a suffi qu’on frappe à la porte. Cela n’avait aucune importance que le crime suspecté était complètement inoffensif. Une fois que vous êtes du mauvais côté de la loi, votre vie ne vaut officiellement rien pour personne sauf à ceux qui peuvent faire un peu ou rien pour vous aider.

Les gens parlent de la compassion du gouvernement. Mais il n’y a pas aucune compassion en prison, là où toute personne qui résiste à l’État – même de la manière la plus insignifiante – termine. Les gens parlent de la justice sociale, mais la mettre en œuvre signifie de demander à tout le monde de faire un choix: obéir ou faire face à l’humiliation et à la servitude.

Oui, les gens peuvent “déposer des griefs” ou “poursuivre”, et c’est toujours la première pensée de quelqu’un qui se trouve entre les mains des geôliers. Mais à qui faites-vous appel ? Qui voulez-vous poursuivre? Vous faites ici encore une fois appel à la même catégorie de personnes, le même groupe d’agents de coercition, qui vous ont volé votre liberté. Vos droits ne s’étendent que dans la mesure où vos maîtres permettent de les étendre.

Les gens qui critiquent le gouvernement comme une institution qui bat, tue et pend – pour utiliser la phrase de Mises – sont parfois accusés d’utiliser un langage exagéré et hyperbolique. Certes, le gouvernement est plus que cela et n’est pas toujours cela. Quelque chose d’aussi simple qu’un stop ne vous bat pas ou ne vous tue pas !

Et pourtant, ce que les critiques du gouvernement veulent dire, c’est que toute loi, même celle qui semble être une ligne directrice simple et une aide, doit au bout du compte être respectée au même titre qu’une arme à feu. Elle représente une menace d’obéir ou de perdre tout sa liberté.

Cette idée s’applique à toute loi, qu’elle résulte d’une constitution ou d’une législation, ou qu’elle voie le jour à partir de rien d’autre qu’un organisme de réglementation. Tout règlement, peu importe son importance, est appliqué à la pointe du fusil. Tout impôt peut entraîner les menottes et l’emprisonnement et même tuer ceux qui ne le paient pas. Caché derrière chaque mandat se cache un dur armé de bottes militaires et de gilet pare-balles prêt à battre et à tuer pour servir l’État et ses lois.

Tandis que la législation s’étend, le volet coercitif de l’État lui aussi s’étend, ses pouvoirs de police, ses prisons et son influence sur la société. Il est comme un brouillard toxique qui descend et se développe jour après jour, s’infiltrant dans tous les coins et recoins de la vie: écoles, entreprises, maisons, églises. Aucun endroit n’est épargné. Le cliquetis des clés du geôlier devient plus fort et plus strident. La culture de la prison, où les gens sont traités d’une manière pire que des animaux, prolifère. Vous ne pouvez pas vous déplacer sans risquer votre vie ou votre intégrité physique.

À un moment donné de sa journée, le Détenu 501 a entendu quelqu’un beugler son nom. Le clic électronique des barreaux a sonné et la porte s’est ouverte. Il avait été secouru, 500 $ en espèces extraits de son compte en banque et donnés à la police de la ville. Il était maintenant libre – en attente de paiement de l’amende et d’une autre date d’audience.

Il laisse derrière lui 500 autres pas aussi chanceux. Certains d’entre eux sont des criminels endurcis. D’autres sont en prison pour avoir fumé du hasch. D’autres sont dans le même bateau que lui : une infraction mineure qui a mal tourné. Aucun n’a des droits. Tous sont captifs, comme des citoyens dans une ville sous occupation militaire où il n’y a que  la violence et aucune loi.

Mais dans quelle mesure est-il réellement libre? Il vit dans une société où rien ne se passe en dehors du ressort de l’État, ce qui veut dire qu’il vivra toujours à un jet de pierre de la cellule de prison qui a été sa maison pendant une journée. Un ou deux mauvais gestes et il l’a complètement perdue. Toute la société n’est pas encore une prison comme on trouve dans les sociétés totalitaires ou une société sous occupation militaire en raison de la conquête, mais à chaque élargissement de l’État, les geôliers obtiennent toujours beaucoup plus de pouvoir sur nous tous.

Leur pouvoir n’est pas toujours explicite, mais il se tient toujours à l’affût. Tout a été déclenché par un policier zélé qui cherchait à remplir son quota d’amendes, et par une tentative de nettoyer le gouvernement de la corruption –  alimenté par un soi-disant scandale relayé par les médias, scandale qui a attiré l’attention des fédéraux. Il en a résulté une catastrophe personnelle. Nous n’obtenons vraiment pas tout le gouvernement pour lequel nous payons et Dieu merci. Dieu nous protège du jour où nous l’obtiendrons.


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  • Edifiant et très instructif.
    Je crois pour faire une analogie, que c’est ce qu’ont du aussi ressentir, les acquittés de l’affaire D’OUTREAU.

  • Les commentaires sont fermés.

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