Afrique du Sud : les médecins ne sont pas des marchandises

Les médecins qui décident de travailler ailleurs ne peuvent pas être blâmés pour les situations qu’ils laissent derrière eux.

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Médecine (Crédits : Adrian Clark, licence CC-BY-ND 2.0)

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Afrique du Sud : les médecins ne sont pas des marchandises

Publié le 4 août 2015
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Par Jasson Urbach.
Un article de Libre Afrique

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Médecine (Crédits : Adrian Clark, licence CC-BY-ND 2.0)

« Cessez de voler nos médecins » est le titre choc d’un article publié le 10 juin 2015 dans le quotidien The Citizen. Dans cet article, le directeur général du ministère sud-africain de la Santé affirme, « Le Royaume-Uni accapare notre personnel médical… [Nous sommes] en train de signer un protocole d’entente avec le Royaume-Uni pour obtenir le rapatriement de certains de notre personnel de la santéVous ne devriez pas voler des pays qui sont dépourvusVous devriez arrêter de nous voler ».

Les gens ne sont pas des marchandises. Aucun gouvernement, que ce soit l’Afrique du Sud ou la Colombie ne peut signer des accords au nom de particuliers. Faire cela sans le consentement de ces personnes équivaut à de la « traite d’êtres humains ». Les médecins et infirmiers qui décident de quitter leurs maisons pour travailler ailleurs ne peuvent pas être blâmés pour les situations qu’ils laissent derrière eux. La libre circulation des travailleurs est un droit fondamental et inaliénable des individus.

La pénurie chronique du personnel médical en Afrique du Sud a émergé comme le résultat d’une politique mal conçue mise en place il y a plusieurs années par le gouvernement, qui limite le nombre de médecins étrangers autorisés à y pratiquer. Elle a également introduit une disposition selon laquelle il n’y aura « pas de recrutement actif pour un emploi permanent en Afrique du Sud de personne provenant d’autres pays en développement dans la région de l’Afrique ». Pour alléger cette pénurie chronique, l’Afrique du Sud devrait abandonner ce genre de politiques et ouvrir ses portes aux professionnels de santé étrangers qualifiés.

La tentative de restreindre la circulation des professionnels de la santé entre nos pays africains voisins est bien intentionnée. Toutefois, les pays de l’OCDE et d’autres pays en développement seront plus qu’heureux d’accueillir ces professionnels de la santé dans leurs systèmes, et les patients sud-africains seront les grands perdants.

Tous les systèmes de soins de santé reposent sur l’utilisation de professionnels ayant été formés ailleurs. Par exemple, un quart du personnel médical dans le « National Health Service » au Royaume-Uni et un quart des médecins exerçant aux États-Unis, ont été formés à l’étranger.

L’Afrique du Sud, non seulement limite le nombre de professionnels formés à l’étranger, mais rend aussi extrêmement difficile la pratique de la médecine dans ce pays pour ceux qui le veulent. Selon un rapport publié par le Centre africain pour les migrations et l’Université de Wits, l’année dernière : « Il faudra deux ou trois ans à un médecin ou une infirmière étrangers qualifiés pour obtenir un emploi en Afrique du Sud, mais cela peut prendre jusqu’à 10 ans ». Le rapport note que les processus administratifs dans l’évaluation et le recrutement de médecins et d’infirmières étrangers dans le système de santé publique a impliqué au moins dix étapes et sept institutions. En raison de ces procédures lourdes et inefficaces seulement 1,5% (2640) de l’effectif total du personnel de la santé du secteur public en Afrique du Sud (173 080) sont des étrangers.

En plus de restreindre le nombre de professionnels de santé étrangers, le gouvernement sud-africain est également titulaire d’un monopole en matière de formation des médecins. Chaque année des milliers de candidats potentiels, même ceux qui réalisent de hauts scores dans leurs examens, sont refoulés parce que le nombre de postes disponibles au sein des écoles médicales gérées par le gouvernement d’Afrique du Sud est limité à environ 1.500 postes, un nombre qui est légèrement plus élevé que celui fixé au début des années 1970. Malgré la pénurie chronique, le gouvernement sud-africain continue de restreindre sévèrement et artificiellement la disponibilité de professionnels formés localement, même si, depuis les années 1970, la population a plus que doublé et que le pays souffre d’un fardeau de maladies extraordinairement lourd.

Une stratégie à long terme pour atténuer les pénuries chroniques devait conduire le gouvernement à assouplir ses contrôles sur les établissements d’enseignement supérieur, rendre moins restrictif l’accès à ces établissements de formation, et permettre au secteur privé de créer des écoles médicales privées de manière à ce que des milliers d’étudiants des plus brillants en Afrique du Sud puissent poursuivre leur rêve d’étudier la médecine. Que les écoles fonctionnent sur un mode à but lucratif ou sans but lucratif, leur mise en place ne peut qu’atténuer le problème.

Si cela est fait, il permettra d’alléger une part significative du fardeau actuellement supporté par le secteur public. Les hôpitaux privés en Afrique du Sud sont des centres d’excellence et de renommée mondiale bien connus pour leur haute qualité de soins. La gestion privée des établissements d’enseignement, si elle est réalisée en coopération avec ces hôpitaux, attirera non seulement un grand nombre de professeurs et de praticiens de renommée mondiale, ce qui permettra d’augmenter le capital de connaissances disponible, mais aussi d’attirer des étudiants étrangers, qui pourront potentiellement séjourner et travailler dans ce pays.

Les écoles de médecine gérées de manière privée ne peuvent résoudre la pénurie de personnel médical chronique du jour au lendemain, mais pourront certainement contribuer à l’effort de long terme visant à accroître le nombre de professionnels de la santé dans le pays et à permettre aux patients sud-africains de recevoir les soins et l’attention qu’ils méritent.

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  • Zuma ne veut pas d’écoles privées, il veut des écoles à sa solde, des hopitaux à sa solde des médecins à sa solde. Zuma aime la traite d’êtres humains. C’est pour ca qu’il viole, qu’il nationalise qu’il joue les apprentis sorciers avec les frontières et la mobilité nationale. Zuma vendrait des sud africains s’il le pouvait.

  • Les tenants de l’éducation étatique « gratuite » considère que l’état est propriétaire des étudiants ainsi formés.

    Si le phénomène d’émigration ets massif (comme en Afrique du Sud ou fRance) les solutions sont soit la restriction des migrations (ce que tente d’imposer Zuma et qui risque de faire réfléchir nos chers politiques un jour proche) soit facturer aux étudiants le coût de leurs études, qui seront ainsi financées par leur principaux bénéficiaires.

    Il est certain que le couple Numerus_Closus + Emigration ne fonctionne pas. Mais considérer l’état proprétaire des citoyens éduqués, c’est une idéologie totalitaire, et c’est le paramètre de Numerus Closus qui doit être changé.

    • D’accord avec vos idées, mais il faut écrire « numerus clausus ».

    • Le problème n’est pas simple dans ce pays (dont je ne connais pas bien le pouvoir actuel). Bien sûr, l’apartheid a disparu officiellement mais pas forcément dans la mentalité de 100% des habitants et certainement pas sur le plan de la population dont les conditions socio-économiques sont largement étalées sur l’éventail, avec des souvenirs du passé!<<

      Je ne crois certainement pas à "l'égalité", telle que certains l'entendent dans la gauche française, mais dans nos pays, chaque jeune mérite d'avoir "sa chance" et, en médecine, il est difficile de "partir de rien": il n'y a pas de médecin "self made man or woman"!

      Que cela fonctionne sur une quasi-gratuité des études dans un système universitaire officiel ou subsidié, avec des bourses payées par des fondations ou par le gouvernement, ou des systèmes de prêts-études "sans but lucratif" , cela importe peu, c'est une choix national.

      De toute façon, il ne doit pas être facile, dans ce pays-là, de donner sa chance à chaque jeune qui le "mérite"! Maintenant, quelle que soit la solution financière "locale", il n'est que juste et normal d'attendre des diplômés un retour d'ascenseur: que ce soit, comme en Europe, les années "pratiquées", "stages", "externat", ou autres, c'est bien du travail qu'on attend d'eux! C'est historique, efficace, satisfaisant, jusqu'à présent!

      Mais faire d'un citoyen étudiant brillant des "townships" sud-africain un médecin qui ne deviendra pas celui qui sera chargé d'aider sa famille (au sens très large, africain) financièrement, ce doit être difficile: le système "familial" africain, basé sur la solidarité, tenait lieu de "sécu" et d'assurances! Au fond, pas très différent du système libéral qui n'interdit évidemment pas l'entraide "entre soi".

      Si celui qui a eu sa chance abandonne la solidarité, le diplôme obtenu, en s'expatriant, c'est déstabilisant, culturellement, et une perte sèche pour la nation qui lui a "offert" ses études!

      Et il est normal qu'un gouvernement veille à ce que la population soit bien soignée. (Mais je ne dis à personne comment y parvenir, c'est au-delà de mes compétences!)

      • « Bien sûr, l’apartheid a disparu officiellement mais pas forcément dans la mentalité de 100% des habitants et certainement pas sur le plan de la population dont les conditions socio-économiques sont largement étalées sur l’éventail, avec des souvenirs du passé! »

        Oui sauf que les jeunes blancs nés en 1995 ont 20 ans, n’ont jamais connu l’appartheid et subissent des lois officielles qui privilégient les noirs. L’appartheid n’a pas cessé, d’éxister, il a changé de coté (CF le BEE=BLack Economic Empowerment). Combien de noirs m’ont dit qu’ils vivaient mieux sous l’apartheid que sous l’après appartheid et son insupportable insécurité mêlée de népotisme et de corruption des élites et des fonctionnaires!

        « Que cela fonctionne sur une quasi-gratuité des études dans un système universitaire officiel ou subsidié, avec des bourses payées par des fondations ou par le gouvernement, ou des systèmes de prêts-études « sans but lucratif » , cela importe peu, c’est une choix national. »

        Non, quand c’est payé par l’impôt c’est juste la dictature de la plus grosse minorité. Les choix nationaux n’existent pas. Seuls les individus font des choix.

        « De toute façon, il ne doit pas être facile, dans ce pays-là, de donner sa chance à chaque jeune qui le « mérite »! Maintenant, quelle que soit la solution financière « locale », il n’est que juste et normal d’attendre des diplômés un retour d’ascenseur: que ce soit, comme en Europe, les années « pratiquées », « stages », « externat », ou autres, c’est bien du travail qu’on attend d’eux! C’est historique, efficace, satisfaisant, jusqu’à présent! »

        De ce que j’ai vu en vivant la bas, ceux qui réussissent ne le doivent pas tant à la chace qu’on leur a donné qu’à la chance qu’ils se sont donné eux même sauf pour les fils de riches politiciens zulus Sothos ou Xhosas pour qui tout est gagné d’avance. Pour les autres circulez y a rien a voir. je ne parle meme pas des métis!

        « Si celui qui a eu sa chance abandonne la solidarité, le diplôme obtenu, en s’expatriant, c’est déstabilisant, culturellement, et une perte sèche pour la nation qui lui a « offert » ses études! »

        Les cultures qui imposent des dettes aux enfants méritent d’être déstabilisées. Elles sont esclavagisantes. Si on veut que les gens restent il faut que ce soit parce qu’ils le veulent et non parce qu’une quelconque loi traditionnelle les y obligent. La gratitude est un sentiment qui n’a pas besoin d’être forcé et s’il l’est, alors ce n’est plus de la gratitude mais de la soumission.

        « Et il est normal qu’un gouvernement veille à ce que la population soit bien soignée.  » Ce genre de postulat non démontré déclenche chez moi l’alerte de détection de communiste qui ne s’assume pas. Pourquoi serait-ce le travail du gouvernement de veiller à ca plutot qu’à l’alimentation, au logement, à l’habillement, à l’emploi, à la culture, à l’éducation, à la sexualité, aux loisirs ou que sais- je encore? Qu’est ce qu’il n’est pas normal de voir un gouvernement veiller si on part par la?

        • « Oui sauf que les jeunes blancs nés en 1995 ont 20 ans, n’ont jamais connu l’apartheid » : oui sauf que c’est 20 ans chez Papa, Maman et leurs amis dont ce n’était pas le cas. Et ces gens-là, en ville, vivent dans des lotissements efficacement clôturés, avec caméras et vigiles, pas des townships, zones de non-droit!

          « Seuls les individus font des choix. » D’accord, sauf que dans le monde réel, le standard actuel (perfectible, bien sûr) est la démocratie représentative qui ne s’est même pas encore généralisée!

          « De ce que j’ai vu en vivant la bas, ceux qui réussissent ne le doivent pas tant à la chance qu’on leur a donné qu’à la chance qu’ils se sont donné eux mêmes » Oui, sans doute, en partie, et en ville. Ailleurs, la tradition tribale distribue les rôles et les fonctions: déjà avoir un parcours scolaire du début à la fin n’est possible que si on n’est pas contraint de participer au travail nourricier ou défensif de la famille, du village ou de la tribu! (peut-être n’avons-nous pas fréquenter les mêmes situations?)

          « La gratitude est un sentiment qui n’a pas besoin d’être forcé et s’il l’est, alors ce n’est plus de la gratitude mais de la soumission. » C’est pourtant le cas, actuellement, que ce soit dans la tradition africaine ou en Europe: la communauté, le groupe, le pays s’attend à ce que vous fassiez profiter le « groupe » de ce qu’en grande partie, vous avez « reçu ». Liberté mais responsabilité!

          « Soumission »: oui, jusqu’à présent, c’est un fait: les parents s’attendent à ce que leurs enfants soient brillants, réussissent, fasse un bon mariage et leur offre la « fierté » et « leurs » petits enfants: c’est sot? Oui mais tellement humain!

          Combien de parents sont surtout fiers que leurs enfants soient LIBRES et décident eux-mêmes de choisir leur voie, même si cela leur fait peur? Les autres groupes n’ont même pas l’intelligence du coeur permettant les exceptions sans raison grave! Pas libéral? Peut-être, mas réel!

          Oui, les états, seuls détenteurs de la contrainte et de la violence légitime et légale, sont en mesure de s’opposer aux pouvoirs des puissants en leur rappelant que la puissance ne donne pas tous les droits.

          « Communiste »: non, point! Il s’agit bien de la défense de l’individu contre un collectif plus puissant, doublé d’une communauté d’intérêt! De qui défendrez-vous la liberté?

          Un état démocratique réel actuel (parfois bancal et pris en défaut, j’en conviens volontiers!) a pour mission de choisir les règles de la vie commune et d’organiser ses responsabilités propres, dites régaliennes, sans exercer d’activités dont des citoyens pourraient se charger.

          Si vous tenez à détruire ce rôle, on se dirige plutôt vers un anarcho-libéralisme qui pourrait échapper à la loi du plus fort, ce qui n’est plus libéral!

      • votre commentaire ne me semble pas forcement clair pour la France, je me permets d epreciser: oui, les etudiants francais remboursent leur « dette » largement en faisant tourner les hopitaux, de jour comme de nuit, en etant payés moins que les femmes de menages (bien moins que le smic)
        Donc si le systeme est identique en Afrique du Sud, je ne vois pas pourquoi on les embeterait s’ils veulent partir, la solidarité a bon dos. Surtout que les medecins africains en france envoient souvent de l’argent a la famille restée au pays, donc la solidarité est bien la. A chaque gouvernement de se debrouiller pour garder ses medecins…

        • C’est bien pour ça que je commence par un prologue concernant l’Afrique du Sud où rien ne parait simple pour éviter que partout et dans tout, l’apartheid à peine disparu, officiellement, ne renaisse en un pouvoir blanc doté de la puissance financière sur une classe moins favorisée et noire. C’est un challenge important pour ce pays!

          Je ne crois pas qu’on empêche les jeunes médecins de s’expatrier, ce qui ne fat pas l’affaire de la population restée sur place.

          Mais le problème est à rapprocher de celui de ces maires, en zone de « désertification médicale », prêts à subsidier (maison, matériel, salaire) un médecin, souvent étranger, dont « l’esprit de solidarité » régionale ou nationale n’existent évidemment pas.

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