Quand la fiscalité prend l’eau : focus sur la « taxe inondation »

En 2022, la taxe GEMAPI a rapporté 380 millions d’euros de recettes fiscales aux collectivités locales… pour quelle efficacité ?

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Quand la fiscalité prend l’eau : focus sur la « taxe inondation »

Publié le 30 janvier 2024
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Depuis plusieurs mois, de nombreux départements subissent des inondations particulièrement destructrices. Mais nos impôts sont censés protéger leurs habitants.

En effet, depuis 2014 existe une nouvelle taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, aussi intitulée GEMAPI ou « taxe inondation ».

La particularité de cette taxe facultative est de relever de la compétence exclusive des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui ne votent pas un taux mais un produit final attendu réparti entre les contribuables des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et de la contribution foncière des entreprises. Le taux de la taxe est ensuite déterminé en divisant le produit attendu par les bases nettes des quatre taxes. Ce qui revient à augmenter les impôts locaux d’une taxe additionnelle prélevée en même temps qu’eux et destinée à gérer les milieux aquatiques et prévenir les inondations.

La taxe connaît un succès tellement foudroyant qu’aujourd’hui plus de la moitié des communes et plus de la moitié de la population sont soumis à cette taxe. En 2017, elle rapportait 25 millions d’euros. En 2022, ce sont 380 millions d’euros de recettes fiscales qui sont entrées dans les caisses des collectivités locales pour, entre autres, prévenir les inondations. Pourquoi cette augmentation ? De plus en plus d’intercommunalités ont recours à cette taxe qui permet d’augmenter les impôts locaux tout en annonçant ne pas augmenter la taxe foncière, mais aussi parce qu’une fois en place, les taux, faibles au début, grimpent progressivement. Insensiblement, l’augmentation est parfois exponentielle. Quand le taux des Hauts-de-Seine passe de 0,01 % à 0,07 %, cela peut paraître dérisoire mais représente une multiplication par 7 de la taxe. Des collectivités sont d’ailleurs inquiètes car le montant de la taxe est plafonné à 40 euros par habitant et… certaines approchent ce seuil. Preuve que le montant est de moins en moins insignifiant.

Au cumul, c’est aujourd’hui plus d’un milliard d’euros que les propriétaires et entreprises ont dû débourser depuis la création de la taxe. Les crues récentes conduisent pourtant à s’interroger sur son efficacité. Au vu du nombre de déclarations de sinistres, on peut légitimement se demander où est passé l’argent. Certains répondront qu’avec le dérèglement climatique, le résultat aurait été encore pire sans la taxe. Pourtant, la détresse des habitants et des services de secours suffit à en douter.

Dans le cas des départements du Nord et du Pas-de-Calais, durement touchés par les inondations, on peut d’autant plus s’inquiéter du poids de la fiscalité anti-inondation, que la taxe GEMAPI est en fait venue s’ajouter à une ancestrale taxe sur les wateringues. Ces dernières sont des canaux artificiels destinés à drainer l’eau excédentaire vers la mer, et éviter ainsi les inondations consécutives au fait que certains territoires côtiers du nord de la France se situent au-dessous du niveau de la mer. L’entretien de ces canaux est assumé par l’Institution Intercommunale des Wateringues et financé par une taxe acquittée notamment par les propriétaires de terres agricoles encadrées par les wateringues et qui rapporte environ 5 millions d’euros par an.

La taxe ayant été maintenue malgré l’apparition de la taxe GEMAPI, celle-ci semble maintenant faire double emploi. À la rigueur, un financement supplémentaire aurait pu se justifier s’il avait conduit à une efficacité accrue du dispositif. Or, la Chambre Régionale des comptes des Hauts-de-France a publié quelques semaines avant les premières crues automnales un rapport alertant sur le « difficile exercice de la coordination des compétences GEMAPI » né, entre autres, d’un partage des tâches qui semble parfois incompris entre le syndicat des wateringues et les autres intercommunalités.

Les dernières crues du Pas-de-Calais semblent montrer qu’avant de créer de nouvelles taxes, il serait utile de savoir comment les dépenser utilement.

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  • « avant de créer de nouvelles taxes, il serait utile de savoir comment les dépenser utilement. »

    utilement..pour qui?
    le bien commun n’existe pas..dès lors l’utiltié au sens général.

    notez qu’il ya une différence entre une inondation et l’inondation d’hatitations;..

    éviter les inondation on est mal barrés.

    pas de question sur le sens du « permis de construire? le mal est ailleurs;
    on peut estimer que connaitre l’hitoirque des inondation, s’assurer que certain s’altèrent pas l’hydrographie devrait suffire et les gens se démerdent…

  • Depuis quand, en France, une taxe crée pour faire face à un problème est elle utilisée pour le résoudre ?
    Exemple : la TIPP (taxe sur les produits pétroliers) a été créée à l’origine pour financer le chemin de fer ; considérant que ce dernier subissait une concurrence déloyale. Résultat : la SNCF affiche un déficit supérieur à 60 milliards d’euros alors que la TIPP rapporte environ 30 milliards d’euros par an.
    Pour que le sans-dents paye un taxe avec plaisir, 2 conditions doivent être remplies. La première est de trouver et de justifier une raison pour créer la taxe. Attention, pas une Justification scientifique rationnelle que le peuple est incapable de comprendre vu son niveau intellectuel formaté par l’éducation nationale. Non, une Justification sentimentale genre écologie, aide aux démunis, etc. La seconde est d’en faire un impôt indirect : les sans-dents l’oublient et l’impôt peut être augmenté sans que personne ne s’en soucient. La CSG (créée pour combler les déficits sociaux de l’époque crées par Mitterrand) est ainsi passée de 0,5% à 17,2% en 40 ans.
    Bref une belle méthode enseignée à l’ENA.

    • La taxe GEMAPI est l’exemple même du mal français. Elle nous a, à l’époque, été « vendue » pour remplacer les taxes ancestrales existantes dans les polders (ou les marais dans le cas de la Normandie) reposant uniquement sur le foncier non-bâti.
      L’idée était généreuse : faire payer tous les bénéficiaires des digues, fossés et canaux et non plus les seuls agriculteurs.
      Le résultat est désastreux, vous avez la GEMAPI pour tous y compris dans les zones non concernées par le problème et les taxes ancestrales sont toujours là.
      Si nos députés avaient des tripes, ils voteraient dès aujourd’hui l’abolition de cette taxe. Ce serait le premier signal donné aux agriculteurs en cette période troublée. Que le monde politique s’occupe enfin d’eux (et accessoirement de nous …) serait un des plus beaux titres que les journaux pourraient étaler dès demain matin.

  • Pour résoudre un problème, rien de plus simple : créons une taxe !
    C’est comme le climat, le co2 diminuera de l’atmosphère grace à la taxe carbone, c’est vraiment magique les taxes ! 😀

  • Le principe est pourtant simple ! Comme personne n’est capable de régler le thermostat terrestre, bien que de nombreuses instances s’en soient attribué la mission, il faut bien nourrir tous ces parasites. La taxe est donc la solution miracle.
    Quand j’étais enfant, dans les années 1960, j’observais les cantonniers de mon village qui entretenaient les rigoles conduisant l’eau de la route vers le fossé, à l’aide d’une simple binette. L’hiver, les prés étaient inondés et, à part le moulin sur la rivière, aucune maison ne subissait de dommages.
    Aujourd’hui, plus de cantonniers mais des adjoints techniques, toujours plus nombreux et munis de matériels toujours plus sophistiqués. Ces mêmes adjoints techniques ne savent d’ailleurs pas trop quelles sont leurs prérogatives puisque les responsabilités sont noyées, comme les habitations, dans des communautés de communes ou de territoires dont le contour est sans cesse modifié.
    Nous vivons une époque moderne !

    • Vous ne vous rendez pas compte non plus, au contraire de l’UE, des dégâts qu’une simple binette peut commettre dans la biodiversité.

  • Et pour utiliser efficacement les ressources fiscales, il serait bon de ne pas créer de normes contrevenant à la maintenance des infrastructures anti-innondation sous peine de gêner la grenouille alfa du Poitou et autre espèce locale.

  • Les commentaires sont fermés.

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