Un article de l’IREF.
En 2022, pour alimenter un fonds pour le climat et la transformation énergétique – KTF – de 212 milliards d’euros, le gouvernement allemand avait puisé à due concurrence dans les réserves non utilisées d’un autre compte, constitué en 2021 pour contribuer à l’amortissement de l’impact du coronavirus. Mais celui-ci avait bénéficié d’une suspension des règles du « frein à l’endettement », en raison de la pandémie. Ce qui ne pouvait plus être le cas du fonds KTF.
La CDU/CSU, les conservateurs dans l’opposition, ont dénoncé un « tour de passe-passe » pour contourner le frein à l’endettement du pays, inscrit dans la Constitution allemande, qui limite le déficit budgétaire fédéral à un maximum de 0,35 % du PIB.
La Cour constitutionnelle de Karlsruhe leur a donné raison au motif qu’un recours exceptionnel à l’emprunt sans application de la règle du frein à l’endettement doit être « objectivement et précisément imputable » et que les fonds correspondants doivent être utilisés dans l’exercice pour lequel ils ont été prévus. À défaut, le détournement de la règle serait trop simple !
Le frein à l’endettement
Selon la Loi fondamentale (ou constitutionnelle) allemande de 1949, les recettes et les dépenses du budget de l’État doivent être équilibrées (article 110).
Elle dispose en outre que, sauf « perturbation de l’équilibre économique global », « le produit des emprunts ne doit pas dépasser le montant des crédits d’investissements inscrits au budget » (article 115). Cette règle d’or n’a pas toujours été respectée.
Mais après la réunification de l’Allemagne en 1989, et l’absorption dans les budgets publics de la RFA des dettes de la RDA, la dette publique allemande est passée de l’équivalent de 623 milliards d’euros en 1991 à 1040 milliards d’euros en 1995 (+ 67 %) et a poursuivi sa croissance. Pour stopper cette course en avant, sur proposition de la commission allemande du fédéralisme (Föderalismuskommission), la Loi fondamentale a été amendée le 1er août 2009. Selon les termes des articles modifiés (109 et 115) de la Constitution, au niveau fédéral comme au niveau des Länder, les dépenses publiques doivent être couvertes par des recettes publiques, un endettement public étant toléré dans les cas exceptionnels au niveau fédéral pour autant qu’il ne s’agisse pas d’un déficit structurel supérieur à 0,35 % du PIB.
Le respect des règles budgétaires
Par sa décision du 14 novembre 2023, la Cour constitutionnelle allemande a rappelé qu’on ne badinait pas avec la Loi fondamentale. Ce frein à l’endettement est sans doute l’une des causes de la vigueur de l’économie du pays depuis quinze ans, même si elle est mise à mal en ce moment par les bêtises de Mme Merkel sur l’immigration et le nucléaire.
L’Europe a, elle aussi, édicté un frein à l’endettement. En effet, depuis 2013 au sein de l’Union, et sauf circonstances exceptionnelles selon le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance aussi appelé pacte budgétaire, « la situation budgétaire des administrations publiques doit être en équilibre ou en excédent » (article 3). Le problème est qu’elle ne sait pas faire respecter ce qu’elle a elle-même décidé. Sa règle d’or prévoit que le déficit public structurel, hors éléments conjoncturels, d’un pays ne doit pas dépasser 0,5 % de son PIB.
Le déficit structurel correspond au déficit public. Il concerne les dépenses courantes de l’État, des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale. Hélas, les tribunaux européens se montrent impuissants à faire appliquer la règle.
Et la France en profite pour s’endetter à tout-va
L’Agence France Trésor (AFT), la Direction du Trésor en charge des levées de dette publique sur le marché, annonce 285 milliards d’euros d’émission à moyen et court terme en 2024, un record historique après les 270 milliards de 2023, et les 260 milliards de 2022.
Sauf que le taux d’emprunt pour les obligations à dix ans est estimé à 3,4 %, alors qu’on était encore en territoire négatif il y a à peine plus de deux ans. La charge de la dette française montera à 52 milliards d’euros en 2024, 56 milliards en 2025, 61 milliards en 2026, et plus de 70 milliards en 2027. Le gouvernement prévoit que la dette passe de 111,8 % du PIB en 2022 à 108,1 % du PIB en 2027, un niveau très élevé en Europe. Mais les prévisions de l’État sont, d’un avis commun, très optimistes.
Lors de l’examen de la Loi de finances de la Sécurité sociale pour 2024, la commission des Affaires sociales du Sénat n’a pas caché ses doutes sur la sincérité de ce budget qui prévoit une croissance continue du déficit à 11,2 milliards en 2024, après 8,8 milliards en 2023.
Les recettes de l’État continuent d’augmenter et les prélèvements obligatoires se stabilisent, tout au plus, à près de 45 % du PIB. Selon les chiffres d’Eurostat, on serait même plutôt à 47 %, un record au sein de l’OCDE. Mais le gouvernement ne cesse de multiplier les dépenses nouvelles sans jamais en réduire d’autres, sinon à la marge. L’augmentation de la dette et des intérêts pèse aussi. Ainsi, le déficit public se maintient à un niveau de 4,4 % du PIB, très supérieur (de 2,4 %) à celui d’avant covid, malgré la fin de celui-ci. Le déficit, hors dépenses exceptionnelles de crise, augmente : de 72 milliards d’euros en 2022 à 118 milliards d’euros en 2024 !
Puisque les hommes politiques ne savent plus être raisonnables, il faut les forcer à le devenir comme les Allemands y sont parvenus.
Il faut insérer dans la Constitution française une règle d’or pour interdire les déficits publics. Il faut, sauf cas très exceptionnels, interdire tous les déficits, car il n’y a pas d’un côté les bons (déficits d’investissement), de l’autre les mauvais (déficits de fonctionnement) : sur la masse du budget d’un pays comme la France, l’investissement annuel peut trouver sa place sans avoir recours à l’emprunt qui pèse toujours sur les générations futures. Une telle obligation réduirait le poids de l’État et libèrerait l’initiative privée. La croissance en serait favorisée. L’État lui-même pourrait ainsi obtenir à terme de meilleures recettes. Gagnant/gagnant.
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Ce serait bien qu’il y ait un peu plus de blocage à l’endettement. Mais on l’a vu avec Sarkozy et Fillon, à chaque fois qu’il a été question de « rigueur » budgetaire ca s’est traduit par la création de nouvelles taxes :taxe « cabane », taxe sur les produits sucrés, augmentation des taxes sur la vente des residences secondaires, durcissement des controles routiers avec de nouveaux radars,…
Les politiciens ne savent pas réduire un budget. Par contre ce sont des champions pour mieux collecter les impots, en créer de nouveaux ou déporter la charge sur les entreprises qui elles devront augmenter leurs tarifs.
Il faut un changement en profondeur et donner plus de pouvoir à la cour des comptes qui à la maniere du conseil constitutionnel doit bloquer un budget.
Le déficit pour cause d’investissement n’est pas une mauvaise chose, à condition que ce soit un vrai investissement, c’est à dire une action génératrice de bénéfices futurs permettant alors de réduire les impôts. Les politiciens ne l’entendent hélas pas de cette oreille. Pour eux s’ils jugent que c’est souhaitable, c’est forcément un investissement même si cela génère une augmentation pérenne des couts de fonctionnement.
L’idée est bonne et elle est déjà en pratique pour les dépenses municipales. L’effet est une augmentation des prélèvements plutôt qu’une réduction des dépenses.
Au niveau national, on pourrait le faire, mais nous sommes une impasse : l’inscription d’une règle de ce type dans la constitution passe par le gouvernement et les deux assemblées ! Autant dire que ce ne sont pas les plus enclins à proposer une mesure limitative de ce type.
Et pendant ce temps, les déficits et les promesses galopent …
Pour les déficits municipaux la ville de Paris les a fait exploser avant d’augmenter les taxes. Mais il fallait faire des travaux qui seront difficilement remis en cause. Si une limite avait existé hidalgo n’aurait pas pu massacrer Paris.
Comme l adage de tous les politiques avec l assentiment de nombreux français…..c est …..je depense donc je suis…..aucun frein ne sera mis aux budgets en déficit et donc à l endettement
Seuls les marchés sauront rappeler à l ordre le pays face à ses dérives……et ça peut arriver très vite…. voir le gouvernement britannique de liz truss débarqué en 45 jours en octobre 2023