Javier Milei profite de la perte de confiance en l’État des Argentins

Et si le peuple argentin tournait le dos à des décennies de péronisme et d’étatisme ? C’est ce qui pourrait se profiler avec la possible victoire de Javier Milei à l’élection présidentielle.

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Source : Sasha.stories sur Unsplash.

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Javier Milei profite de la perte de confiance en l’État des Argentins

Publié le 11 novembre 2023
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Le 19 novembre est le jour du second tour des élections en Argentine entre le péroniste Sergio Massa et l’anarcho-capitaliste Javier Milei.

Dans les années à venir, l’Argentine pourrait être gouvernée par un pro-capitaliste passionné. Ce serait un évènement qui marquerait un changement fondamental dans l’attitude des Argentins vis-à-vis de l’économie de marché et du rôle de l’État. Mais ce changement, en réalité, se profile à l’horizon depuis un certain temps.

Au cours des deux dernières années, j’ai étudié le mouvement libertarien dans 30 pays. Je n’ai rencontré dans aucun de ces pays un mouvement libertaire aussi fort qu’en Argentine. En temps normal, lorsqu’un pays traverse une crise grave, un grand nombre de personnes ont tendance à se tourner vers l’extrême gauche ou l’extrême droite de l’échiquier politique. En Argentine, les libertariens sont les phares de l’espoir, en particulier pour les jeunes. Parmi les électeurs de moins de trente ans, une majorité a voté pour Milei.

Les élections se déroulent dans le contexte d’une crise économique dramatique, avec un taux d’inflation de plus de 100 %, l’un des plus élevés au monde. Il n’y a probablement aucun pays qui se soit dégradé de manière aussi spectaculaire au cours des 100 dernières années que l’Argentine. Au début du XXe siècle, le revenu moyen par habitant était l’un des plus élevés au monde, comme en témoigne l’expression, courante à l’époque, de « riche comme un Argentin ». Depuis, l’histoire de l’Argentine est marquée par l’inflation, l’hyperinflation, les faillites d’État et l’appauvrissement. Le pays a connu neuf faillites souveraines au cours de son histoire, la dernière datant de 2020. Une histoire tragique pour un pays si fier qui était autrefois l’un des plus riches du monde. L’inflation a été à deux chiffres chaque année depuis 1945 (sauf dans les années 1990).

 

L’Argentine a été dirigée par des étatistes pendant des décennies et il est aujourd’hui l’un des pays les moins libres du monde sur le plan économique.

Dans l’indice de liberté économique 2023 de la Heritage Foundation, l’Argentine se classe 144e sur 177 pays – et même en Amérique latine, seuls quelques pays (en particulier le Venezuela) sont moins libres économiquement que l’Argentine. À titre de comparaison : bien que sa position se soit dégradée depuis l’arrivée au pouvoir du socialiste Gabriel Boric en mars 2022, le Chili est toujours le 22e pays le plus libre économiquement au monde, et l’Uruguay est le 27e (les États-Unis sont 25e).

Pour l’opinion populaire cependant, de nombreux Argentins en ont tout simplement assez du péronisme de gauche et se détournent de l’étatisme qui a dominé leur pays pendant des décennies. Dans un sondage que j’ai réalisé l’année dernière, l’Argentine faisait partie du groupe de pays où les gens étaient les plus favorables à l’économie de marché. Du 12 au 20 avril 2022, j’ai demandé à l’institut d’études d’opinion Ipsos MORI d’interroger un échantillon représentatif de 1000 Argentins sur leur attitude à l’égard de l’économie de marché et du capitalisme.

Tout d’abord, nous avons voulu savoir ce que les Argentins pensent de l’économie de marché.

Nous avons présenté aux personnes interrogées en Argentine six énoncés sur l’économie de marché dans lesquels le mot capitalisme n’était pas utilisé. Il s’est avéré que les affirmations en faveur d’une plus grande influence de l’État ont recueilli le soutien de 19 % des personnes interrogées, et que les affirmations en faveur d’une plus grande liberté du marché ont été approuvées par 24 % d’entre elles.

En Argentine, l’affirmation « Dans un bon système économique, je pense que l’État ne devrait posséder des biens que dans certains domaines ; la majeure partie des biens devrait être détenue par des particuliers » a reçu le plus haut niveau d’approbation. L’affirmation « La justice sociale est plus importante dans un système économique que la liberté économique » a reçu le plus faible niveau d’approbation.

Nous avons mené la même enquête dans 34 autres pays et n’avons trouvé que cinq pays (Pologne, États-Unis, République tchèque, Corée du Sud et Japon) dans lesquels l’approbation de l’économie de marché était encore plus forte qu’en Argentine ; dans 29 pays, l’approbation de l’économie de marché était plus faible.

En outre, tous les répondants se sont vu présenter 10 termes – positifs et négatifs – et ont été invités à choisir ceux qu’ils associaient au mot capitalisme, ainsi qu’à répondre à 18 autres questions sur le capitalisme.

Le niveau de soutien au capitalisme n’était pas aussi élevé que dans la première série de questions sur l’économie de marché, où le terme capitalisme n’était pas utilisé. Mais même lorsque ce mot était mentionné, notre enquête n’a trouvé seulement sept pays sur 35 dans lesquels l’image du capitalisme est plus positive qu’en Argentine, contrairement à 27 pays dans lesquels les gens ont une opinion plus négative du capitalisme qu’en Argentine.

C’est pourquoi un partisan avoué du capitalisme comme Javier Milei, professeur d’économie autrichienne, a des chances de remporter les élections dans le pays.

Milei est entré en campagne électorale en appelant à l’abolition de la banque centrale argentine et à la libre concurrence entre les monnaies, ce qui conduirait probablement à ce que le dollar américain devienne le moyen de paiement le plus populaire. Il a également appelé à la privatisation des entreprises publiques, à l’élimination de nombreuses subventions, à une réduction des impôts ou à la suppression de 90 % d’entre eux, ainsi qu’à des réformes radicales du droit du travail. Dans le secteur de l’éducation, Milei a demandé que le financement soit remplacé par un système de bons, comme l’avait proposé Milton Friedman.

Par ailleurs, l’Argentine est un exemple de l’importance des groupes de réflexion (think-tanks) pour ouvrir la voie à des changements intellectuels, qui sont ensuite suivis par des changements politiques. En Argentine, par exemple, il s’agit de la Fundación para la Responsabilidad Intelectual et de la Fundación para la Libertad ou Federalismo y Libertad.

J’ai rencontré des groupes de réflexion libertaires dans 30 pays, mais ils sont rarement aussi actifs que ceux d’Argentine. Reste à voir si les graines qu’ils ont semées porteront leurs fruits le 19 novembre.

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  • Milei est d’extrême droite d’après le critères mondiaux d’une personnalité trop patriotique ou contre l’étatisation à outrance… libéral = capitaliste = facho pour 90% des gens…

    • S’il est élu, et s’il améliore notablement la situation, ce qui fait beaucoup de « si », les gens en concluront qu’il vaut mieux un facho capitaliste qu’un gaucho bien-pensant.

    • Ce qui montre 2 choses.
      1. Que les gens ont une idée bien « vague » de tout cela. Ainsi le fascisme est étatiste. Le libéralisme, anti-étatiste, ne saurait donc être fasciste.
      2. Qu’il y a encore du boulot pour dédiaboliser le capitalisme.

    • Le monde serait simple si seuls les anti-Milei pédalaient dans la choucroute.
      Hélas les libéraux qui le soutiennent ici ou là ne sont pas mieux dotés intellectuellement.
      Mettre en avant un type totalement opposé à l’avortement, au langage ordurier, passablement révisionniste – sur l’histoire argentine – n’est pas une idée très lumineuse pour sortir le libéralisme du bourbier où il est.
      Il y a des limltes à l’adage « à défaut de grives… ».

      -1
      • oui… et avec de l’humilité..

        le libéralisme ne peut pas promettre autre chose que la liberté.. le reste dépend des gens.. et de leur éducation..or quand on a été éduqué « etatiste »…

      • Opposé à l’avortement c’est pas forcément un problème. Le truc est quand même très débattu dans les cercles académiques libéraux (principe de non agression vs. droit de propriété de soi et donc liberté de tuer un « envahisseur »). Grossier… hum, liberté d’expression. Révisionniste historiquement, c’est pas le cas de toute discussion historique ou les vainqueurs décrètent ce qui s’est passé ? Bref, chez nous (je m’y inclus) aussi le libéralisme doit progresser… Mais clairement il vaut mieux un « un peu plus libéral mais pas agréable à nos opinions » qu’un « nous plait subjectivement mais moins libéral »…

    • Ce qui fera du bien au libéralisme, dans son image, c’est qu’on déplace sa fenêtre d’Overton.
      Pas qu’on défonce le mur.

    • définissez le patriotisme… car ça reste un isme.. .ce n’est pas l’amour del la patrie..
      non désolé…

      CE n’est pas un détail quand vous mettrez des gens en taule pour antipatriotisme..
      Pareil avec la capitalisme, qui suggère que « le capital » serait le paramètre essentiel de décision..
      terme forgé par les collectivistes!!!

      et à mon opinion seul un collectivisme ut mettre en place un « capitalisme »… inévitablement détenu par le « collectif »…

      • Tout à fait le « capitalisme  » c’est l’ennemi des socialiste, pas la doctrine à laquelle je me réfère ou un truc dans ce genre (c’est pas vraiment une « doctrine » ou une « idéologie », de dire « ce qui est à moi est à moi, je peux en faire ce que je veux tant que ça ne nuit pas au voisin », plus une constatation).

  • Le problème d’un État étatique , c’est qu’il a éduqué les masses à le rester. On le voit bien en France. Tout autre système politique est alors à rejeter. Encore une fois, un politicien est un commerçant qui vend sa réélection à chaque mandat. Et un politicien de gauche ne le vend qu’à des pauvres. Il doit donc en créer une majorité pour être réélu. Pour cela, il prend beaucoup aux classe moyennes pour les appauvrir et distribue très peu aux classes pauvres pour les empêcher de sortir de ce système. En parallèle, une bonne éducation des enfants dès le primaire complète le tableau.
    Il est ainsi très difficile de sortir du système socialiste par une simple évolution de la société. L’exemple de Maduro qui est réélu à chaque scrutin le démontre. Les Russes en sont sortis par l’effondrement de leur système et les Chinois par la chute de Mao qui a entraîné des purges révolutionnaires et un virage du PC chinois.
    Si la France n’était pas dans l’euro, elle serait au niveau de l’Argentine avec des d’évaluations sans arrêt.

    • Avec des dévaluations, on aurait pas cette dette immense de 6000 milliards d’Euros.
      Il serait plus difficile d’emprunter et ce serait une excellente nouvelle.

      • Faux. La dette serait plus important puisqu’elle serait en dollars avec un franc qui vaut autant qu’un peso argentin. 3000 milliards d’euros en pesos… Ça doit valoir 3.000.000 milliards de francs socialistes.

  • Bonsoir
    J’ai vécu en Argentine de 1987 a 89. C’était un pays magnifique aux multiples possibilités mais avec une administration corrompue ; nous étions leur bailleur de fond… La monnaie, austral, était convertible en dollars officiels et parallèles, l’état ponctionnant au passage.
    Ce que nous vendions était soumis à des « retenciones “ ( impôt à l’exportation) et il existait parallèlement une monnaie provinciale appelée « bonos «  qui servait à payer les fonctionnaires. Un pays très riche victime de l’illusion du socialisme. Dommage…

  • Monsieur Zitelmann, je ne sais pas si vous avez écrit cet excellent article directement en français, ou s’il a été traduit de l’allemand.

    En tout cas, je pense que quand on y lit ‘ »libertaire », vous avez voulu dire « libertarien » ou au moins « libéral ».

    Parce que les libertaires sont des gens d’extrême gauche, proches du marxisme :

    http://joseph.dejacque.free.fr/etudes/neologisme.htm

    https://journaldeslibertes.fr/article/liberal-ou-libertaire/

    • La confusion ne ressemble pas à l’impôt. Un excès ne la supprime pas.
      Le libéral ressemble parfois au geek. Il a son vocabulaire à lui, compréhensible par son seul semblable.
      Alors qu’un simple dictionnaire peut suffire. Vous y auriez découvert que libertaire peut se traduire par anarchiste. Le gus étant dépeint plus haut comme anarcho-capitaliste, il y a de la cohérence dans l’air.
      Pour une fois.

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