Les déchirements de la Nupes, une histoire en plusieurs actes

L’alliance de gauche se déchire devant nos yeux. Dès sa création, le ver était dans le fruit. Retour sur les évènements qui ont précipité une rupture devenue inévitable

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Source : Flickr, Jacques Paquier

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Les déchirements de la Nupes, une histoire en plusieurs actes

Publié le 2 novembre 2023
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« Il a mis une cible dans mon dos » dixit Yaël-Braun Pivet au sujet d’un tweet récent de Mélenchon dans lequel il écrivait qu’elle était partie « camper à Tel-Aviv ». La poésie made in Jean-Luc.

C’est un classique, la gauche se déchire. Au siècle dernier, le rapport de force se jouait entre gauche socialiste et communiste. La première voulait asphyxier la seconde, qui voulait garder une place chèrement acquise après la Seconde Guerre mondiale. Après le congrès d’Épinay, coup de maître de François Mitterrand, la gauche s’est unie jusqu’à la rupture de 1977 qui entraîna la claque des législatives de 1978, avant de gagner en 1981. La gauche plurielle, elle, fut un succès imprévu dû aux errements stratégiques de Jacques Chirac.

 

L’alliance biaisée dès le début

La Nupes a été fondée en mai 2022 pour conquérir la majorité à l’Assemblée nationale. Si elle a été lancée en grande pompe et avec espoir pour tous les militants d’une gauche unie, force est de constater que dès le début, le ver était dans le fruit. Les communistes de Roussel, refusant de s’allier avec les Insoumis, comme en 2012 et 2017, ont fait louper les fameux 2 % suffisant à qualifier Mélenchon au second tour de la présidentielle. Un acte impardonnable qui vaudra mépris éternel des Insoumis.

L’autre obstacle à une alliance franche est le sentiment de revanche animant Jean-Luc Mélenchon. Parti en 2008 avec fracas du Parti socialiste, il les retrouve 15 ans après à quémander un accord pour sauver leurs places aux législatives après la claque historique de la présidentielle où leur candidate, Anne Hidalgo, n’a récolté que 1,8 % des suffrages. Ils sont à terre, et Mélenchon pouvait décider, tel un empereur romain, de leur laisser la vie sauve. Ou pas.

 

La succession de couacs

Les législatives ont été un succès pour la Nupes, qui a fait élire 151 députés.

Cependant, aussitôt les problèmes vinrent. Dès l’été 2022, Mélenchon a dégainé en qualifiant Taïwan comme une « partie intégrante » de la Chine, relançant le débat stratégique des pays non-alignés, dont il veut que la France soit un étendard entre Chine et États-Unis. Pour les atlantistes que sont les autres partis de gauche, cette analyse fut une erreur. Immédiatement, le Parti socialiste et EELV dénoncent une vision datée. Premier acte sans conséquences, mais qui donne le ton.

En septembre, les vrais problèmes commencent avec l’affaire Quatennens. Mélenchon et son cercle défendent d’emblée le camarade au mépris de toutes leurs positions et combats féministes qui ne devraient pas s’accommoder de la moindre violence conjugale. Mais, chez Jean-Luc Mélenchon, la fidélité est une valeur cardinale, et on ne laisse pas tomber un proche. Tous les autres partis de l’alliance ont condamné et demandé que Quatennens soit exclu, banni. Impensable pour le patron qui a défendu jusqu’au bout son poulain, et a réussi à le faire revenir après quatre mois de silence. Depuis, Quatennens reprend sa place, petit à petit. La gauche se bouche le nez mais, une fois de plus, Mélenchon a gagné.

Durant l’hiver 2023, l’unité devait être parfaite. Tous les membres de la Nupes sont farouchement opposés à la réforme des retraites et soutiennent les syndicats. Sans compter que l’opinion soutient les grèves et les manifestations. L’alchimie s’est brisée un soir à l’Assemblée nationale au cours duquel la France insoumise, jouant la carte de l’obstruction parlementaire, a décidé de bloquer le vote sur l’amendement relatif à l’âge de départ à la retraite. Tensions et règlements au sein de la Nupes éclatent juste après parce que nombreux étaient ceux, même à LFI, qui voulaient voter, ne serait-ce que pour gagner symboliquement. Veto de Jean-Luc Mélenchon et premières déclarations publiques contre sa stratégie, notamment de la part de personnalités connues comme François Ruffin ou Clémentine Autain.

Fin juin, après la mort du jeune Nahel, le premier cercle de la France insoumise n’a pas appelé au calme. La France sombrait dans les émeutes, on brûlait et cassait tout. Les trotskistes de Mélenchon, eux, ne parlaient que de « révolte populaire » sans jamais remettre en question les comportements des émeutiers. Surtout, Jean-Luc Mélenchon continuait à propager l’incendie en théorisant et justifiant la séquence comme une réaction normale face aux violences policières.

À l’été 2023, la gauche s’est déchirée, non pas sur un débat idéologique, mais sur la venue de Médine, le rappeur, aux universités d’été des Insoumis et des Verts. Cela montre bien le niveau du débat politique… et les divisions toujours plus fortes puisque le Parti socialiste a dénoncé cette invitation.

Les deux derniers clous plantés dans le cercueil de l’alliance de la gauche sont plus récents.

Tout d’abord, Sophia Chikirou qui a été épinglée par l’émission Complément d’enquête sur France 2 pour un comportement jugé tyrannique, et des malversations financières. Plus grave, elle a comparé Fabien Roussel à Jacques Doriot, le collaborateur qui porté l’uniforme nazi. C’est trop pour Roussel, très décrié à gauche et accusé d’être un homme de droite. Il a dénoncé fermement l’accusation, exigé des excuses, mais rien n’est venu. LFI ne bougea pas d’un iota. Il faut dire que cette situation arrange Fabien Roussel, car il est de plus en plus populaire et sait qu’il peut tirer profit de la situation en vue des élections présidentielles de 2027.

 

Prévisible et bénéfique

Le 7 octobre dernier, après l’attaque du Hamas contre Israël, la France insoumise a qualifié l’organisation palestinienne de groupe de résistance et non pas de terroristes.

Les autres partis de gauche, eux, n’ont pas tremblé et ont immédiatement apporté leur soutien à Israël contre l’organisation terroriste. Lundi dernier, enfin, Jean-Luc Mélenchon a acté dans une note de blog intitulée « Tuer le père » la fin de la NUPES. Il dit ne pas être surpris, qu’il le savait. Il y a trop de différence entre la gauche anticapitaliste, révolutionnaire, aux méthodes trotskistes et la gauche réformiste, trop peu sociale et écologiste pour Mélenchon qui s’en moque. De toute façon, cette rupture tombe bien pour tout le monde. D’un côté les Insoumis vont pouvoir continuer à se prétendre les seuls capables de changer la société et le monde ; de l’autre, les socialistes et les écologistes vont jouer la gauche de gouvernement, rationnelle, qui ne fait pas peur et est capable de gouverner.

L’union n’a pas tenu, mais elle a existé. Peut-être que cela donnera des idées à une droite qui pense pareil sur beaucoup de sujets, mais se refuse à s’unir pour préserver jalousement ses positions.

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  • La NUPES n’existe que parce que chaque parti qui la compose a vendu son âme à Mélenchon pour une poignée de postes de député. Les outrances et délires de Mélenchon deviennent tels qu’ils mettent en péril la réélection de ces poignées de député. Alors, sauve qui peut. Mais l’idéologie staliniste reste dans le coeur de chacun. Dès que Mélenchon aura fait le job, c’est à dire que ses outrances seront acceptées par les gueux, L’Union reviendra comme au paravent et encore plus solide. Ha, Maduro, Castro, que n’êtes vous pas au commande de la France : quelle tristesse.

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