Incidents suite aux hommages à Dominique Bernard : sanctionner, et après ?

Pour Jonathan Frickert, les 357 incidents relevés lors de l’hommage rendu à Dominique Bernard sont le signe d’une fracture sociale et culturelle plus profonde.

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Source : wikimedia

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Incidents suite aux hommages à Dominique Bernard : sanctionner, et après ?

Publié le 28 octobre 2023
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Si la France est connue pour être un pays de manifestations violentes, depuis plusieurs années l’émergence de l’expression « pas de vagues », en particulier dans l’Éducation nationale, interroge sur les véritables intentions de ses locuteurs.

Témoin d’une explosion des tensions communautaires, la France connaît depuis plusieurs années un climat social exacerbé, aussi bien sur le plan économique que culturel.

Explicitement rejeté devant l’Assemblée nationale le 17 octobre dernier par le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal lors d’une séance de questions au gouvernement où il fit l’objet de dix interpellations relatives à l’attaque terroriste d’Arras qui a coûté la vie d’un professeur de français, le « pas de vague » revient sur le devant de la scène.

Cependant, au-delà des mesures répressives, les 357 incidents recensés par le ministère de l’Éducation nationale interrogent sur la nécessité d’attaquer les causes profondes des tensions qui traversent l’Hexagone.

 

357 incidents

Fraîchement nommé ministre de l’Éducation nationale en juillet dernier, le jeune Gabriel Attal n’a pas mâché ses mots lors de la séance de questions au gouvernement qui se déroulait le mardi 17 octobre dernier à l’Assemblée nationale.

Après une minute de silence en hommage au professeur Dominique Bernard, assassiné le vendredi précédent, celui que beaucoup voient comme un dauphin du président de la République a prononcé des mots que beaucoup espéraient voir traduit en actes depuis bientôt 30 ans :

« Le pas de vagues, c’est fini ! ».

L’origine de ce ton martial réside dans les 179 incidents remontés aux services du ministère de l’Éducation nationale au lendemain de la minute de silence. Ce nombre, qui est passé à 357 dès le lendemain, du fait du délai de comptabilisation administrative, représente autant de perturbations, de provocations, voire d’insultes à la mémoire du professeur de 57 ans tué par Mohammed Mogouchkov, un jeune tchétchène de 20 ans radicalisé, et dont la famille est bien connue des services de police.

Parmi ces 357 cas, une dizaine relèverait ouvertement de l’apologie de terrorisme.

Une semaine après les événements, le ministère a comptabilisé 183 exclusions d’élèves qui ne feront donc pas leur rentrée le 6 novembre prochain.

Si ce nombre correspond à moins de la moitié des 793 incidents ayant été recensés lors de l’hommage à Samuel Paty, il y a presque trois ans jour pour jour, la consigne a été donnée par Gabriel Attal, dès le lendemain de l’attentat, de signaler systématiquement tout incident.

Dans la majorité des cas, ces perturbations relèvent de simples manques de respect et de maturité. Cependant, un certain nombre évoque des relativisations de la mort de l’enseignant, l’évocation de la cause palestinienne, voire tout simplement de l’apologie de terrorisme ou des menaces de mort.

Le 18 octobre, Gabriel Attal a évoqué 179 saisines du procureur de la République visant directement les fauteurs de troubles.

Les élèves concernés risquent jusqu’à deux ans et demi de prison pour les mineurs et cinq ans pour les majeurs en cas d’apologie de terrorisme.

 

Mila agressée

Toujours dans le cadre de l’hommage national à la mort de Dominique Bernard, la jeune Mila, connue pour avoir été harcelée en 2020 pour des propos critiquant la religion musulmane, aurait été violemment prise à partie lors de l’hommage lyonnais par un cadre de la Jeune Garde, groupuscule d’extrême gauche connu pour avoir abrité en son sein Hamma Alhousseini, condamné en 2020 pour agression, soutien du groupe terroriste djihadiste Boko Haram, ou encore d’agressions envers des personnalités politiques d’extrême droite, voire de féministes antifascistes.

Plus récemment encore, ce dimanche soir, dans un TGV, un homme portant une kippa a été menacé. Un acte parmi les 588 recensés par le ministère de l’Intérieur depuis les attaques du Hamas sur Israël au début du mois, et après une année 2022 qui a vu le nombre d’actes antisémites baisser, selon le Crif.

 

Une explosion des atteintes à la laïcité

Ce climat délétère, accentué par les événements au Proche-Orient, en dit malheureusement beaucoup sur les fractures françaises.

Selon une note des services de l’État que nos confrères d’Europe 1 se sont procurés fin août, depuis l’assassinat de Samuel Paty, en octobre 2020, le nombre d’atteintes à la laïcité signalées dans les écoles n’a cessé d’exploser.

Toujours selon le ministère, cette situation serait le fruit de trois facteurs :

  1. Augmentation du fait religieux dans la jeunesse
  2. Vision anglo-saxonne de la laïcité
  3. Importance du facteur communautaire

 

L’échec du traitement répressif

Depuis bientôt deux semaines, qu’il s’agisse des commentaires de certains articles ou des politiques eux-mêmes, nous assistons à l’ouverture du concours Lépine des mesures répressives, comme si la solution se trouvait dans un traitement symptomatique de cette fracture, et non dans une thérapie de fond.

Depuis bientôt 20 ans, à coup d’interdiction de signes religieux (voile, burka, abaya…) et de répression de discours de haine, le législateur a été incapable d’enrayer la montée de l’islamisme. Cette pensée se nourrit de la misère économique, de la victimisation et d’une complaisance de certains politiques qui voient dans ses partisans une manne électorale.

 

La victoire de la pensée de groupe

Ce phénomène s’appuie sur une pensée holiste, réduisant l’individu à ses groupes d’appartenance. Si la présence de cette pensée est particulièrement évidente dans la mécanique électoraliste, elle l’est tout autant dans la montée de l’islamisme et des doctrines wokes qui s’appuient sur elle.

En effet, la montée du discours communautaire, voire islamiste, permet à un jeune né en banlieue parisienne de parents français de se sentir solidaire du peuple palestinien vivant à plus de 3000 km de là et dont il ne connaît rien, parce qu’ils ont la même religion, même si leur pratique est sans doute bien différente.

Cette même mécanique l’empêche, a contrario, de ressentir de la solidarité avec un professeur tué à moins de 200 km de là, et avec qui il partage sans doute davantage de marqueurs culturels.

 

Une guerre civile froide

Les incidents liés à l’apologie du terrorisme et les atteintes à la laïcité en France soulèvent des inquiétudes. Les réponses répressives actuelles sont loin d’être suffisantes si on ne s’attaque pas aux causes sous-jacentes.

Ne nous cachons pas derrière nos petits doigts : la France vit aujourd’hui, et depuis plusieurs années, une guerre civile froide. Plusieurs catégories de Français se font face et se fuient mutuellement. Cette guerre n’est pas ouverte, mais culturelle et idéologique, à la manière du conflit ayant opposé les États-Unis à l’URSS entre 1945 et 1990.

Comme elle, la branche victorieuse sera celle montrant sa supériorité morale : le repli communautaire et la division de la société par catégories ethniques, religieuses ou sexuelles ; ou le vivre ensemble et l’universalisme marquant la primauté de l’individu au sein du corps social.

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  • Bla bla . Il ne sert à rien de gloser car : beaucoup nient l étendue problème , encore moins sont prêts à faire ce qu’il faut (travail immense se sécurité publique) , et l’Etat de toutes les façons s’est lié les mains en se défaisant de sa souveraineté pour ne rien pouvoir faire (on ne peut même pas virer les étrangers contrevenants , à ce niveau de déliquescence , que dire …. ) . Alors nous continuerons à plonger dans le terrorisme . La seule question réside dans la jeunesse : aura t elle l’énergie de se battre contre le nouveau modèle importé , ou se soumettra t elle car elle se sera choisi les nouveaux maîtres , lassée de la veulerie gluante des anciens ?

    • Tant que nous aurons des musulmans sur le sol français cette situation perdurera et s’aggravera ces gens-là ne conçoivent pas la différence ce n’est pas écrit dans le coran. bien au contraire ils finiront par nous agresser pour tenter de prendre le contrôle du pays qu’ils considèrent déjà comme une terre d’islam, c’est à dire à eux, leur appartenant.
      Regardez ce qui s’est passé en Serbie avec les kosovars, regardez ce qui s’est passé au Liban, regardez ce qui s’est passé en Égypte avec les coptes… Les libéraux feraient bien d’ouvrir les yeux…
      Et le seul que je trouve lucide sur le sujet, mais c’est parce qu’il a lu l’histoire de france, c’est Eric Zemmour.

  • Je croyais que la kippa ne devait se porter qu’à la synagogue. Mais peut-être que je me trompe…?

    -4
    • Bien observé !

      -4
    • Pas obligatoirement. C’est plutôt rare en France. Mais si vous regardez les images d’Israël, elles ne manquent pas ces jours-ci, vous verrez beaucoup d’hommes la porter.
      J’ajoute que, dans notre pays, aucune disposition légale n’interdit le port d’un signe religieux sur la voie publique, dans les transports, les commerces, etc.

      • Je sais bien que le port des signes religieux n’est pas interdit dans l’espace public. Et quelque part ils font ce qu’ils veulent ça ne me dérange pas. Mais à partir du moment où, dans la religion, c’est un artifice qui ne devrait être porté qu’à la synagogue ça devient un instrument de différence. Ce n’est pas la même chose que de porter une croix de David autour du cou qu’une kippa. Après ça va devenir comme le voile pour les musulmanes. Il y en a certaines qui le portent par obligation familiale, d’autres par conviction et certaines purement pour la provocation.

        • Dans la religion, c’est un signe obligatoire à la synagogue et facultatif (mais recommandé à qui veut afficher sa piété) en dehors. La différence avec l’étoile de David autour du cou est, à ce que j’ai compris auprès de mes amis juifs, que l’étoile de David indique une appartenance et la kippa une foi.

        • Dans la religion, c’est un signe obligatoire à la synag0gue et facultatif (mais recommandé à qui veut afficher sa plété) en dehors. La différence avec l’étoile de Davld autour du cou est, à ce que j’ai compris auprès de mes amis julfs, que l’étoile de Davld indique une appartenance et la klppa une f0i.

          • J’ajoute, pour ce qu’elle vaut, la remarque qui m’avait frappé d’un de ces amis : les catholiques sont en grande majorité des croyants non-pratiquants, les julfs sont eux majoritairement des pratiquants non-croyants…

          • La kippa en public 🟰 la foi.
            Permettez moi de douter, c’est beaucoup plus une marque d’appartenance à une communauté.
            Et après c’est comme pour le voile, est-ce que c’est librement consenti ou est-ce que ça correspond à une pression de la communauté. Pour le voile, comme ce sont des femmes, on dit qu’elles n’ont pas le choix. Par contre pour la kippa comme ce sont des hommes, ils sont libres de faire ce qu’ils veulent…..

  • l’education nationale pour ne pas entrer en opposition avec les souhaits légitimes des parents concernant l’education des enfants demande un vaste consensus sur un jeu de valeurs.

    il est rigolo que l’éducation n nationale en arrive à surtout ne pas éduquer ce qui fait la citoyenneté pour ne pas lettre en avant l’echec de sa mission…
    non…la citoyenneté va de pair avec un sens commun de ‘lintolérable..et de tolérer le reste…
    au lieu de ça…

  • Ma question est peut-être stupide, mais n’étant pas enseignant…
    Pourquoi obliger les élèves à participer aux minutes de silence et leur donner ainsi l’occasion de les perturber ? Que ne dirait-on pas si on les trainait à l’église ?
    Quitte, ensuite, à inviter ceux qui seront restés à l’écart à expliquer leurs motivations et prendre les mesures en conséquence.

    • @xc je suis d’accord avec vous . Il serait bien plus efficace de sanctionner tout écart de conduite (de tout ordre) que d’exiger une minute de silence dont on sait qu’elle ne sera pas respectée par certains . C’est contre productif , c’est mettre en lumière son échec ,cela permet même à ces contrevenants de compter leur troupes , de faire montre publiquement d’opposition à bon compte (qu’est ce qu’une exclusion pour eux ?: rien ) . En équitation on apprend à ne jamais jamais demander ce que l’on ne peut obtenir, sinon c’est enseigner la désobéissance .

    • La minute de silence n’est peut-être pas un geste approprié pour des enfants. Nos grands-parents à l’école répondaient « Mort pour la France » à la place des absents lors de l’appel aux morts le 11 novembre, une reconnaissance bien plus facile à expliquer à un gamin que la minute de silence. Un « Lâchement assassiné » aurait aussi bien pu faire l’affaire pour les déportés, par exemple, ou pour les professeurs aujourd’hui. Mais il est vrai qu’alors, on ne concevait pas d’ignorer ses dettes de gratitude…

  • Il n’y a qu’une seule raison à ces débordement : l’impunité totale des auteurs et de ses parents. Car il ne s’agit là que d’éducation des parents.
    La première loi à édicter serait celle qui consiste à expulser immédiatement de France la famille qui ne respecte pas les lois de la laïcité, avec déchéance de sa seconde nationalité française s’il y a lieu.
    Dans le cas où la famille n’aurait que la nationalité française (ce qui est extrêmement rare puisque la nationalité d’origine se transmet de façon héréditaire), stage obligatoire de citoyenneté pour la famille entière pendant 5 semaines consécutives (prises sur les vacances des parents). Sinon, prison immédiate en cas de récidive.

    • On va retomber sur le manque de places dans les centres de rétention français. La première loi doit frapper au portefeuille : suspension immédiate de tout aide ou droit à aide à la famille, suppression définitive en cas de récidive.

      • @Michel ce argument de « manque de place dans les centres de rétentions » est débile . Et le plus drôle est que chacun le répète comme un mantra comme si c’était une vérité divine indépassable . Nous sommes encore la 9e puissance économique mondiale , pensez vous que construire des places de rétention soit un problème ? Dans le même temps on fait sortir du sol un village olympique . On ferait un grand pas à ne pas répéter des fausses vérités martelées du soir au matin par les médias qui nous endorment. non ?

        • Bien sûr, mais même pour un malheureux entrepôt, il faut dix ans de démarches avant de le construire. La loi, il faut quelques semaines, et en plus elle ne coûte marginalement rien, au contraire, elle rapporterait.

    • si ils s’agit de français, expulser où?

      mais une société bannit en effet ses membres.. indésirables..

      je plaide pour une serment sur la Déclaration.. pour acquérir la nationalité.. et aussi à la majorité..

      et à ce moment.. te;.

      -1
      • Surtout, il faudrait abandonner le droit du sol comme manière d’obtenir la nationalité française. Ça commencerait par mettre un bon coup de frein à l’obtention de la nationalité française qui ressemble de plus en plus à une serpillière sur laquelle on s’essuie les pieds.

        • euh…trop tard..

          et justement on, les mauvais migrants ou nationalisés automatiquement ne crachent pas sur la nationalité française..
          mais les valeurs…qui vont supposément avec…

          les valeurs!!!!

          • Mélenchon est AUSSI toxique!!!! il se dit républicain!!!!

            la vraie corruption est ailleurs…
            avoir la citoyenneté devrait impliquer d’admettre certaines valeurs..

  • A propos des jeunes Français qui se sentent solidaires du peuple palestinien, il n’est pas nécessaire d’être musulman pour penser que les responsables politiques israéliens et certains extrémistes ne font pas grand-chose pour des relations apaisées avec les Palestiniens.
    J’ajoute qu’il y a des Juifs de familles françaises depuis de nombreuses générations qui se sentent solidaires des Israéliens. Pourquoi reprocher aux uns ce qu’on ne reproche pas aux autres ?

    -2
    • Pour faire la paix il faut être deux, pour faire la guerre il suffit d’un. Et force est de constater que des deux côtés, il y en a qui pensent pouvoir l’emporter sans avoir à négocier, donc ne veulent surtout pas de négociations. Les modérés des deux côtés ont fait les frais de cette recherche de pureté des radicaux, faisant comme victime collatérale la solution des deux États qu’Arafat avait pourtant en proposition de la part des Israéliens il y a quelques décennies…

      C’est un peu facile, voire complètement hémiplégique, de ne voir que la responsabilité d’un des deux bords, alors que c’est la responsabilité avant tout des radicaux de chaque côté

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