Brève histoire du XXIe siècle : état et trajectoire des puissances mondiales

L’Europe s’enlise, la Chine stagne, mais l’Amérique reste tenace. Qui façonne vraiment l’avenir du XXIe siècle ?

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Brève histoire du XXIe siècle : état et trajectoire des puissances mondiales

Publié le 9 octobre 2023
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Il est bien sûr présomptueux, presque risible, de prétendre rédiger l’histoire du XXIe siècle alors que nous sommes en 2023.

Pourtant, des tendances structurelles nettes se dégagent, et même s’il est impossible de prédire les prochains « cygnes noirs » — événements radicalement imprévisibles aux conséquences considérables (Taleb) — ces tendances sont si bien installées qu’il sera malaisé de s’en écarter.

J’en distingue quatre.

 

La stagnation de l’Europe

La première est la stagnation de l’Europe.

Depuis 2000, l’Europe décroche sur tous les plans. Croissance anémique, dénatalité fulgurante, désinvestissement militaire — dont des pays tels la Belgique et l’Allemagne ne sont toujours pas sortis — et sans doute le plus préoccupant : selon tous les classements internationaux, et tous les critères (brevets, investissement en capital, géants boursiers de type GAFA), l’Europe a cessé d’innover.

On innove aux USA, on innove encore en Asie, mais presque plus du tout en Europe. Si vous ajoutez à ce qui précède l’obsession écologiste de l’Union européenne, qui n’est plus guère qu’une machinerie à imposer des contraintes, vexations, punitions et taxes au nom de la transition énergétique, vous comprenez que la stagnation est un horizon dont l’Europe aura les pires difficultés à s’affranchir.

Or, l’histoire en témoigne : la stagnation n’est jamais qu’un état intermédiaire. Dans la durée, la stagnation est presque toujours l’antichambre, le prélude à la régression.

 

Le XXIe siècle sera chinois… vraiment ?

Les fines lames de la pensée abstraite, qui ont ceci de spécifique qu’elles se trompent à peu près tout le temps, sur tous les sujets — c’est la passion de l’erreur ! — toujours en faisant de grandes phrases, nous annoncent depuis cinquante ans que le XXIe siècle sera chinois. « Quand la Chine s’éveillera », on allait voir ce qu’on allait voir, sortez vos Assimil de chinois, ils arrivent.

On a vu. La Chine stagne.

En réalité, la Chine est prise dans les rets d’une crise à tous les niveaux dont elle aura les pires difficultés à se dépêtrer. Stagnation économique, effondrement démographique, taux de chômage des jeunes Chinois à 25 %, effondrement boursier, destruction de la place financière de Hong Kong, isolation monétaire — dire qu’on présidait le remplacement du dollar par le yuan ! — isolation géopolitique grandissante. La Chine parle fort sur Taïwan, mais elle n’a pas les moyens d’un conflit militaire d’envergure avec les États-Unis, ses alliés locaux et ses petits alliés de l’OTAN.

Surtout, le régime chinois, qui est une impitoyable dictature, dans laquelle on ne démissionne pas, mais on disparaît, ne possède pas les ressources institutionnelles d’une réforme pacifique. Xi décide, il décide seul, tel un dieu parmi les hommes (Aristote), et malheureusement pour les Chinois, il paraît à peu près aussi éclairé et ouvert à la critique qu’Hitler dans son bunker.

 

Les BRICs s’enrichissent, mais n’incarnent pas l’avenir

Et puis, il y a le reste du monde, ce qu’on appelait au XXe siècle le tiers-monde.

Alors, par comparaison avec le siècle précédent, le tiers-monde va bien, il va même considérablement mieux, car il s’est fortement enrichi, par le moyen de l’économie de marché et de l’ouverture au capitalisme international (à défaut de s’être fort ouvert sur le plan politique national).

Des experts nous expliquent que les BRICs incarnent l’avenir, comme ils nous expliquaient hier que le XXIe siècle serait chinois. Le problème est que les deux composantes majeures des BRICs — Chine et Inde — sont en situation de guerre à leur frontière, qu’il existe bien davantage de motifs qui divisent les BRICs que de causes de les réunir, et qu’une organisation ne décide jamais que selon le principe du plus petit commun dénominateur commun. Qui, dans le cas des BRICs, est proche de zéro.

Les BRICs s’enrichissent, des milliards de personnes sortent de la pauvreté, et l’on s’en réjouit. Mais l’idée que les BRICs dessineront le XXIe siècle ne résiste pas à l’analyse.

 

Une Amérique malade mais puissante

Reste l’ineffable système américain, qui joue constamment avec ses propres limites, qui s’apprête à désigner comme président, soit un homme à moitié fou, ivre de lui-même, soit un vieillard cacochyme immergé jusqu’aux yeux dans les pactes de corruption multiples de son brillant sujet de fils, Hunter (qui entrera dans l’histoire, à l’instar des enfants dégénérés des empereurs romains).

Le choix n’est guère reluisant.

Oh, et les problèmes des États-Unis sont innombrables, telle l’immigration, aussi anarchique là-bas qu’elle l’est chez nous. La haine et les clivages politiques sont tels qu’il y aura, immanquablement, des épisodes de violence. À New York, des gens crèvent en pleine rue, et à tous les coins de rue ; à San Francisco, Los Angeles, c’est tout pareil, résultat de cent politiques aberrantes des Démocrates. Oui, à maints égards, l’Amérique est malade.

Mais elle est aussi prospère, plus prospère qu’elle ne l’a jamais été, formidablement novatrice, à la tête de la plus éblouissante concentration militaire jamais rassemblée sur la surface de la Terre, et structurellement capable de mieux gérer les crises économiques et financières que ne le sont ses concurrents.

Pourquoi ? Par le simple motif de la flexibilité : aux USA, on engage et on licencie sans motif, avec un préavis de quelques jours. Dès qu’une entreprise se développe, elle embauche massivement car elle sait qu’en cas de coup dur, elle pourra licencier tout aussi rapidement. Une entreprise n’est jamais qu’une entité économique rationnelle.

S’il y avait un seul élément du système américain que nous devrions reproduire en Europe, c’est cette flexibilité du marché du travail.

Cela n’arrivera jamais ? Non, bien sûr, cela n’arrivera pas. Et c’est pour cela que l’Europe continuera à stagner, tandis que l’Amérique ouvre the way of the future.

Si l’on s’en tient aux faits, le XXIe sera plus américain qu’aucune alternative actuellement concevable.

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  • Bof ! Dans un système dynamique on est toujours dans un état intermédiaire. C’est alors valable pour la Chine, les BRICs et l’Amérique. L’avenir ??
    La seul fait important que je constate, c’est que l’Humanité est presque sortie de son morcellement initiale, et se retrouve plus équilibrée que jamais dans le sens ou les quatre coins du monde sont interconnectés et inscrit dans une même modernité bien que des écarts subsistent.
    Si je vois une tendance c’est la poursuite de ce mouvement d’universalisation (et non uniformisation), ce qui exclut la possibilité d’une domination mondiale totale par une entité. Cela ne signifie pas non plus la suppression des divisions, mais nous aurions plutôt un truc du genre tectonique des plaques.

  • Même si c’est une mesure bien imparfaite, il conviendrait de regarder les évolutions récentes des PIB PPA par habitant. A vue de nez, la stagnation de l’Europe est en effet proche de la dégringolade, celle de la Chine est loin d’être actée (tout dépend de comment elle se sort de son problème immobilier), les USA sont bien proches de la stagnation aussi, ça ne s’y passe plus comme il y a 30 ans, etc. L’article ressemble un peu à du wishful thinking…

    • Meilleure réponse à mon avis à des problèmes intriqués et complexes. Quant à l’Europe, vieille loque… et bien j’y crois pas (et les problèmes actuels de l’Allemagne n’en sont qu’une confirmation par l’absurde).

  • Les nations les plus prospères ont été, sont et seront celles fondées sur le capitalisme et le libéralisme.
    Les plus puissantes celles fondées sur la force militaire.
    « Bougez pas. Les mains sur la table. J’vous préviens qu’on a la puissance de feu d’un croiseur et des flingues de concours. »
    (Les tontons flingueurs)

    • Vos critères vont dans le sens de l’opinion de Mr Godefridi. Mais il y manque le facteur humain. Un vice-président de la NASA avait dit il y a 50 ans : ce que nous avons fait, nos enfants seraient incapables de le faire.

  • Je ne sais plus qui a dit, à peu près, « prévoir l’avenir est difficile, surtout quand il n’est pas encore arrivé … ». Il y a des éléments bien réels dans les raisonnements de Monsieur Godefridi, et on pourrait souscrire à sa vision, mais il y a aussi bien des éléments qui manquent, notamment au point de vue civilisationnel, et qui ne sont guère réjouissants, comme par ex. l’évolution des « zélites » occidentales et organismes internationaux (UE, ONU …) vers toujours plus de suppression de la liberté d’expression, dans ces mêmes pays la sape insidieuse pratiquée par les « intellectuels » majoritairement de gauche acquis au « wokisme » aboutissant à désespérer les jeunes, l’obscurantisme congénital et meurtrier des pays islamiques, la carence générale des gouvernants au pouvoir dans les pays africains et sud-américains (d’où la fuite massive de leur population vers des parties du monde encore « civilisées ») …
    Deux détails dans le texte : Trump est sans doute « ivre de lui-même », mais certainement pas fou même à demi ; on ne dit pas « le plus petit commun dénominateur commun », mais « le plus grand dénominateur commun » tout en soulignant que ce dernier est très petit.

  • Une question pour moi est de savoir quelle est la part de responsabilité idéologique de l’europe dans sa « dégringolade »..

    Il n’y pas de mal à être moins prospère ou riche si on renonce volontairement et de façon réfléchie à la richesse ou parce qu’on souhaite atteindre un objectif qui coute.. C’est autre chose si on le fait de façon hypocrite et que la dénonciation de la richesse…est un prétexte pour prendre celle des autres..

    Alors si on prétend renoncer aux fossiles au nucléaire et restaurer les écosystème primaires de leurope..si on y croit vraiment..ne me parlez pas de pib..ne me parlez même pas de natalité…

    rappelons que l’echelle du libéral est plutôt la liberté de choix , un homme ne se mesure pas à sa richesse, et un pays non plus..

    sauf que…la capacité à preserver sa liberté de choix n’est pas gratuite…

    quand on croit des absurdités…quand pour dissimuler la réalité on utilise de plus en plus de mots vides de sens..
    la croissance verte, l’énergie vert, la voiture propre, donc..économie circulaire ..le commerce équitable, éthique écoresponsable..

    ça ça m’ennuie plus que la place de l’europe dans le monde..

  • Je voudrais faire remarquer que les prévisions sur la Chine se basaient surement sur l’ouverture chinoise des années 80-90. On s’était alors persuadé que le régime allait se libéraliser. Cela s’est arrêté.
    L’Europe est en déclin relatif depuis une centaine d’années (à partir de la 1ère guerre mondiale), les libertés reculent et le déclin démographique scelle son avenir. C’est la seule région à mon avis où on peut faire une prédiction correcte.
    Pour la Chine, tout dépend de l’évolution du régime. C’est totalement imprédictible, mais c’est sûr qu’actuellement ça a l’air mal parti. Et les « BRICS » ne sont qu’un ramassis de pays qui n’ont rien en commun à part le rejet du G7, de l’Amérique etc..
    Les Etats unis restent le grand pays le plus libre du monde, ainsi ils continuent de croitre. Et les perspectives démographiques sont correctes. A court terme, cela va se poursuivre. Mais on parle du XXI ième siècle…
    Prédire l’avenir? Pour les démocraties, c’est un déclin pour l’Europe, et les US, probablement un déclin relatif. Pour les autres, tout dépend de l’évolution des régimes politiques, notamment autoritaires, qui sont imprévisibles. Puis aussi prédire l’évolution des mentalités, de générations pas encore nées. La chute de l’URSS n’a pas changé les mentalités, et les pays de l’ex URSS restent anti libéraux pour la plupart.
    De façon générale, le monde est de moins en moins libre depuis le début du XXI ième siècle. Les perspectives générales sont donc mauvaises.

    • Il ne faut pas confondre les pays et leurs gouvernements. La Russie aujourd’hui est bien plus un pays de libre entreprise avec sa flat tax à 13% que la France. C’est même quasiment au niveau du citoyen lambda un paradis libéral ! Même la Chine n’atteint pas, et de loin, notre niveau de complexité administrative.

      • La Russie est classée 125e sur 176 pays classés dans l’indice de liberté économique de la Heritage Foundation. On est très très loin d’un pays de libre entreprise ! C’est quasiment le pire de la région Europe (43e sur 44 pays).
        Alors c’est sûr qu’en matière de fiscalité, pour un Français, ça ressemble à un Paradis (en même temps quel pays dans le monde est pire que la France sur ce point ?…)
        Mais la liberté économique ne se limite pas à la fiscalité ; et sur tous les autres points la Russie est une catastrophe.

      • Je suis au courant de cette flat tax à 13%. Pourtant, malgré cela, il n’y a pas tant d’investissement étrangers en Russie (même avant la guerre). Il y a peu d’industries (autre que l’extraction de ressources).
        Comparons avec Singapour où pendant longtemps il n’y avait pas beaucoup de libertés politiques, mais beaucoup de libertés économiques. Il me semble que le pays a progressé bien plus vite.
        Si un connaisseur de la Russie pouvait nous l’expliquer, ce serait intéressant. Mais je pense que la liberté économique ne doit pas se résumer aux 13%, il y a probablement d’autres blocages majeurs.

        • Bien sûr, il y a certainement des difficultés, mais il y en a en France bien plus qu’on ne veut bien le dire. Essayez donc, en France, de créer une entreprise qui soit dans l’esprit pionnier plutôt que la bien-pensance écolo, de lui trouver un terrain, de la rendre conforme aux normes, etc.
          Et l’industrie représente 32% du PIB russe, 17% du PIB français. Alors si c’est peu en Russie, c’est quoi en France ?

    • BEAUCOUP de chinois ont changé..vers sans doute des idées vaguement libérales…
      mais le régime lui… ne veut pas du libéralisme…

      Certains croyaient que le régime allait devoir se libéraliser donc la dictature communiste disparaitre de fait.., il a pris l’option nationalisme, du mois de ce que je comprends..

      mais ça prouve qu’il a peur..de son peuple donc…en effet devenir prospère change lespeuples..

  • « Les fines lames de la pensée abstraite, qui ont ceci de spécifique qu’elles se trompent à peu près tout le temps, sur tous les sujets — c’est la passion de l’erreur ! — toujours en faisant de grandes phrases… » : évidemment, M. Drieu Godefridi, vous ne vous compter pas parmi ces « fines lames » qui ne trouvent pas grâce à vos yeux ?! Vous avez oublié, par pur hasard évidemment, ou en vertu des principes « pas de vague » et « pas d’amalgame » de citer parmi les causes du « grand décrochage » de l’UE l’amour inconditionnel que ce « machin » (que le général de Gaulle n’avait pas imaginé être tel qu’il est actuellement) a pour l’immigration massive et incontrôlée de personnes qui ne lui apportent rien du tout (bien au contraire, elles lui prennent tout sans contrepartie !) et l’islam conquérant qui s’installe chez elle à grands bruits ces dernier temps sans rien lui apporter de positif dans le « panier d’amour et de mariage » mais quelque chose de négatif : son bras armé l’islamisme. Quant aux USA, dans l’état où se trouvent leur économie il est cocasse et irraisonnable de dire (ou alors sans le penser vraiment) qu’ils ouvrent the way of the future. De quel « futur » s’agit-il ?

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