Débloquer les prix : l’arme anti-inflation de Bruno Le Maire

Bruno Le Maire multiplie les mesures pour lutter contre l’inflation. Mais ces cadeaux destinés à protéger le pouvoir d’achat des Français ne sont pas dénués d’effets pervers…

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Débloquer les prix : l’arme anti-inflation de Bruno Le Maire

Publié le 20 septembre 2023
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Un  article de La Nouvelle Lettre

 

Il fallait y penser : pour lutter contre l’inflation, il suffit de faire baisser les prix !

Cette innovation française marque un tournant qui semble historique, mais qui est au contraire dans la grande tradition française : sous l’Ancien Régime avec Philipe le Bel et les rois faux monnayeurs1, et dès la première République avec Robespierre qui fixe les prix « minimum ».

Bruno Le Maire débloque.

En effet, les prix français avaient une qualité utile en cas d’inflation : ils ne pouvaient pas facilement baisser. Il fallait donc les débloquer, et autoriser leur baisse, fût-elle de nature à permettre au producteur de vendre à perte.

Bruno Le Maire a mis ce matin les choses à l’heure de l’inflation.

À partir du 1er décembre, et pendant six mois, les carburants pourront être vendus à perte. Tous les vrais et braves économistes français savent, d’une part que la concurrence est parfaite quand personne n’a le droit d’être différent des autres ; d’autre part, que les prix ne peuvent être fixés par le marché, qui est aveugle et injuste : sa myopie tranche avec la vue à long terme de la classe politique (« gouverner c’est prévoir »).

Une autre disposition est également prévue, mais cette fois pour le prix de l’électricité.

Ici, le ministre contredit ouvertement madame Wargon, présidente de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE)2: non, le prix de l’électricité n’augmentera pas de plus de 10 %, et il est confirmé que le bouclier tarifaire est bien maintenu en 2024, même s’il en a coûté entre 31 et 35 milliards d’euros au budget de l’État pendant l’hiver 2023, et même s’il est question de le réduire progressivement à partir de l’an prochain.

Enfin, mais ce n’est pas nouveau, les prix de 5000 produits alimentaires sont bloqués actuellement. Cette mesure a été imposée aux grandes surfaces, mais aussi, après une rencontre imposée par l’État, entre producteurs et distributeurs pour limiter les marges des uns et des autres. De plus, il est prévu que  contrôles et informations seront généralisés pour vérifier que le respect de la réglementation des prix de ces produits ne soit pas accompagné de baisse dans le poids ou la qualité des produits concernés.

Bruno Le Maire a d’ailleurs conclu son interview par une allusion à la disparition des superprofits réalisés, non seulement par les grandes compagnies pétrolières, mais aussi par tous ceux qui ont tiré avantage de l’inflation. Les entreprises privées, les commerçants et artisans doivent « faire un effort de solidarité » et participer à la défense du pouvoir d’achat des Français. Voilà bien de la justice sociale, enfin.

Malheureusement, il se trouve toujours quelques corporations qui ne se plient pas aux impératifs de l’intérêt général.

Robert Gantois, président de l’UFIP (Union Française des Industries Pétrolières) réfute la réputation de grosses marges faites par les distributeurs de pétrole : au maximum un centime sur le litre de carburant.

Mais, dans la même veine, Francis Pousse, président de la branche distributeurs de carburants du syndicat Mobilians, estime que la vente à perte est intolérable pour les petites stations- service, dont la marge est déjà très proche de un euro, et qui seraient délaissées au profit des grandes surfaces qui peuvent se permettre de perdre sur le carburant en se rattrapant sur les achats des automobilistes : les faillites de petites stations, surtout en campagne, seraient massives. Il demande donc à l’État de compenser par des aides les dégâts économiques de la vente à perte. La boucle est bouclée. L’État tue les entreprises, puis fait tout pour les sauver.

Dans ces conditions, ne serait-il pas opportun de donner une leçon d’économie à madame Borne et monsieur Le Maire, mais aussi aux pseudo-économistes qui forgent actuellement la pensée unique française ?

Voici quelques acquis incontestables de la vraie science économique :

  1. L’inflation est, toujours et partout, un phénomène monétaire. Les banques centrales, entre les mains des États, fabriquent en permanence de la fausse monnaie
  2. La fausse monnaie, distribuée notamment à travers les dépenses publiques, a pour effets de distribuer des faux droits (Jacques Rueff) puisque des gens qui ne produisent rien vivent de subventions et allocations ; de financer des investissements non rentables et de renchérir artificiellement le coût du crédit (Hayek) ; et de fausser les prix et profits relatifs, informations indispensables au marché (Mises).
  3. La concurrence dite parfaite n’est pas l’égalité entre producteurs, mais au contraire la diversité des offres : on devra s’aligner sur ceux qui font la meilleure offre parce qu’ils auront compris les besoins à satisfaire le mieux possible.
  4. Le marché est parfaitement capable de régler l’énergie, sous forme de carburant, électricité ou autre. Mais il est faussé par le cartel des États pétroliers (OPEP), la réglementation européenne, et les impôts prélevés au moment de la vente finale de l’énergie.
  5. Quand l’inflation gonfle tous les prix, les impôts sur la consommation de tous produits sont automatiquement augmentés : c’est ce qu’on appelle « l’impôt d’inflation ». Ainsi en est-il pour la TIPP et la TVA. Les plus atteints, en fonction de leurs revenus, sont les ménages les plus démunis (et pour le carburant, ceux qui roulent le plus – pour leur plaisir sans doute !)

 

Sur le web

  1. À l’époque, il existe une monnaie de compte (le denier, la livre, etc.) et une monnaie de paiement (une pièce métallique : un écu ou un louis). Il suffit au roi de déclarer qu’un écu qui permettait auparavant de se payer une livre de farine vaut désormais deux fois plus, de sorte que le prix de la farine est divisé par deux. Plus tard, on appellera cela une dévaluation !
  2. Ancienne ministre, elle a été battue aux élections législatives, mais on a pu lui trouver très vite un poste à la hauteur de sa compétence. Cette énarque est la fille de Lionel Stoléru, qui avait fini par critiquer la planification française, et se rapprocher des industriels libéraux.
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  • SI ce n’etait que de la redistribution cachée, passe encore , mais en plus on fait ça crédit..

    je persiste à croire que la promotion de la sobriété est une façon de préparer les gosses à ce qui les attend..

  • Zemmour l’a encore dit hier sur LCI : il vaut bien mieux baisser charges et impôts sur les particuliers et les entreprises que distribuer des chèques, et laisser les gens gérer. Mais non, ce n’est pas ce qui est fait, et comme on brandit depuis des années le chiffon rouge de l’essstrêêmdrouate, il sera difficile de le faire élire alors qu’il a le programme économique le plus cohérent, y compris et surtout pour les libéraux, et bien plus de voix que Lisnard. Mais bon, c’est ainsi, trop nombreux sont les gens qui se plaignent des conséquences dont ils sont les causes.

    • Zemmour est un polémiste, il est le pire des avocats possibles pour les mesures qui pourtant devraient faire consensus entre gens de bon sens.

      • Ce qui compte n’est pas l’étiquette qu’on lui colle ou ses erreurs de communication, ce qui compte c’est ce qu’il dit. Ces mesures ne font pas consensus (même si de plus en plus sont reprises par d’autres, c’est amusant, comme la baisse des impôts de production ou l’uniforme à l’école, ou sont enfin de notoriété publique, comme la part de l’immigration dans la délinquance ou les prisons) parce que lui seulement est de bon sens, les autres sont européistes ou démago.
        Je suis d’accord avec vous qu’hélas il se fait du tort à lui-même et qu’il est facile pour ses opposants de l’ostraciser, dommage de ne regarder que le doigt qui montre la Lune.

  • Ce qu’il faudrait dénoncer suetout c’est qu’en contrepartie de la vente à perte c’est que les stations indépendantes vont être dédommagées. Et si la grande distribution décide de jouer le jeu du gouvernement, ca se fera au détriment d’autres produits.
    Tout ca parce que l’Etat refuse de toucher aux droits d’accise et ne pas déplaire aux écologistes ou aux socialistes.

  • On peut espérer qu’après une période de formation de bientôt 7 ans, notre ministre de l’économie va finir par maitriser son sujet.
    Sinon, il devrait peut-être envisager une réorientation.

  • Je me rappelle, il fut un temps où dépasser le prix maximum était puni de mort. Plus récemment, dans un pays, on envoyait l’armée pour s’assurer que les magasins respectaient les prix et étaient bien ouverts. Dans les deux cas, cela n’a pas suffit.

  • Bouclier tarifaire: 30 milliards, en pure perte car à ce prix on construit environ 5 EPR ou 10 centrales telles que celles que nous avons déjà. Cherchez l’erreur.

  • Après le refus unanime de la grande distribution et des milliers de stations services indépendantes que va faire Bruno de Bercy ? Va t’il prendre un bouquin d’économie de Walras et/ou de Ricardo sur la détermination des prix… ? Je pense que son ego en a pris un coup et qu’il va peut-être se fâcher. Les jours prochains vont être épiques.

    • Il trouvera un tapis quelconque sous lequel glisser ça. 99% des gens ont compris que c’était débile, mais seuls 2% de ces 99% ont vraiment compris pourquoi.

      • Euh? et pour la TVA, si on retourne le smilblick, vente à perte, la TVA s’appelle alors taxe sur la valeur perdue donc taxe négative que l’Etat devrait rembourser au commerçant non?

  • Sans surprise, la vente à perte a été déclinée par ceux à qui on a demandé de porter un bonnet rouge et une fausse barbe blanche.
    Mais le gouvernement pourra dormir sur ses deux oreilles. Il aura vraiment fait le maximum.
    Rendez-vous compte. Braves gens. Briser le plus grand tabou économique qui soit. La vente à perte !

  • C’est bien ce même gvt dont M-E Leclerc nous a expliqué qu’il a imposé une marge minimum obligatoire de 10%… ? Et interdit les promo un chouia trop belles ? En même temps…

  • Le truc avec tout ça c’est qu’il est à peu près certain que l’état est au courant que leur proposition est ridicule .
    Leur but est uniquement politique : rejeter la faute sur les méchants distributeurs capitalistes qui ne veulent pas baisser les prix. Ces gens n’ont aucune honte
    Bon en même temps les autres personnages politiques n’arrentent pas de répéter qu’il suffit de taxer les riches et les grosses entreprises pour que tout aille mieux… Voilà le niveau pitoyable de la politique en france

    • C est une mesure purement politique pour occuper l espace mediatique et contrer les populistes
      Et ca marche rudement bien a la vue des tombereaux de commentaires……..

  • Une petite erreur : La TIPP est fixée annuellement en euros/litre et non pas en pourcentage. Elle n’est donc pas augmentée par l’inflation.

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