Par Simon Choisy.
Un article de l’IREF
La bouche de la vérité (bocca della verita), aussi appelée « bocca del leone » (bouche de lion), compte parmi les curiosités du palais des Doges de Venise.
Il s’agit d’une boîte aux lettres destinée, du temps de la république de Venise, à recevoir les dénonciations. Associés à tort à des délations anonymes, ces mémoires devaient être signés et circonstanciés. Ils faisaient ensuite l’objet d’enquêtes, notamment pour des actes constitutifs de mauvais usage des deniers publics, de concussion, etc. réprimés avec sévérité.
Le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a-t-il trouvé à Venise son inspiration pour engager la Cour des comptes, il y a un an, à collecter sur son site internet des signalements pour des politiques publiques justifiant d’être portées à l’attention des magistrats de la rue Cambon ? Dans la novlangue de l’administration, il s’agissait « de s’ouvrir davantage à la société et d’être plus en prise avec l’actualité ».
Les sycophantes en quête de rémunération pour leur signalement n’y ont pas leur place. Contrairement aux aviseurs – joli mot pour désigner les délateurs – fiscaux et douaniers, les citoyens ne sont rétribués qu’au travers de la promesse de moindres impôts. Du moins peuvent-ils l’espérer.
L’objectif était louable sinon nécessaire. On pourrait même déplorer que la Cour des comptes ait autant tardé à mettre en place un tel dispositif permettant de signaler « des irrégularités et des dysfonctionnements constatés dans la gestion ». Au besoin, elle gagnerait à lire les bulletins de l’IREF…
Dans son rapport d’activité pour 2022, la Cour des comptes se réjouit d’avoir ainsi collecté 451 signalements pour les quatre premiers mois d’activité.
Pourtant, ce chiffre est dénué de signification si les magistrats ne rendent pas compte des suites données aux signalements reçus.
Le site internet est muet sur ce chapitre.
Combien de procédures engagées ? Pour quelles politiques publiques ? Quelles sanctions ? La Cour des comptes excelle en production de rapports. Elle critique par essence, mais sanctionne bien peu, et tout aussi timidement si l’on se réfère aux jugements de sa Cour de discipline budgétaire et financière, au nombre famélique et aux sanctions dérisoires. Signe des temps, ladite Cour de discipline budgétaire et financière vient d’être supprimée.
L’administration pratique le name and shame (retards de paiement, parité, discriminations diverses) pour la sphère privée, mais elle s’abstient de commentaires ad hominem pour les défaillances de ses agents, y compris les manquements à la probité. Quant aux approches comparatives conduisant à comparer la performance des services publics pour l’usager contribuable (en qualité, en coûts, en délais), l’administration s’y refuse et bloque les palmarès comme celui du journal Le Point concernant les hôpitaux. On attend, sans doute vainement, que la Cour des comptes s’engage dans des approches comparatives, entre les services publics, entre les approches françaises et les meilleures pratiques internationales.
Souhaitons à l’occasion du premier anniversaire de cette procédure, le 6 septembre prochain, un bilan complet et intransigeant.
La Cour des comptes le doit aux Français, ne serait-ce qu’au titre de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui, rappelons-le, reconnaît à « la Société le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Demandons à la Cour des comptes de donner de la substance à une disposition qui a valeur constitutionnelle. Les contributeurs à la plateforme de signalement seront, dans le cas contraire, vite découragés.
À moins bien sûr qu’il ne s’agissait dans l’esprit de l’ancien ministre des Finances de François Hollande, que d’un coup de communication…
—
La Cour des comptes est un « machin » inutile qui sert à réviser les copains. Et tous les gouvernements se foutent de ses rapports. Quant à Moscovici, grand Ministre socialiste, il n devait certainement pas lire les rapports lorsqu’il était Ministre. Sinon, il aurait été le premier à redresser le pays.
Enfin, il faut bien qu’il s’occupe et soit bien payé, ce fainéant !