Énergie : il n’y a pas de marché pur et parfait de l’électricité

Le marché pur et parfait pour l’électricité est un leurre : ce dernier, complexe par nature, subit l’influence des politiques étatiques, l’instabilité des énergies renouvelables.

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Énergie : il n’y a pas de marché pur et parfait de l’électricité

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 8 août 2023
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L’existence d’un marché pur et parfait de l’électricité que viendrait heurter la volonté des États de limiter les hausses par des boucliers « impies «  ne tient pas une seconde à l’analyse.

Le marché créé dans les années 2000 était parfaitement artificiel et n’a pas résisté aux crises, surtout pas à la dernière, à savoir les sanctions prises à l’encontre de la Russie par les États de l’Union européenne.

 

L’électricité n’est pas un produit facile

Il s’appuie sur un monopole de fait du transport et de la distribution et, par ailleurs, ce sont des électrons en mouvement. L’électricité est donc non stockable, et à chaque instant il faut un équilibre entre production et consommation. Vouloir « protéger » les consommateurs des monopoles structurels n’est donc pas tâche aisée et la solution imaginée par les technocrates de Bruxelles est loin d’être parfaite car elle semble ignorer les caractéristiques du produit électricité.

L’électricité peut être produite par un grand nombre d’outils continus ou alternatifs, mais la consommation moderne veut une continuité du service, ce qui exige une centralisation, un mélange, un mix électrique permettant de satisfaire le client.

Une multitude d’initiatives peuvent donc être imaginées ou entreprises, mais elles ont besoin d’un raccord pour ne pas interrompre les utilisations, et donc ne pas fâcher les utilisateurs par ce que l’on nomme des délestages.

C’est ce qui a conduit les États à investir dans de grandes unités de production : charbon, fioul, gaz, hydraulique, nucléaire, tout en favorisant les solutions marines, éoliennes, solaires et méthanisation comme la géothermie. Chaque pays dispose d’un organe central qui permet d’assurer une régularité de l’approvisionnement au maximum de la population et des entreprises.

L’initiative privée qui se voudrait libre de ses investissements et de ses prix de vente trouve donc sur son chemin des instances régulatrices nombreuses et malheureusement structurelles, c’est-à-dire liées au produit livré. Quel que soit le mode de production il y a donc nécessairement négociation avec un ou des organes étatiques…

Le marché à envisager n’est donc ni pur ni parfait ! Se satisfaire de l’existence et de la pérennité de monopoles ou d’oligopoles est aussi contestable car la population renâcle vite à ce qui lui apparaît la constitution d’un État dans l’État.

 

Ainsi l’Union européenne a décidé…

De ne pas décider, et donc de laisser à chacun des pays l’organisation de son secteur électrique, et plus largement énergétique, comme il le souhaitait, en ouvrant cependant la lutte contre l’existence de monopoles, et en demandant la séparation entre les activités de production, de transport et de distribution.

Avec pour résultat en France, l’éclatement d’EDF en trois entités :

  1. EDF (production)
  2. RTE (transport)
  3. Enedis (distribution)

 

C’est RTE qui est responsable de l’équilibre production/consommation et qui appelle donc les productions pour respecter la demande des consommateurs.

L’invention dans ces conditions d’un marché de gros et de marchés à termes ne peut être qu’une construction intellectuelle, d’autant qu’elle se heurte d’emblée à une politique souhaitée par la poussée écologique de voir se multiplier les énergies dites renouvelables, solaire et éolienne. Celles-ci sont intermittentes, mais aussi aléatoires. Pour être rentabilisées, elles exigent donc une priorité sur le réseau, et un doublage par des installations pilotables pour éviter les ruptures d’approvisionnement.

Ce doublage est aisé avec les sources thermiques, gaz, charbon et fioul, ou hydraulique.

Il est beaucoup plus difficile avec le nucléaire qui est une base dont la flexibilité n’est pas évidente. Elle est surtout fâcheuse pour la longévité et la sécurité des installations. Autrement dit, autant si on dispose d’une grande quantité d’unités thermiques, les fameuses ENR, sont une solution qui permet de ralentir la consommation d’énergie fossile sans drame, autant si la production repose grandement sur le nucléaire, il ne faut pas lui adjoindre trop d’ENR intermittentes et aléatoires.

On voit donc là le divorce entre deux politiques énergétiques effectivement contradictoires.

C’est l’histoire du divorce franco-allemand énergétique et l’impossibilité de revenir à une politique unique. Non seulement est-il difficile de concevoir dans un pays un marché de l’électricité, mais c’est encore plus vrai dans le contexte orthogonal de la France et de l’Allemagne.

Mais même en restant dans un seul pays à politique unique il est difficile de concevoir un marché contraignant des monopoles à accepter des initiatives parallèles puisque la régulation vient rattraper la politique des investissements avec des tarifs garantis.

Les ENR intermittentes et aléatoires ne peuvent trouver des investisseurs privés qu’avec tarifs, de même pour le nucléaire comme on l’a vu au Royaume-Uni et en Californie. Dans les pays qui ont inventé le marché de l’électricité pur et parfait, il est tordu dès que la nécessité de l’approvisionnement est mis en avant car les pays développés ont besoin d’une électricité abondante, bon marché et souveraine pour maintenir leur prospérité. Cette réalité vient jeter aux orties leur idéologie d’un marché pur qui protègerait le consommateur.

Pour faire revenir au premier plan son industrie, les États-Unis vont proposer une énergie électrique abondante et bon marché, oubliant les conditions économiques de sa production. L’Allemagne essaie de résister avec des boucliers qui ne portent pas ce nom ! Le pragmatisme; c’est souvent l’hypocrisie !

En ce qui concerne la France, il faut revenir à l’existence d’un outil unique au monde, nos investissements hydrauliques et nucléaires qui nous garantissent aujourd’hui une compétitivité industrielle sans artifices. Nous sommes entrés vers 2010 dans un pacte européen défavorable demandant à subventionner le solaire et l’éolien, ce qui nous inflige la double peine d’augmenter artificiellement nos prix, alors que nos coûts de production restaient les plus faibles d’Europe.

Il est temps d’ouvrir les yeux, personne n’atteindra le Graal du marché de l’électricité pur et parfait.

En attendant, regardons l’intérêt des Français, particuliers comme industries, et essayons collectivement d’utiliser au mieux cet avantage national que nos politiques précédentes nous ont laissé en héritage.

Voir les commentaires (17)

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  • Il n’existe pas monopole naturel, il n’existe que des monopoles étatiques. Un marché pur et parfait n’existe pas, jamais un libéral soutient cela, il n’existe que des marchés libres. Parler des imperfections du marché permet aux étatistes de mettre en avant les solutions étatiques qui sont encore plus imparfaites en plus d’être attentatoire à la liberté.
    L’électricité est un marché comme les autres, laissons faire les fournisseurs d’électricité s’organiser.

    • D’accord sur le principe, mais en pratique on fait comment? Comment assurer l’équilibre production/consommation sans un acteur central donc en situation de monopole de fait?

      • On choisit d’un commun accord entre les producteurs/distributeurs un « teneur d’échanges » neutre. Il me semble qu’autrefois, c’étaient les chambres de commerce qui organisaient ainsi les marchés, moyennant un faible droit permettant d’en payer les frais. Mais on voit bien quelle tentation c’est pour l’Etat de s’en servir comme outil de contrôle et de taxation…

        • Merci MichelO. Donc en pratique c’est la privatisation de RTE, qui serait contrôlé plus ou moins directement par les producteurs (y-compris EDF) et aux distributeurs (y-compris Enedis). Vu le poids d’EDF et Enedis par rapport à leurs concurrents, il ne serait pas facile d’assurer un équilibre des pouvoirs.

      • Les fournisseurs font comme Leclerc ou Carrefour, ils ont rarement des ruptures de stock, c’est leur métier. Rupture de stock => perte de CA et fuite de client. C’est pareil pour les parking de supermarché il y a toujours de la place, contrairement aux centres ville, qui est géré par la commune où il n’y a jamais de place.
        Dans un système libéral, c’est l’intérêt du professionnel de fournir un bon service, pas une structure protégée.
        En fait les gens n’imagine pas vivre sans la tutelle de l’état et la plupart pense que sans secu, on mourrait sans soin. Un monde sans EDF est inimaginable.

      • Comme sur n’importe quel marché. On choisi une « place de marché » (ou organisme de marché) qui est une entreprise, indépendante et à but lucratif. Cette place de marché (comme Euronext, le NASDAQ ou n’importe quel marché financier) organise ensuite les transactions de façon à obtenir, idéalement la meilleure révélation des prix possible, et les échanges les plus rapides possibles pour équilibrer offre et demande. Cela peut fonctionner sous forme d’un « marché dirigé par les prix » (il y a des teneurs de marché qui sont responsables de trouver les prix équilibrant l’offre et la demande qui leurs parvient et met en relation, donc, cette offre et cette demande, en encaissant les décalages, gains ou pertes… aussi connu comme marché de spécialistes) ou un marché dirigé par les ordres (ou les offres d’achat et de vente sont accumulées et appariés sur un listing continu, façon « machine CAC »).
        Ce qui marcherait le mieux pour l’électricité ? Je n’en sais rien mais un marché dirigé par les ordres me semble plus facile à mettre en place, les « spécialistes » ou « teneurs de marché » d’un marché dirigé par les prix ne pouvant pas stocker l’électricité ils devraient être également producteurs et consommateurs, ce qui risque d’être compliqué et problématique.

        M’enfin, le fond du truc c’est quand même de mettre en place une (en concurrence, potentiellement ou réellement) entreprise de « place de marché » et de la laisser faire pour essayer de gagner sa croute. Comme sur tous les marchés qui marchent (ceux ou l’État et les « intellectuels » et autres « conseilleurs non payeurs » ne viennent pas mettre de règles ou « organiser »… Bref, ceux qui ont eu la chance d’exister depuis un bout de temps)

        • Quand on dit que l’on ne peut pas stocker l’électricité, on parle de quantités appréciables. Socket l’électricité sur quelques secondes, c’est possible via l’inertie des générateurs. Pour sûr la cotation devrait être en continue et rapide, mais avec l’informatisation cela devrait être possible.

          • Le moyen le plus simple de stocker des quantités appréciables d’électricité, c’est le pompage/turbinage des centrales hydroélectriques STEP. Mais voilà, en France, on en a installé au premier choc pétrolier, depuis ça a cessé d’être écologiquement correct et c’est tout juste bon pour les Chinois.

            • A tout hasard, pourquoi les STEP ne sont pas écologiquement corrects? Pas de CO2, ni de nucléaire pourtant?

            • C’est surtout que l’UE veut remettre les concessions des barrages hydrauliques en concurrence. EDF n’a donc pas de visibilité sur le moyen/long terme concernant ce mode de production d’électricité et n’engage pas les 2 projets de STEP qu’elle serait prête à engager sinon.

        • À l’heure actuelle, le prix du marché est conditionné à l’installation d’énergies intermittentes. Il faut sortir du système. Et on n’a pas besoin de sortir de l’Europe pour ça.

  • Que se passerait-il si la totalité de l’électricité française était produite par des centrales nucléaires et des centrales hydrauliques ?
    J’aime bien faire les réponses : les Français, bénéficieraient d’une électricité pléthorique, fiable, bon marché et non émettrice de CO2. Et en plus si on avait construit des centrales nucléaires jusqu’à 120 % de nos besoins, nous n’aurions pas de problème pour les révisions et nous pourrions en vendre à nos voisins quand ils en ont besoin.

    • Et on n’aurait pas dépensé au bas mot 50 milliards de bouclier tarifaire pour soutenir les entreprises et les ménages, on n’aurait pas vu des entreprises à l’arrêt ou fermées , ou délocalisées pour cause d’électricité trop chère. La politique énergétique de nos dirigeants est inqualifiable, et devrait être considérée comme de la haute trahison des français.

    • Hé oui, si on avait laissé EDF fonctionner en entreprise libre, sans que les politicien veuillent faire de la « stratégie » économique ou « écologique » ou autre avec, ça marcherait.

      C’est comme tout ce qui n’est pas régalien, ça marche mieux sans l’État…

      • C’est comme le torpillage de la filière Superphénix par les socialistes pour faire plaisir aux petits écolos juste pour se maintenir au pouvoir. Les socialistes n’ont pas hésité à sacrifier le patrimoine industriel et énergétique payé par les impôts des français à des fins personnelles.

  • Puissiez-vous être entendu et écouté !

  • comprends pas bien
    «  » » » »méthanisation comme la géothermie. » » » » »
    Qu’est ce que la méthanisation a à voir avec la géothermie
    J’espère que Monsieur Loic Le Floch Prigent se donnera la peine de donner des explications

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