Sécheresse : quand la bureaucratie nous assoiffe

Pour Arnaud Le Vaillant De Charny, l’État a échoué dans sa gestion publique de l’eau et doit céder la place au marché pour allouer la ressource de manière efficace et durable, en définissant des droits de propriété et en laissant les acteurs économiques s’adapter aux prix et à l’abondance de l’eau.

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Sécheresse : quand la bureaucratie nous assoiffe

Publié le 4 août 2023
- A +

Chaque année en France, avec les sécheresses estivales, des restrictions d’eau sont imposées : arrosage interdits, piscines prohibées, cultures en friches…

Elles sont nombreuses, parfois symboliques, et font de nombreux mécontents. Ces pénuries sont avant tout le symptôme de la gestion publique de l’eau qui répond à des impératifs politiques et bureaucratiques plutôt qu’au besoin des consommateurs.

 

Pourquoi le marché est la réponse

Alors que le changement climatique risque d’accentuer les problèmes existants, l’État est incapable de penser hors de la sainte trinité de l’action publique : taxations, interdictions et subventions.

La solution existe pourtant : comme le rappelle la directive européenne cadre sur l’eau, elle est un bien marchand différent des autres, mais un bien marchand quand même. Il convient donc de laisser au marché le soin d’allouer l’eau à ses utilisateurs, plutôt que laisser les pouvoirs publics organiser ce qu’ils contribuent à accentuer.

Actuellement, la gestion de l’eau est le fait d’un micmac de bureaucrates et d’élus : préfet coordinateur de bassin, préfet de région, préfet de département, commission locale de l’eau, agence de l’eau, région, département, syndicats mixtes intercommunaux…

Ces acteurs sont en charge de planifier la gestion de l’eau à l’échelle de leur territoire. Ils mettent en place un Schéma directeur de gestion des eaux pour une durée de six ans, et ainsi que des Schémas d’aménagement et de gestion des eaux dont la plupart ont demandé neuf années avant d’être adoptés. La Cour des comptes nous apprend qu’ils « ne sont pas toujours actualisés » et « n’ont souvent pas d’objectifs mesurables ».

Il semblerait donc que ces documents n’ont pas d’autres buts que d’occuper ceux qui les rédigent.

Pire encore, malgré la quantité considérable de moyens publics destinés à la gestion de l’eau, la Cour des comptes nous apprend que l’État ignore le montant des prélèvements effectués chaque année, et ce malgré les 4309 stations dont il dispose à cet effet, en plus des observations faites par l’Observatoire national des étiages (un autre participant du micmac).

L’ensemble des données recueillies par les divers moyens, y compris les déclarations des usagers, présenteraient de nombreuses incohérences. Or, sans connaître les prélèvements, impossible de piloter la ressource.

 

Réveiller le marché pour sauver la ressource

Face à l’incurie des pouvoirs publics, il convient de désengager l’État et les collectivités locales de la gestion de l’eau pour permettre au marché de jouer son rôle de mécanisme d’allocation des ressources dans l’espace et dans le temps.

L’État doit limiter son rôle à la définition et au respect des droits de propriété.

Dans le cas de l’eau, cela revient à déterminer qui a le droit de prélever, combien, où et quand. Ces droits de propriété doivent être assortis d’une séniorité, c’est-à-dire définir qui a la priorité pour prélever quand la ressource est insuffisante. Les méthodes utilisées pour déterminer ces droits sont en général une combinaison de l’ancienneté de l’usage et de la proximité avec la ressource.

D’après la Cour :

« Environ 32 milliards de m3 d’eau sont prélevés annuellement pour satisfaire les différents usages. La moitié de ces prélèvements, soit 16 milliards de m3, servent au refroidissement des réacteurs nucléaires. Viennent ensuite presque à égalité les prélèvements au profit de l’eau potable (5,3 millards m3) et de l’alimentation des canaux (5,4 milliards m3), puis des usages agricoles (3 milliards m3), et enfin des usages industriels (2,5 milliards m3). »

Définir ces droits est un processus qui sera long et originellement conflictuel. Une fois les règles établies, l’État doit mettre en place un mécanisme efficace de résolution des conflits, comme des Cours de l’Eau dont le financement pourrait reposer sur une redevance sur les droits ainsi créés. Pour faciliter ce fonctionnement, l’État pourrait accélérer la détermination de la ressource disponible, en surface et sous terre, et le cycle qu’elle emprunte, financé là encore par une telle redevance. Celle-ci viendrait remplacer celle existante qui coûte 380 millions d’euros aux particuliers.

Ces droits doivent ensuite pouvoir être vendus ou loués afin de permettre au prix de la ressource d’émerger.

Plusieurs prix verront le jour dans différents bassins reflétant l’abondance relative de la ressource et la difficulté de la transporter de façon économique entre les différents bassins.

Les acteurs économiques pourront ainsi adapter leurs comportements à la ressource disponible.

Par exemple, les agriculteurs payant le vrai prix de l’eau, devront, soit évoluer vers une culture moins gourmande en eau, soit la réduire. En sécurisant suffisamment de droits seniors, ils s’assurent aussi de ne pas subir des restrictions d’eau une fois qu’ils ont planté.

Les compagnies des eaux dans les zones sujettes à sècheresses devront trouver un moyen de restreindre la consommation de leurs clients. Cela peut se faire via des prix plus élevés toute l’année, les profits plus élevés l’hiver permettant de financer l’achat de droits l’été, des tarifs variables ou un système de quota avec un quota de base ayant un prix plus faible que le quota de surplus. Les industriels subiront les mêmes incitations que l’agriculteur, et notamment une pression à relocaliser leur production dans les régions plus riches en eau. Enfin, EDF disposera de toutes les informations nécessaires au pilotage et à la manière de produire son électricité.

S’il est bien mis en place, ce système crée aussi les incitations à augmenter la ressource.

Ceux qui, par les mesures de conservation qu’ils mettent en place, notamment une bonne gestion des sols, doivent pouvoir en récolter les fruits en récupérant les droits sur l’eau ainsi rendus disponibles. En faisant payer le vrai prix pour l’eau, ce système encourage à réduire les gaspillages, que ce soit les fuites (les plus évidentes) ou les usages peu valorisés de l’eau. Il permet aussi d’évaluer la pertinence d’un projet d’usine de dessalement.

Enfin, en ayant un prix différent en fonction des saisons (plus faible en hiver et plus élevé en été) et des lieux, il incite à transférer l’eau à travers le temps et l’espace, lorsque c’est économiquement viable.

Alors que les scientifiques alertent sur les risques accrus de sécheresses à cause de changements dans les modèles de précipitations et l’augmentation des températures estivales, il est urgent pour la France de revoir la façon dont sa ressource en eau est gérée.

Au contraire de la Cour des comptes qui recommande une gestion accrue des pouvoirs publics alors qu’elle en liste les échecs, la France doit s’inspirer de ce qui se fait notamment en Australie, ou les expérimentations qui ont rencontré du succès dans les zones arides des USA, et mettre le marché au cœur du processus.

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  • Impossible. C’est la faute des riches donc il faut les taxer. Et puis la gôche vous dira que c’est un bien public. Et l’Etat mou ne fera rien. Alors qu’en Israël ils arrivent à récupérer 30 % des eaux de pluies, nous n’en récupérons que 3%

  • Les centrales nucléaires utilisent l’eau pour refroidir les réacteurs, elles ne consomment pas d’eau puisqu’elle est rejetée dans les cours d’eau après le cycle de refroidissement

    • Idem pour l’alimentation des canaux.
      Il y a quelques endroits où l’alimentation en eau est problématique, mais en faire un problème national est une vaste fumisterie visant à discréditer le nucléaire, l’industrie, l’agriculture et le transport.

      • Mais évidemment, il y a une redevance pour le prélèvement d’eau pour alimenter des canaux. Par exemple, forfaitairement 1540 m³ par m linéaire de canal de navigation (ça boit sec, un canal) à entre 0.02 et 0.035 c le m³ suivant le classement administratif de la zone.

    • Regardez les nuages d’évaporation au dessus des centrales vous verrez que ça consomme grave

      -7
      • En effet 10% de l’eau liquide pompée par les centrales nuk est évaporée dans certaines centrales.
        L’eau n’est pas perdue, je vous rassure, elle retombe en pluie plus loin.

  • Il me parait plus qu’osé de parler de sécheresse cette année !
    Une simple observation dément catégoriquement cette affirmation.
    Pour information, la pluviométrie dans mon village berrichon s’élève à 275 mm du 1er juin au 3 août. C’est largement supérieur à la moyenne et c’est ainsi sur une bonne partie de la France.
    Il serait temps de passer à un autre discours que « Y a pu de saisons ma pôve dame ! »

    • 70mm sur Saint-Lô depuis le 1er août, la RN13 coupée par les inondations à Isigny, le bassin versant de la Vire connaît une sécheresse comme seulement une fois tous les 5 ans.

  • Une suggestion de lecture :
    Jean de Kervasdoué, Henri Voron.— Pour en finir avec les histoires d’eau – L’imposture hydrologique, Plon, 2012.
    La vision apocalyptique sur le manque d’eau est, pour l’essentiel, totalement infondée. La réalité est plus heureuse et la vérité empirique à l’opposé des lieux communs.
    L’imposture, c’est, d’abord, de ne pas chiffrer la ressource en eau et d’affirmer, sans preuve et sans vergogne, le manque d’eau, les sécheresses à venir, les consommations irresponsables, la nécessité de ne pas gaspiller le  » précieux liquide « .
    
L’imposture, c’est de culpabiliser les  » consommateurs  » pour  » économiser  » quelques litres d’eau, alors que coulent sous leurs yeux, chaque seconde, des milliers de mètres cubes qui vont se perdre en mer.
L’imposture, c’est de laisser croire que l’eau domestique est  » consommée  » alors qu’elle est recyclée, notamment en France où elle retourne pour l’essentiel au milieu naturel après épuration.

    L’imposture, c’est d e feindre d’ignorer que les racines des végétaux ne descendent jamais jusqu’à la nappe phréatique.
    
L’imposture, c’est d’opposer à la construction des barrages, alors qu’ils bloquent des crues ravageuses, valorisent leur énergie et protègent les populations de l’aval.
L’imposture, c’est d’annoncer des guerres de l’eau qui n’auront pas lieu.
    https://www.amazon.fr/Pour-finir-avec-histoires-deau/dp/2259216102

    11
    • Bravo, tout est dit et bien dit !

    • « des milliers de mètres cubes qui vont se perdre en mer. » Les milliers de mètres cubes des fleuves et rivières ne se perdent pas, ils participent au cycle de l’eau : évaporation, condensation sous forme de pluie ou de neige, alimentation des sources, donc des fleuves et rivières, etc.

    • Les gens ne sont jamais contents.
      Et s’emballent parce qu’un obscur préfet leur demande de ne pas laver leur voiture ou remplir leur piscine.
      Coupure d’électricité, d’eau, de wifi… Et c’est le drame !
      Vite, il faut tout révolutionner. Changer de paradigme.
      Nos grands-parents qui se levaient chaque matin pour mettre la pelletée de charbon dans la chaudière, porter le linge au lavoir, et puiser l’eau au seau dans le jardin doivent se retourner dans leurs tombes.
      Malheur au pays dont les rois sont des enfants contrariés et insatiables.

  • La première chose à faire est de mettre au boulot la ribambelle de fainéants de fonctionnaires. Comme dans tous les domaines dont l’État s’occupe. Et pour cela, le meilleur moyen est d’en virer la moitié. Cela motivera les autres à faire le travail.

  • Ou comment remplacer une usine à gaz où l’eau est gratuite par une usine à gaz où l’eau devient payante.
    Probabilité de mise en oeuvre : zéro plus zéro égal la tête à Toto.

  • Avatar
    jacques lemiere
    4 août 2023 at 19 h 56 min

    Je ne sais pas, pour ce qui est de répondre à une demande de servie ok marché….
    mais à l’instar de la propriété du sol..il ya à mon opinion une « limite »..

    le droit de propriété n’est pas fondamental mais relatif à une société ..

    • Avatar
      jacques lemiere
      5 août 2023 at 8 h 23 min

      il y a une limite théorique que toute société s’impose… l’idée d’un abus…

      la propriété de l’eau ou du sol est un « accord sociétal. assez vague » . qui est respecté tant que ça apporte des avantages..en gros ça fonctionne.. mais il est difficile en pratique de dire pourquoi..sauf qu’on a rien trouvé de « mieux » du point de vue libéral..
      et la moindre invasion vous rappeler cela…avec clarté.

      mais l’abus de propriété est au mins théoriquement imaginable. un peu comme un monopole…

      sauf que l’outil de correction acceptable des dérives et abus possibles est la taxe …

  • Il y a aussi pénurie d’eau en Irlande

  • Il y a aussi pénurie d’eau en Irlande
    https://www.galwaybeo.ie/news/uisce-ireann-urgent-galway-warning-8501410
    Alors un pays très sec par rapport, comme la France, cela ne m’étonne pas!

  • Il n’y a pas de manque d’eau, il y a juste une opportunité de créer de nouvelles taxes comme pour l’électricité. Notre Jupiter est à la manœuvre et vous pouvez compter sur lui.

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