Loi Sapin 2 : c’est maintenant qu’il faut vous inquiéter pour votre assurance-vie (et vos SCPI)

Pour Alexis Vintray, la loi Sapin 2 est inutile et inéquitable. Une approche plus saine serait de laisser les assureurs développer des poches d’investissement bloquées et plus rentables, tout en limitant l’intervention étatique.

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Loi Sapin 2 : c’est maintenant qu’il faut vous inquiéter pour votre assurance-vie (et vos SCPI)

Publié le 1 août 2023
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Cela fait maintenant sept années que vous entendez parler de la loi Sapin 2, et de ses impacts sur votre assurance-vie.

Contrepoints avertissait ainsi dès le vote de la loi en 2016, sous la plume de l’économiste Jean-Pierre Chevalier et bien d’autres auteurs. Après plusieurs années de menace théorique, celle-ci devient maintenant une menace réelle, possiblement à court terme.

 

La loi Sapin 2

Mais déjà que dit cette loi Sapin 2 ?

L’avocat Gildas Robert le résume ainsi :

« Si le Haut Conseil pour la stabilité financière considère que l’on est dans une situation exceptionnelle, qu’il faut protéger l’économie et le bilan des assureurs, il peut activer un mécanisme de blocage des retraits de 3 à 6 mois. Cela empêcherait tout le monde de récupérer son argent tout de suite. »

La loi Sapin 2 permet donc de vous empêcher d’avoir accès à votre argent pendant une période de plusieurs mois. Rien de positif pour un épargnant, surtout dans ces moments de crise où elle peut être appliquée, où on ne veut qu’une chose, récupérer son argent au plus vite.

Comme l’essentiel des lois (soyons optimistes), elle part d’une bonne intention, pour gérer un risque réel, celui du bank run. Ou plus exactement ici, de l’insurance run : en cas de perturbation sur les marchés financiers, les retraits massifs par les épargnants des fonds qu’ils ont déposé dans des banques ou chez des assureurs peuvent créer un effet auto-réalisateur dévastateur pour les banques et les assureurs. C’est, dans l’essence, ce qui a accéléré la faillite de Silicon Valley Bank en mars 2023.

Appliqué à l’assurance-vie, des retraits trop rapides pourraient obliger à vendre en catastrophe des actifs, en les bradant. Empêcher temporairement les épargnants de reprendre leur argent, c’est un moyen d’offrir aux banques et assurances le temps nécessaire pour stabiliser les choses, vendre les actifs, etc.

Pourquoi serait-on contre des mesures qui permettent alors de sécuriser tout le monde et de lutter contre cette supposée défaillance du marché ? On vous l’explique à la fin, mais attention, le danger du blocage lui est pour tout de suite.

 

2023 ou 2024, années de l’activation de Sapin 2 ?

Depuis maintenant un an exactement, la BCE a commencé à remonter significativement ses taux d’intérêt, et elle les a remonté sept fois depuis lors !

C’est inédit. Pourquoi ?

Pour lutter contre l’inflation qu’elle a causée par des années de taux bas, voire négatifs, et que l’activité économique et la guerre en Ukraine ont renforcé. Les détenteurs de livret A ont apprécié la hausse du rendement, mais la hausse très forte et très rapide met aussi à mal de larges pans de la finance, dont les obligations, première composante de vos fonds euro. Alors que le livret A rapporte 3 % ou que des obligations peuvent aller jusqu’à plus de 6 % de rendement, plus personne ne veut de ces vieilles obligations d’Etat détenues par les assureurs, qui rapportent parfois des taux négatifs ! Leur valeur sur les marchés s’est donc effondrée, et les assureurs sont dans une course contre la montre pour aller chercher de nouveaux fonds, leur permettant d’acheter de nouvelles obligations, plus rentables.

Pour ne rien arranger, les assureurs avaient tenté de se protéger en remplaçant une partie de leurs obligations par des fonds immobiliers. Mal leur en a pris, car avec la hausse des taux, la valeur de beaucoup de ces fonds (SCPI) s’effondre, parfois plus que les obligations. Au point que la très sérieuse AMF a officiellement averti sur les dangers graves menaçant le secteur. Amundi, le leader du marché a baissé la semaine dernière de jusqu’à 17 % la valeur de ses parts, BNP a fait de même un peu plus tard, et d’autres baisses sont attendues. La très sérieuse Agefi parle carrément de « fin du déni » sur l’effondrement, dont on aurait du se douter, de la valeur de ces SCPI.

Alors quand sortiront les taux des fonds euro 2023 (début 2024), on risque bien de voir qui est nu parmi les assureurs… Et de voir s’amplifier la fuite des épargnants des fonds euro vers d’autres placements, même sécurisés, qui rapportent davantage en ce moment.

En 2022, ce sont plus de 20 milliards qui sont sortis des fonds euro, en net.

Collecte de l'assurance-vie en France (2011 - 2022). Crédits : cleerly.com

Et la tendance ne semble pas s’inverser en 2023.

Et si ça continue encore ?

Le scénario catastrophe, que les assureurs veulent absolument éviter, c’est de se retrouver forcés à vendre sur le marché leurs obligations ou leurs supports immobiliers et à réaliser leurs pertes, qui sont uniquement latentes à ce stade. Ce scénario catastrophe n’est rien d’autre que ce qui est arrivé à Silicon Valley Bank, avec les impacts que l’on connait : impossibilité de rembourser tout le monde, et faillite. La décote de ces obligations se compte parfois en dizaine de pourcents, imaginez l’impact s’il fallait les vendre, avec effet boule de neige et panique des épargnants…

Pour tenter de pallier ce risque, réel, les assureurs font leur possible pour attirer les versement sur leur fonds euro. Mais après des années à pousser à la migration vers les unités de compte, le discours est devenu inaudible pour les épargnants. Les courtiers sont donc contraints de proposer toujours plus de primes, très intéressantes : les promesses d’augmentations d’un point du taux du fonds euro pour tout nouveau versement sont devenus la norme. Certaines banques privées offrent carrément un bonus de deux points de rendement (et parfois plus) pour tout versement de plus de 500 000 euros sur les fonds euro de la banque, si vous avez ces sommes-là !

Mais tout le monde ne pourra pas se refiler le mistigri, et certains risquent d’être collés avec leurs vieilles obligations qui ne rapportent rien, ou leurs SCPI décotées.

Et ce jour là, il ne faudra pas avoir le mauvais fonds euro quand on est épargnant, car cela pourra coûter cher d’être le dernier…

Une activation de la loi Sapin 2 à cette occasion serait possible, permettant peut-être de limiter un peu la casse, mais surtout en vous empêchant d’accéder à votre argent, avec tout le stress afférent ! À vous de voir si vous êtes joueurs, ou au contraire voulez sécuriser sur d’autres placements (par exemple sur des comptes à terme, qui peuvent rapporter plus de 3,5 %). Le pire n’est pas acquis, mais le moment de vérité est très proche.

 

Sapin 2, une mesure inéquitable, et inutile

Sapin 2 risque donc de vous priver de votre épargne, à court terme. Mais pourquoi celle loi est-elle inutile voire mauvaise ?

Là encore, comme dirait Frédéric Bastiat, il y a « ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas ». Cette restriction énorme au droit qu’à chacun de disposer de son argent ne manque pas d’effets pervers. En se substituant ainsi aux épargnants pour faire des choix éclairés, l’État crée déjà un dangereux aléa moral, et encourage inutilement la prise de risque au niveau des assureurs. Alors qu’ils savent qu’ils ont des chances élevées d’être protégés, ils sont incités à prendre davantage de risque, et à mal gérer votre argent.

Une incitation hautement toxique, déresponsabilisante, alors qu’une approche saine serait de laisser les assureurs développer des poches bloquées, non liquides et plus rentables. Les SCPI par exemple gèrent cela en encadrant la liquidité de manière contractuelle, et libre aux épargnants qui peuvent se permettre cette contrainte du blocage d’investir dans le produit.

Enfin, ces mesures ne sont que des pis-aller, qui ne peuvent pas protéger longtemps les mauvais acteurs de la faillite. Pour en revenir au même exemple, Sapin 2 n’aurait pas pu empêcher la faillite d’un Silicon Valley Bank, qui avait de toute manière trop d’argent bloqué dans des actifs qui avaient perdu une large part de leur valeur. Sapin 2 n’aurait permis que de renvoyer le problème à trois mois plus tard. Il en est de même pour ces obligations : si la perte de confiance est telle que les assureurs doivent vendre leurs actifs, il est déjà trop tard, Sapin 2 ou pas.

Au final, si l’on résume,  l’État a créé un problème d’inflation en baissant artificiellement des taux, puis tente de réagir en les remontant massivement. Ce faisant, il cause des problèmes aux assureurs qu’il met sérieusement en danger, et tente de corriger enfin tout cela par une loi Sapin 2 mal fichue de plus. Vous avez dit pompier pyromane ? Il est temps de libérer l’économie et de revenir à un schéma sain, avec moins d’intervention étatique…

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  • Il est temps, et depuis longtemps, d’instaurer des dispositifs individuels avec les mêmes avantages fiscaux, sinon plus, que les assurances-vie.

    • Le libéral que je suis voudrait surtout une fiscalité simple, homogène, comme une flat tax. Les avantages fiscaux ne rapportent généralement qu’aux parasites, pardon intermédiaires.

      • L’un n’empêche pas l’autre 🙂
        Je pensais surtout aux questions réglementaires qui favorisent la gestion collective par rapport à la gestion individuelle. Mais bien entendu une flat tax serait sans doute une bonne chose si son taux était faible, bien qu’en toute logique la fructification de ce qui a déjà subi une première fois l’impôt doive être totalement exonérée. La flat tax, on sent bien que si elle était instaurée en France, ce serait à 30% et à chaque occasion. 30% sur tous les revenus, tous les gains en capital, comme taux unique de TVA, etc….

    • Les conditions sont réunies pour craindre une crise systémique si l’on considère des tensions géopolitiques inédites (aux conséquences potentielles loin d’être négligeables, bien que pour l’instant inenvisageables), venues s’ajouter aux politiques de hausses de taux successives aux conséquences bien prévisibles, justement abordées dans l’article.
      Même si le secteur de l’assurance vie qui représente une manne considérable pourrait être touché par les mesures restrictives de la loi Sapin 2,il serait téméraire de supposer en cas de crise un « havre de paix » pour quelque investisseur que ce soit, les différents secteurs de l’économie étant à priori interdépendants.
      Ne pas oublier in fine le statut aléatoire des liquidités en comparaison de la détention d’actions représentant concrètement la propriété d’une fraction de capital d’une entreprise,même si le choix du secteur reste la problématique pour l’investisseur basique.

  • N’est pas Cassandre qui veut. Et au moins Cassandre y voyait clair.

    -6
  • Il faudra bien un jour payer le koikilenkout. Et l’échéance approche à grand pas. Le gouvernement prie pour que cela n’arrive qu’après les prochaines présidentielles. Selon la formule consacrée de tous nos gouvernements depuis 40 ans : après moi, le déluge.

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