Espagne : les électeurs sanctionnent le mauvais bilan socialiste

Le revers électoral du Parti socialiste espagnol et la perte de gouvernance dans plusieurs communautés autonomes mettent en évidence le triste bilan de Pedro Sanchez et du socialisme espagnol.

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Espagne : les électeurs sanctionnent le mauvais bilan socialiste

Publié le 18 juillet 2023
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À l’occasion des élections municipales et autonomiques du dimanche 28 mai 2023, le Parti socialiste espagnol (PSOE) et la gauche ont subi un revers important.

En effet, les socialistes ont perdu le gouvernement de quatre communautés autonomes, dont les îles Baléares et Valence, laboratoires des alliances entre la gauche espagnole et les nationalismes périphériques. À Madrid, Isabel Diaz Ayuso a obtenu une écrasante majorité absolue, consacrant ainsi le succès de sa stratégie d’opposition frontale à Pedro Sanchez.

 

La première défaite socialiste aux élections municipales et autonomiques de mai

À l’échelle municipale, le Parti populaire (PP) l’a emporté dans 42 des 79 capitales de provinces et obtenu une majorité absolue dans près de 460 municipalités, y compris des capitales de provinces comme Madrid, Málaga, Santander, Logroño, Cadiz ou Córdoba. Seules les capitales de Catalogne, du Pays basque et de Galice, où la nouvelle alliance entre gauche et séparatistes s’est consolidée, ont fait exception.

Prétextant « assumer en première personne les résultats » du 28 mai, Pedro Sanchez s’est empressé de dissoudre le Parlement et d’avancer au 23 juillet les élections législatives, initialement prévues en décembre. En prenant de court l’ensemble du paysage politique, il espérait sans doute :

  • Éviter d’exhiber le pourrissement de sa coalition gouvernementale ;
  • S’épargner une trahison pré-électorale des partis nationalistes sur lesquels les socialistes se sont reposés pour gouverner durant ces dernières années, et qui doivent feindre la dissidence pour contenter leur électorat ;
  • Favoriser la démobilisation électorale de la droite en organisant des élections en pleines vacances d’été, fait inédit en Espagne, sous une chaleur de plomb : à ce titre, il est important de rappeler qu’en Andalousie, plus grande région d’Espagne, il est interdit d’organiser des élections autonomiques entre le 1er juillet et le 31 août en raison de la chaleur ;
  • Un gain d’influence internationale : comme Emmanuel Macron en avril 2022, Pedro Sanchez battra campagne au début de la présidence espagnole de l’Union européenne et s’assurera un regain d’influence internationale.

 

Malgré ses calculs, Pedro Sanchez ne devrait pas parvenir à contenir la sanction électorale qu’il mérite, tant il a exaspéré nombre d’Espagnols, sur la forme comme sur le fond.

 

La forme : le mensonge comme méthode de gouvernement

Durant ces cinq ans passées à la tête du Gouvernement, Sanchez a fait du mensonge son identité politique. Voici une liste non-exhaustive des mensonges proférés par Pedro Sanchez qui ne fait aucun doute sur le cynisme du personnage :

  1. En septembre 2019, durant la campagne électorale, Pedro Sanchez nie l’éventualité d’une alliance gouvernementale entre socialistes et Podemos : « Comme des milliers d’Espagnols, je ne pourrais fermer les yeux la nuit si cela arrivait ».  Le 30 décembre, un accord de coalition gouvernementale est signé entre les socialistes et Podemos.
  2. En 2014, Pedro Sanchez affirme qu’il a honte de « voir des politiciens qui gracient d’autres politiciens » et s’oppose aux grâces pour des motifs politiques. Durant la campagne électorale pour les élections législatives de 2015, il promet de durcir les peines pour corruption et détournement de fonds publics. Durant la campagne électorale de 2019, il promet de ramener Carles Puigdemont en Espagne afin que ce dernier y soit jugé et se montre favorable à ce que les séditieux catalans condamnés pour l’organisation d’un référendum d’indépendance de la Catalogne en 2017 purgent l’entièreté de leur peine. Le 22 juin 2021, défendant une mesure de « réconciliation » et de « concorde », il gracie les neufs dirigeants politiques condamnés en 2019 à des peines allant de 9 à 13 ans de rétention. En décembre 2022, il supprime du Code pénal le délit de sédition, pour lequel avaient été condamnés les indépendantistes catalans, qu’il remplace par un délit aux peines moins lourdes, et allège le délit de détournement de fonds publics, pour lequel ils avaient été ausi condamnés.
  3. En 2015, Pedro Sanchez déclare que les socialistes ne négocieront rien avec le parti Bildu, formation politique héritière de l’organisation terroriste ETA : « Si vous voulez, je vous le répète vingt fois », insiste-t-il auprès d’un journaliste. En 2015, il s’engage à ne pas laisser la clé de la gouvernabilité de l’Espagne dans les mains de partis indépendantistes. En 2019, à l’approche des élections législatives, il persiste et signe : « Il n’y pas d’accord à avoir avec Bildu », souligne-t-il. En 2021, le gouvernement socialo-communiste obtient le soutien des nationalistes catalans et des héritiers politiques de l’ETA pour son projet de loi de finances.

 

Le mois dernier, l’excellent journaliste Carlos Alsina (Onda Cero) interrogeait Pedro Sanchez sur ses mensonges récurrents : « Monsieur le Président, pourquoi mentez-vous autant ? ». Avec beaucoup de culot, Pedro Sanchez réfutait cette appellation : « Je n’ai pas menti, j’ai eu des changements d’opinions politiques sur certains sujets ».

Pourtant, à la lecture d’une telle liste de mensonges éhontés, n’importe quel électeur socialiste doté d’un minimum d’honnêteté intellectuelle admettrait volontiers que son vote s’est davantage transformé en un vote pour Podemos que pour un parti social-démocrate. D’autant plus que sur les 7 réformes « transpartisanes » du programme électoral de Pedro Sanchez en 2019 (santé, sciences, industrie, culture, lutte contre la dépopulation, transports, etc.), aucune n’a été lancée en quatre ans de gouvernement.

 

Sur le fond : la colonisation socialiste des institutions

Sur le fond, Pedro Sanchez et ses alliés ont travaillé à substituer au pacte constitutionnel démocratique de 1978 une Espagne aux institutions balkanisées, dans laquelle la droite se retrouverait sans possibilités d’incarner une alternative politique.

Tout d’abord, le gouvernement n’a eu de cesse d’éroder délibérément l’indépendance, la crédibilité et la légitimité de grand nombre d’institutions. En voici quelques exemples frappants :

  • 2020 : nomination de Dolores Delgado, ministre de la Justice et députée socialiste, à la fonction de Procureur général de l’État espagnol, qui requiert pourtant un profil indépendant et moins politique.
  • 2020 : destitution par le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, du lieutenant-colonel de la Garde Civile, Diego Pérez de los Cobos. Ce dernier avait refusé d’obéir à un ordre illégal du ministre de l’Intérieur ;
  • 2022 : nomination comme juges au Tribunal Constitutionnel de magistrats aux profils particulièrement politisés à gauche ;
  • Refus réitéré de réformer la loi sur l’indépendance du Conseil Général du Pouvoir Judiciaire encouragée par le commissaire à la justice de l’Union européenne, afin de mettre fin à 5 ans de blocages politiques dans la nomination de ses membres.

 

Cet affaiblissement de l’indépendance des institutions s’est accompagné d’un affaiblissement de la force de l’État sur l’ensemble du territoire national :

  • Réduction significative des effectifs de la Garde civile et de la Police nationale au Pays basque, en Catalogne et Navarre ;
  • Affaiblissement de l’arsenal juridique sanctionnant des comportements attentant à l’unité de l’État par la suppression, en 2022, des délits de sédition et de détournement de fonds publics, pour lesquels avaient été condamnés plusieurs hommes politiques catalans après avoir organisé le référendum illégal en 2017.
  • Multiplication des critiques à l’encontre de la Couronne comme institution garante de l’unité nationale par les ministres de Podemos.

 

En parallèle de ce processus d’affaiblissement de l’État de droit, Pedro Sanchez s’est inscrit dans la continuité de la politiques d’alliances avec les partis nationalistes ouverte par l’ancien président du gouvernement José-Luis Rodriguez Zapatero (2004-2011). En plus d’avoir entamé des négociations injustifiables avec une ETA de plus en plus en difficulté face à la répression de l’État, les socialistes avaient souscrit en 2003 au pacte du Tinell, qui consistait en une coalition gouvernementale en Catalogne entre la gauche nationaliste (Esquerra Republicana de Catalunya), les socialistes et les écologistes, à condition que ces partis s’engagent à ne jamais parvenir à un quelconque accord avec le PP, tant au niveau national que local, afin d’éloigner la droite espagnole du pouvoir.

En cinq années, le gouvernement de Pedro Sanchez a également procédé à d’innombrables concessions aux partis nationalistes : grâces accordées aux politiciens catalans, suppression ou allègement des délits de sédition et de détournement de fonds publics du Code pénal, diminution de la présence policière nationale en Catalogne, au Pays basque et en Navarre, concession d’aménagements de peines par l’administration carcérale pour les terroristes de l’ETA, etc. Un tabou a même été rompu avec les nombreux accords trouvés entre les socialistes et la formation Bildu, héritière politique du terrorisme de l’ETA, qui compte dans ses files de nombreuses personnes condamnées pour des crimes de sang.

En parallèle, la gauche a poursuivi sa stratégie de démonisation de la droite par l’intensification de la guerre mémorielle, ouverte en son temps par Zapatero avec la loi de mémoire historique. La promulgation de la loi de mémoire démocratique, que j’avais évoquée dans un précédent article, en est un exemple parfait.

En agitant ainsi l’épouvantail du retour du franquisme, les socialistes parviennent à stimuler la participation électorale et à contraindre le PP, parti taraudé par son complexe d’infériorité morale vis-à-vis de la gauche, à se distancier de son partenaire naturel : Vox.

 

La droite n’a plus qu’à se montrer à la hauteur

Face à ce sordide bilan, la victoire de la droite est plus que probable, comme semblent le montrer les sondages, qui donnent à une éventuelle coalition entre le PP et Vox la majorité absolue. Pourtant, les stratégies électorales des deux partis divergent et créent des frictions dans une élection qui pourrait sembler gagnée d’avance.

Le candidat du PP, Alberto Nunez Feijóo, cherche à recentrer son parti afin d’aspirer la frange constitutionnaliste des socialistes et récupérer l’électorat centriste de Ciudadanos, formation désormais disparue. S’il assumait sa proximité avec Vox, le PP d’Alberto Nunez Feijóo aurait plus de mal à capter ces voix et risquerait de surmobiliser un électorat de gauche toujours prompt à jouer son petit numéro d’alerte antifasciste. Le PP se retrouve ainsi dans une situation d’équilibriste, où il doit se distancier suffisamment d’un électorat qui pourrait très bien être le sien sans pour autant décevoir ses électeurs.

Pour Vox, l’enjeu est de conforter sa place au Parlement national et de s’imposer comme une force politique essentielle à la gouvernabilité, comme c’est désormais le cas dans plusieurs communautés autonomes (Valence, Baléares, Castille-et-Léon, Extrémadure). Faisant fi de toute subtilité afin de faciliter une entrée future dans un gouvernement, ses dirigeants préfèrent multiplier les outrances sur les sujets de société qui mobiliseront la gauche (avortement, idéologie de genre, violences domestiques) et purger le parti de ses éléments les plus libéraux, au profit de la frange la plus réactionnaire de la formation. C’est ainsi que les membres du Yunque, une organisation secrète ultra catholique dont l’objectif est de « faire triompher le règne du Christ sur Terre », se sont imposés au sein de Vox.

A l’échelle autonomique, les accords de gouvernement entre le PP et Vox sont de très bon augure sur des questions relatives au respect de la Constitution, comme les politiques linguistique et éducative.

Le 23 juillet, les résultats nous diront si Alberto Nunez Feijóo a réussi son pari de recentrer le PP afin d’apaiser l    e climat politique tendu créé par les politiques clivantes de Sanchez, et si les outrances de Vox n’ont pas fait le jeu de la gauche. Si tel est le cas, la droite n’aura plus qu’à être à la hauteur du rendez-vous pour en finir avec Pedro Sanchez et garantir le respect de la Constitution et des institutions démocratiques.

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  • « Le mensonge comme méthode de gouvernement »… C’ est partout pareil…

    • J’allais le dire. A chaque fois, on s’étonne. A chaque fois, on pense que les autres partis laveront plus blanc.
      Alors que non.
      Je ne demande plus qu’une chose au politicien. Ce que j’attends de mon médecin. D’abord ne pas nuire !

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