Lisnard et Macron face aux émeutes : une faiblesse philosophique

L’ordre doit-il précéder la justice, comme l’ont dit Emmanuel Macron et David Lisnard ? Pour Pascal Avot, la réponse est claire : non.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 6

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Lisnard et Macron face aux émeutes : une faiblesse philosophique

Publié le 8 juillet 2023
- A +

Lisnard : « L’ordre précède la justice. »

Macron : « La première réponse, c’est l’ordre. »

Non.

Moralement parlant, d’abord, il est bien évident que c’est faux. Si j’attends que tout soit en ordre autour de moi pour être juste, je ne le serais jamais. Et c’est précisément dans les situations de désordre que je dois me montrer le plus juste. La justice est une vertu et nul ne songerait à dire « Je serai vertueux quand le monde sera bon ». La vertu ne pose pas de conditions : elle résiste aux conditions.

Et, de ce fait, c’est également erroné politiquement. Car la justice des tribunaux répond au désordre inhérent à la vie humaine. Elle est une conséquence du désordre bien avant d’être la cause de l’ordre. Le pouvoir qui annonce « Je serai juste quand vous serez ordonnés » justifie là la tyrannie.

Qu’il faille rétablir l’ordre, c’est une évidence – encore qu’il ne régnera pas dans ce pays avant longtemps : la promesse frise l’utopie. Donc, le bon slogan consisterait à dire que le désordre n’empêchera jamais la justice, et que plus il sera grand, plus elle sera sévère. Dans ce contexte, le « Il faut une répression féroce » de Zemmour tient bien mieux la route, même si l’on se doute qu’elle ne le sera pas, et qu’il exige là l’improbable par souci de paraître ferme alors qu’il n’en n’a nullement les moyens.

Un an avant les Jeux Olympiques, Londres a connu une vague d’émeutes. L’État y a répondu avec férocité, frappant les sauvageons de peines extrêmement lourdes. Le message était limpide : notre justice est si implacable aujourd’hui que les J.O. se passeront dans l’ordre demain. Ainsi fut fait. La justice a précédé l’ordre. L’été prochain s’annonce torride à Paris.

Lisnard et Macron se trompent. L’ennui est que rien ne les y oblige. Simplement, comme ils ont le nez dans le guidon, ils voudraient que la philosophie se conforme à l’actualité. Elle ne le fera pas. La philosophie est tout sauf un roseau. Il peut lui arriver de rompre, elle ne plie jamais. La raison ne tolère qu’elle-même.

Si tant et tant de policiers français rappellent à longueur de temps, sans jamais être écoutés, que leur travail est inutile parce que les tribunaux sont laxistes, c’est tout simplement parce que l’ordre ne « précède » pas la justice et qu’il n’est donc pas la « première réponse ». Le flic de base se révèle plus philosophe que le politicien d’en haut. Ce qui n’étonnera ni les philosophes, ni les hommes qui se font tirer dessus au mortier, ni – espérons – les libéraux.

Voir les commentaires (12)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (12)
  • Dit comme cela, c’est bien dit.
    Cependant, ouvrant mon dictionnaire français politicien/français courant, et me souvenant de l' »ordre juste » de Ségo qui déjà faisait du en même temps, enfin bref… L’ordre c’est Papa/la droite/la répression et la justice c’est Maman/la gauche/la calinothérapie car bien sûr à gauche, la justice n’est que sociale.
    Et donc, ce que nous disent à leur manière ces deux discoureurs, c’est qu’il est l’heure de taper, fort. Ou comme le dit un certain préfet : – Deux claques et au lit !
    Un travail d’homme. Mais en reste-t-il encore en France ?

  • Je ne suis pas sûr qu’il faille aller chercher de la philo dans ces phrases, la tête de ces institutionnels ne fonctionne qu’en gestionnaire, il faut, à mon avis, en comprendre : on envoie d’abord la police pour faire cesser le désordre, ensuite la justice fera son travail si besoin. On est dans le timing à court terme, pas dans une grande réflexion…

    • Oh non, si nos politiciens fonctionnaient en gestionnaires, ça se verrait et ça se saurait. D’ailleurs, c’est on lâche la police pour se faire bien voir, et on se défausse sur la justice pour s’excuser. Ca sent bien son faiseur de discours ou son prof de philo, et pas le moins du monde son gestionnaire responsable soucieux de ses résultats trimestriels.

  • « Lisnard et Macron se trompent » : je ne crois pas, je crois plutôt que MM. Macron et Lisnard veulent tromper les français comme leurs prédécesseurs l’ont fait pendant des décennies, en se mettant d’accord sur leur dos (celui des français, j’entends).

  • Les politiciens veulent l’ordre, ils se moquent de la justice. Car sans ordre, collecter les taxes devient difficile. Alors qu’ils peuvent se passer de justice. Bon il y aura quelques sentiments d’insécurité, c’est tout.
    D’ailleurs l’article n’aborde pas la définition de « l’ordre ». Si l’ordre, c’est la possibilité pour la police d’intervenir, alors ce qu’ils ont dit va de soi. Si l’ordre signifie l’absence de contestation, alors cela est orthogonal avec la justice.

    • Il n’est même pas sûr que la répression d’émeutes rétablisse l’ordre mais ferait plutôt figure de calmant momentané. La crainte est toujours là. L’ordre doit être soutenu par une mentalité générale et celle-ci est à la peine car la politique a abandonné le pays ‘profond’.

  • Ordre et justice sont de deux genres différents : « précède » semble indiquer une antériorité spatiale et temporelle : « justice » est un intelligible, une vertu, une ousia, déterminée par l’idée du bien (to agathon), i.e : mesure, proportion, commensurabilité : la « justice » est une harmonie, un équilibre entre différentes puissances : il n’y a pas de « justice » sans équilibre de l’âme, donc un certain « ordre » entre logos/ethos/pathos : pris dans ce sens, il n’y a aucune mesure ni dans l’espace ni dans le temps : donc pas de « précède » entre « justice » et « ordre ». Par contre si « ordre » est dans le sensible, au sens d’autorité, de pouvoir, de politique, d’absence de conflits violents, alors oui, si on reste dans le sensible, dans le temporel et le spatial, il n’y a pas de « justice » sans « ordre » préalable, donc l' »ordre » précède bien la « justice » : vous le dites vous même, la rétribution violente de la « justice » contre les désordres violents ramènent l' »ordre » dans la polis.
    Cela dit j’aime beaucoup votre article.

  • Au nom de l’ordre, on peut enfermer tout le monde, comme pendant le Covid. On peut interdire toute manifestation, on peut prendre toutes les décisions importantes en Conseil de défense. On peut même adopter une réforme des retraites sans qu’elle ait été votée par la représentation nationale.
    David Lisnard, le nouveau chouchou du système, est largement macron compatible. Il se fait passer pour un libéral, mais c’est surtout un excellent communicant, prêt à dire aux gens ce qu’ils ont envie d’entendre.
    N’oublions jamais qu’il fit désinfecter les plages cannoises à l’eau de javel pour rassurer sa population qui avait peur du Covid.
    La perspective que David Lisnard devienne président ne me rassure pas. De plus je ne voudrais pas priver les Cannois d’un aussi bon maire.

    • Lisnard flatte son électorat, à savoir les vieux, quitte à priver de liberté les jeunes (en les vaccinant de force par exemple).

  • Très bon article.
    Et merci de préciser que Lisnard n’est rien d’autre qu’un politicien standard de droite/gauche qui s’est mis une étiquette « libéral » sur le front pour faire bien… Un peu comme Macron, et beaucoup de gens se sont fait avoir (et ceux qui avaient un doute étaient traités extrémistes…)

  • On a besoin de plus de Pascal Avot. Certains commentaires précédents sont bien dans la mentalité Française. 80 ans de lavage de cerveau communiste fait passer l’ordre avant tout comme dans toute dictature. Le pire c’est que la quasi-totalité des Français sont comme cela. Tant pis.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
7
Sauvegarder cet article

Notre nouveau et brillant Premier ministre se trouve propulsé à la tête d’un gouvernement chargé de gérer un pays qui s’est habitué à vivre au-dessus de ses moyens. Depuis une quarantaine d’années notre économie est à la peine et elle ne produit pas suffisamment de richesses pour satisfaire les besoins de la population : le pays, en conséquence, vit à crédit. Aussi, notre dette extérieure ne cesse-t-elle de croître et elle atteint maintenant un niveau qui inquiète les agences de notation. La tâche de notre Premier ministre est donc loin d’êtr... Poursuivre la lecture

Le fait pour un gouvernement de solliciter et d’obtenir la confiance de l'Assemblée contribue à la prévisibilité, la stabilité et la sincérité de l’action publique, et cela devrait être reconnu comme indispensable.

Le 30 janvier dernier, Gabriel Attal a prononcé son discours de politique générale, sans solliciter la confiance de l’Assemblée, avant qu’une motion de censure soit soumise, puis rejetée le 5 février. Le gouvernement Attal, comme le gouvernement Borne avant lui, a donc le droit d’exister, mais sans soutien de la chambre.

... Poursuivre la lecture
8
Sauvegarder cet article
« Je déteste tous les Français »

Le 3 février dernier, un immigré malien de 32 ans, Sagou Gouno Kassogue, a attaqué au couteau et blessé grièvement des passagers de la Gare de Lyon. Finalement maîtrisé par l’action conjuguée des passants, des agents de sécurité et des membres de la police ferroviaire, l’homme en garde à vue a été mis en examen pour tentative d’assassinat aggravée et violence avec armes aggravée.

Les premiers éléments de l’enquête dévoilés par le préfet de police de Paris révèlent les discours conspirationnistes d’un in... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles