Agriculture : une consultation bidon, bidonnante, inepte et scandaleuse

Entre questions ambiguës, omissions importantes et contraintes temporelles, la consultation publique sur l’agriculture en France soulève des doutes quant à la sincérité de l’État à écouter réellement les acteurs du secteur.

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Agriculture : une consultation bidon, bidonnante, inepte et scandaleuse

Publié le 15 mai 2023
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« Êtes-vous d’accord avec la proposition suivante : « L’agriculture, c’est important pour la France ? » C’est, en résumé, le sens d’une consultation du public, organisée à grands frais par un État aux caisses vides pour un produire un résultat sans intérêt.

 

Une consultation sur quinze jours pour une ambition sur vingt ans

Le ministère de l’Agriculture et – innovation majeure de ce quinquennat fort bavard – de la Souveraineté Alimentaire a organisé une Consultation du public sur le Pacte et le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles ».

« En catimini », dénoncent des associations écologistes, manifestement outrées par la difficulté pour elles de peser sur les événements présents et futurs par l’organisation d’un déferlement d’opinions prémâchées en faveur de leurs causes et lubies.

Le temps imparti, du 14 au 30 avril 2023, serait en effet trop court et les questions seraient biaisées. On pourrait en convenir si la consultation avait un réel intérêt et débouchait sur un éclairage utile pour la définition d’un texte censé poser les rails de notre destin agricole et alimentaire futur.

« La mise en place d’une consultation publique d’une durée de 15 jours, après avoir décalée [sic] sa publication durant plusieurs mois, est une nouvelle preuve de la volonté de ne pas prendre en compte les avis divergents au modèle conventionnel » écrit ainsi Générations Futures.

Ce qui ne l’a pas empêché, comme nous allons le voir, de proposer des réponses à modifier textuellement pour éviter l’élimination des doublons et leurrer les programmes d’exploitation des réponses.

 

Démographie et climat

Ce nouveau « Pacte et […] projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles » – une formulation qui relève de la dysenterie verbale – s’inscrit dans un contexte de frénésie législative et de propension aux stratagèmes pour camoufler la paralysie présente : rien de mieux que d’afficher une ambitieuse planification d’un avenir à long terme, lequel échappe aux dirigeants actuels, ne serait-ce que par le couperet des mandatures.

On peut aussi trembler devant les perspectives de dérapages dans le processus législatif. Ainsi, parti avec 38 articles, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, du 13 novembre 2013 est devenu une loi du 13 octobre 2014 forte de 96 articles… Il y a eu pire.

La courte introduction à la consultation met en relief la question démographique – le renouvellement des générations et la difficulté à recruter des salariés. Le paysage s’élargit cependant :

« Des tendances significatives, déjà observables pour certaines, vont en outre affecter l’agriculture et le secteur alimentaire au cours des 20 prochaines années :

  • la démographie et les évolutions sociales en agriculture ;
  • le changement climatique, dont la disponibilité de la ressource en eau et la biodiversité ;
  • la disponibilité des facteurs physiques de production (foncier, engrais, énergie, produits phytopharmaceutiques) ;
  • les évolutions de la demande alimentaire. »

 

Les répondants ont aussi un aperçu tout aussi vague des ambitions du gouvernement. Il s’agit de traiter de :

  • l’orientation et la formation ;
  • la transmission ;
  • l’installation des jeunes agriculteurs ;
  • la transition et l’adaptation face au climat.

 

Une agriculture forte en France ?

Notre avis – sans nul doute éclairé, informé et solidement fondé sur une connaissance approfondie de l’agriculture, de sa situation actuelle, des défis pour l’avenir et des mesures à prendre – nous est donc demandé, mais sans obligation de le donner… d’autant que la consultation n’a pas été annoncée urbi et orbi.

Les concepteurs du questionnaire ont été, peut-être, présomptueux ou inconscients. La première question prend pour axiome « le maintien d’une agriculture forte en France et dans nos territoires ».

On pourrait en douter au vu des misères que l’on fait à la filière agricole et alimentaire, sur le plan tant législatif et réglementaire, avec par exemple les « surtranspositions », que médiatique, avec l’agribashing ».

On nous demande donc pourquoi c’est important… avec la possibilité de répondre que cela ne l’est pas. C’est certes en relation avec des points et objectifs particuliers tels que « mon alimentation », « la souveraineté alimentaire du pays » et « ma santé ».

On peut s’étonner de voir « l’entretien des paysages » prendre la priorité dans l’ordre des points sur « l’emploi » et « l’économie des territoires ».

Et bien malin celui qui devinera les réponses prépondérantes pour « la préservation de la biodiversité » et « lutter contre le réchauffement climatique ». On peut entrevoir le dilemme pour les répondants repus, disposés à mordre la main qui les nourrit, et convaincus des effets délétères de l’agriculture « industrielle », « productiviste », etc.

Cornaqués pour certains par Générations Futures, ils se prononceront sur la notion d’« agriculture forte » dans la section du texte libre et auront le choix d’opiner qu’« une agriculture forte signifie être résilient et donc être sobre en intrants de synthèse », qu’« un système agricole vertueux repose avant tout sur l’agronomie et non la chimie », etc.

 

Deux questions bateau

On peut être perplexe devant cette formulation : « Le départ à la retraite de près de 40 % des agriculteurs d’ici dix ans vous paraît-il préoccupant ? » Non, il n’y a pas de texte libre pour faire savoir à notre gouvernement qu’il faut faire bosser les agriculteurs jusqu’au dernier souffle…

Et qui osera répondre : « Non, pas du tout », à la question : « Considérez-vous que la diversité de l’agriculture française (productions agricoles, modes de production, modes d’organisation des exploitations agricoles) est un atout ? »

 

Risques ou opportunités ?

Voici maintenant un catalogue de douze sujets pour lesquels il faut répondre s’il s’agit d’un risque ou d’une opportunité, et ce, sur une échelle à cinq degrés qui ne permet qu’une réponse et dont la médiane est… « sans avis » !

Dans le monde binaire des concepteurs du questionnaire, il n’est pas permis de dire que le « changement climatique » ou la « mondialisation des échanges », par exemple, est à la fois un risque et une opportunité…

« La place des agriculteurs dans la société », « les changements de mode de consommation », « la démographie de la population agricole », etc. sont-ils des risques ou des opportunités, ou ni l’un ni l’autre ?

On peut être perplexe devant : « La construction de la rémunération des agriculteurs », « les nouveaux rôles des agriculteurs (production d’énergie, tourisme, stockage de carbone, etc.) », ou encore « les aspects environnementaux et la capacité à préserver les ressources naturelles ».

Peut-être faut-il voir dans les incohérences de cette question la raison pour laquelle la mise en route de la consultation a tardé, selon les dires des organisations activistes dépitées.

Générations Futures a aussi eu des problèmes de cohérence. Selon sa proposition 1, « l’un des risques majeurs est l’utilisation accrue des intrants de synthèse qui impactent négativement la biodiversité, les milieux et la santé des agriculteurs, riverains et consommateurs ». L’obsédé textuel en déduit que l’utilisation actuelle n’est pas un risque, ou du moins un risque majeur…

« La révolution génétique, robotique et numérique » chère à l’ancien ministre de l’Agriculture Julien Denormandie ne trouva pas non plus grâce à ses yeux. C’est un risque…

Quant aux opportunités, il lui a fallu se faire discret sur la fructueuse symbiose avec le biobusiness (l’un finance, l’autre bénéficie de la création de la peur des pesticides, etc.). Va donc pour : « … un soutien fort à l’agriculture biologique et des autres alternatives non dépendantes aux intrants chimiques est une opportunité majeure pour l’agriculture de demain ». Quelles sont « les autres alternatives… » ?

 

« En tant que citoyen et consommateur… »

Il s’agit ici de l’enjeu de « l’installation de suffisamment d’agricultrices et d’agriculteurs dans un contexte de changement climatique ». Avec huit propositions qui relèvent en partie du catalogue à la Prévert.

Serais-je prêt à payer « un peu plus cher » mon alimentation ? À « acheter plus de produits sous signe de qualité » ? Etc. On sait pourtant très bien que les réponses faites devant un micro à l’entrée d’un magasin ne correspondent pas à ce qui se trouve dans le chariot à la sortie…

Trois propositions sont étonnantes : « Accepter une nouvelle installation agricole à moins de 500 m de chez moi » – comme si le fait de n’être « pas prêt du tout » influençait le cours des choses et que la distance de 500 mètres était pertinente ; « Flécher une plus grande part de mes impôts vers le monde agricole » – ce qui suppose que le répondant paie des impôts et qu’il en définit l’usage ; « Financer le monde agricole via de l’épargne » – sans doute l’épargne personnelle qui serait investie par un personnage qui ne met pas ses petites économies sur un livret A.

 

Les agriculteurs face au changement climatique

Passons sur « Avez-vous connaissance des formations proposées par l’enseignement agricole ? » Une sorte d’interlude…

Notre avis est ensuite demandé sur les « ressorts » dont devraient disposer les agriculteurs pour s’adapter au changement climatique.

Curieusement – ou peut-être pas – l’échelle à cinq degrés offre maintenant un « ne sait pas » peu reluisant pour le répondant en cinquième position, plutôt que le « sans avis » précédent en troisième position.

Parmi les dix propositions figurent en première position « la recherche scientifique et l’innovation » et en dernière, horresco referens, « la formation ».

Entre les deux : « Les techniques de culture (agronomie) » ; « L’accompagnement organisationnel et la conduite du changement » ; « La capacité d’entreprendre » ; « La gestion du stress » ; « La capacité à travailler en collectif » ; « Les capacités d’investissement » ; « Les conditions de travail » ; « Le revenu ».

Ne cherchez pas, par exemple, l’irrigation ou les moyens de lutte contre le gel printanier…

Le concepteur du formulaire nous instruit en petits caractères de « classer les aspects suivants, du plus important selon vous au moins important ». En fait, ce sont les « aspects » précédents, et il ne s’agit pas de les classer par ordre d’importance, mais de qualifier l’importance de chacun.

La proposition – unique – de Générations Futures pour les autres mesures peut être citée ici sans persiflage : « Ils doivent avoir un soutien politique fort avec des moyens politiques, économiques, humains et administratifs. »

 

Et pour conclure…

La question sur le soutien de l’Union européenne à l’agriculture française devrait rapporter un score digne des dictatures pour le « oui » (je sais que…), d’autant plus que le « non » est affublé d’un icône représentant un panneau routier d’interdiction.

À la fin du questionnaire, il y a de la place pour un texte libre sur : « Selon vous, quelle est la mesure à mettre en œuvre pour garantir la souveraineté de l’agriculture en France ? »

Sans surprise, Générations Futures propose, au choix, un laïus sur la sortie des pesticides et un appel pressant à promouvoir l’agriculture biologique… 50 % à l’horizon 2030… alors que nous en sommes à 10 % de la surface agricole utile… alors que l’agriculture biologique est en crise… alors qu’elle est bien moins productive que l’agriculture dite conventionnelle… et avec l’objectif de garantir notre souveraineté alimentaire…

 

De l’argent public bien mal employé

Mais avez-vous bien lu la question ? « la mesure » ? Au singulier ? Et pour garantir quoi ? « la souveraineté de l’agriculture en France » ? De « l’agriculture » ? Pas « la souveraineté alimentaire » qui figure pourtant dans le nouvel intitulé du ministère ?

Bref, ce questionnaire est bien singulier. Et inepte.

Et il y a d’autres perles. Par exemple, les répondants sont priés d’indiquer leur année de naissance (dans quel but ?) et on leur précise : « Veuillez vérifier le format de votre réponse ». Les activités professionnelles sont indiquées au pluriel, la profession agricole devant cocher « agriculteurs exploitants » (il y a sans doute des agriculteurs qui ne sont pas exploitants…) Les retraités apparaissent logiquement en dernier, mais pourquoi sont-ils précédés par les « ouvriers » ? L’opinion qu’a le cadre moyen ou supérieur qui a conçu le questionnaire des professions ouvrières, peut-être…

Je n’ai pas répondu à ce torchon.

 

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  • Une telle consultation reste ce la com….. à priori, ça occupe des fonctionnaires fonctionnant… les statistiques sont intéressantes quand elles servent à prendre des vrais décisions, pas pour paraître s’occuper….. et tomber dans une planification inefficace qui ne peut qu’entrainer des pénuries.

  • Faisons pour l’agriculture la même chose que pour l’industrie : supprimons là et nos écolos seront contents. Après tout, le bio est produit ailleurs et tous nos écolos bobos se tapent de son bilan carbone d’importation.
    Une fois les français sans abris (avec les interdictions de location), sans travail (avec la fin de l’industrie), sans pétrole pour se déplacer et sans rien à manger avec la fin de l’agriculture, enfin naîtra un nouveau souffle : celui du communisme pur et dur que tous appellent de leurs voeux. Enfin viendra un Maduro qui rendra tous les français heureux, affamés et à la rue, mais heureux. Seule ombre au tableau de nos gauchistes : les immigrés ne voudront plus venir en France. C’est le dernier point à résoudre : comment continuer à attirer encore des immigrés et la misère du monde dans un pays de sans-abris et d’affamés.

  • Ah, y avait un sondage… ?!? Conventions et sondages bidons limités à quelques personnes mais qui serviront de justification « démocratique » à n’importe quelle décision autoritaire. Macron dévoie en permanence les institutions, s’arroge des pouvoirs qu’il n’a pas, c’est une traitrise qui sabote tout notre système politique et sociétal. Ce n’est pas la Constitution qu’il faut changer, mais celui qui la pervertit.

  • Avatar
    epidermiquement
    15 mai 2023 at 10 h 47 min

    publier un article le 15 mai sur une consultation ouverte du 14 au 30 avril relève de la mauvaise foi ou de la volonté de déformer plus que d’informer…….DOMMAGE ! ! !

    -2
  • Dans le cadre du formatage des esprits l’émission « Maman j’ai arrêté l’avion » vendredi dernier (encore disponible en replay) valait son pesant de cacahuètes. On y parlait de l’eau et toute l’émission a été un procès à charge contre l’agriculture, forcément « productiviste », voire « industrielle ». Le ministre de l’écologie a tenté de mettre un peu de modération et de raison dans le débat mais il était bien seul contre une Daphné Roulier sortant largement de son cadre d’animatrice et les autres intervenants. Cerise sur le gâteau nous avons eu droit à une interview de l’incontournable Emma Haziza (c’est donc la seule hydrologue de France?) fustigeant la « privatisation » de l’eau par l’agriculture.

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