Les fines interventions étatiques dans le déploiement de la fibre

Entre difficultés techniques, coûts élevés et collusions, la réalité du déploiement de la fibre optique en France est bien éloignée de la promesse initiale.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 8
image générée par ia

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Les fines interventions étatiques dans le déploiement de la fibre

Publié le 12 mai 2023
- A +

Depuis 2013, le fier et puissant gouvernement français soutenu par toute l’administration Hollande a vigoureusement lancé un grand Plan Très Haut Débit qui vise à apporter le plus rapidement possible la fibre optique aux foyers français : les enfants, c’est décidé, d’ici 2025, tout le monde devra être sévèrement fibré !

Et force est de constater que, depuis ce lancement en fanfare numérique, la fibre s’est déployée, poussée de partout par de joyeux opérateurs, des consommateurs heureux et une administration exigeante mais juste.

Ou presque.

Du côté des consommateurs, tout ne s’est pas déroulé exactement comme prévu, et parfois, des grognements se font entendre : les travaux réalisés ne sont pas tout à fait à la hauteur de ce qui est attendu et les résultats (en matière de qualité de ligne internet, par exemple) laissent parfois à désirer.

Au-delà de ces petits cas spécifiques de particuliers mécontents (et rancuniers semble-t-il), les opérateurs rencontrent bien des difficultés à installer leurs fibres et à respecter les obligations imposées par les pouvoirs publics. Par exemple récemment, Orange a été rappelé à l’ordre par l’ARCEP dans ce qui s’apparente à une bonne giroflée à cinq pétales bien appuyée : l’opérateur national ne parvient pas à atteindre l’objectif fixé d’une couverture totale des foyers français concernés, et se débat entre problèmes logistiques et amendes des pouvoirs publics.

En fait, ce déploiement ne se passe vraiment pas comme espéré à grands coups de communication politicienne et de petits partenariats public-privé pas toujours bien fagotés. En fait d’une couverture complète fin 2022, on observe au milieu de l’année 2023 que près d’un foyer sur cinq est pour le moment privé d’accès haut débit ; et ce ne sont pas les solutions de contournement (à base de radio ou de bornes 4G) qui résolvent le problème.

Plusieurs difficultés se superposent : d’un côté, et sans surprise, les départements les plus ruraux font les frais de ces installations complexes que les opérateurs rechignent à effectuer, notamment en raison des coûts inférés. Le « dernier kilomètre » est, de loin, le plus coûteux surtout en rase campagne ; d’un autre côté, ces opérateurs sont confrontés à des travaux de sous-traitants de plus en plus approximatifs qui entraînent de nombreux litiges (on évoque des centaines de milliers) : rendez-vous de raccordement non honorés à plusieurs reprises, refus de réalisation de travaux de génie civil permettant un raccordement effectif, dégradations du bâti, malfaçons techniques rendant l’usage d’internet impossible, débranchements sauvages d’autres raccordements, etc.

Cet enfer pavé de bonnes intentions fibrées ne doit pas grand-chose au hasard et constitue plutôt une belle démonstration de toutes les dérives de marchés non libres. Ainsi, après avoir ouvert de façon symbolique les télécoms en France, l’État a volontairement laissé se former des cartels qui tiennent maintenant le marché d’une main de fer et qui empêchent tout nouvel opérateur de proposer de vraies offres concurrentielles.

Cette collusion tranquille des grands opérateurs et de l’administration se passerait sans accrocs si les consommateurs (enquiquinants consommateurs !) ne réclamaient pas l’accès aux dernières technologies et si les politiciens, électoralistes en diable, n’entendaient pas les leur fournir, quitte à mobiliser l’argent gratuit des autres dans l’opération (c’est pas cher, c’est l’État qui paye).

Or, en France, le coût du travail est devenu prohibitif (par son absence d’adaptabilité) et il est ainsi devenu franchement difficile d’ajuster sa masse salariale d’autant plus pour un gros groupe. Malheureusement, ces « chantiers fibres » sont à la fois locaux et temporaires : une fois la fibre déployée, il y aura (normalement) assez peu de maintenance et l’importante masse salariale nécessaire pour les travaux de déploiement et de liaison des derniers kilomètres ne sera plus utile. Évidemment, la licencier sera à peu près impossible pour les gros opérateurs, la souplesse du Code du travail garantissant des maux de tête carabinés à leurs responsables des ressources humaines.

La solution évidente consiste donc pour ces groupes à passer par la sous-traitance, et de préférence la moins coûteuse possible. Inévitablement, ce genre de situation (où l’opérateur est tenu par des dates et les sous-traitants par les coûts) ne peut aboutir qu’à des abus pouvant se traduire de façon tragique.

Nous sommes en France, et un problème déjà complexe ne saurait être laissé à sa simple résolution de marché sans que viennent s’y ajouter les paramètres habituels de la collectivisation mortifère du pays : le dernier kilomètre de fibre n’y échappe pas, puisqu’il va directement dépendre des communes, des communautés de communes, des arrangements entre municipalités, départements, régions et État. Soit la recette assurée du succès.

Ici, plutôt que des associations de consommateurs capables de mandater l’installation de la fibre pour elles-mêmes, ce sont donc les pouvoirs publics (à commencer par les communes, mais pas seulement) qui s’en chargent, notamment sur les budgets publics. Le contribuable, appelé à la rescousse du dernier kilomètre, assure donc que l’argent sera trouvé, dépensé et assez peu ou pas du tout contrôlé, comme à peu près à chaque fois qu’il est appelé.

Ce qui devait arriver arriva, et plutôt deux fois qu’une : il devient rapidement impossible d’obtenir la moindre garantie de résultat, de qualité de service ou de suivi après-vente.

À tel point qu’à présent, l’État se sente le devoir d’intervenir (encore plus) : rien de tel qu’ajouter de nouvelles contraintes, de nouvelles lois à celles existantes déjà mal boutiquées et mal appliquées pour transformer un problème complexe en problème insoluble !

Avec sa proposition de loi visant à résoudre les problèmes de déploiement, le sénateur Chaize a semble-t-il déclenché une véritable dissension entre les opérateurs et le législateur au point que les premiers menacent le second d’arrêter purement et simplement les déploiements.

Devant cette situation, comment ne pas parier que l’intervention de l’État va, encore une fois, aggraver la situation au lieu de résoudre le problème ?

Sur le web

Voir les commentaires (7)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (7)
  • Dénoncer un cartel des opérateurs paraît bien futile par rapport à la mafia des techniciens qui opèrent en sous-traitants pour tous ces opérateurs indifféremment. Débrancher quelques prises le soir pour se faire payer le rebranchement le lendemain matin a l’air si répandu qu’il est difficile de trouver un abonné qui n’en aurait pas été victime à maintes reprises.

    -1
  • Et jusqu’à présent les lignes étaient enterrées. Désormais, pour limiter les coûts, des poteaux se dressent partout pour amener la fibre. On redevient un pays du tiers-monde comme l’Inde et le Pakistan (ou autres) où les plats de nouilles fleurissent sur tous les poteaux.
    Merci à notre état communiste.

  • Avatar
    jacques lemiere
    13 mai 2023 at 8 h 33 min

    typique du collectivisme tu payes , tu as ce qu’onte donne…et tu fermes ta gueule ou tu es un égoïste.. crime dans un pays communiste donc goulag ..

    je vais bien sur m’attier les moinssards traditionnels mais contrepoint est ambigu avec le nucleaire…
    et moi je dis fort bien va pour le nucléaire d’état mais je veux une chartre et des garanties AVANT de signer….. parce que il ya des spoliations et il y des transferts de richesse si on collectivise..donc..

    il ya des défenseurs farouches de la secu..dont pas mal de médecins, .et qui nient que les problèmes de la santé en France pénurie de médecin ne découle justement du collectivisme..

    j’accepte A LA RIGUER qu’un service assurable par le privé soit public;.mais je VEUX une chartre , un definition claire de la mission…parce que sinon je sais que cela devient un jouet..

    l’électricté ou la connection internet les soins, l’alimentation ne sont pas des « droits humains »…mais des besoins humains…

    • Avatar
      jacques lemiere
      13 mai 2023 at 12 h 39 min

      quelle est la mission de service public avec la fibre..????? sinon la sempiternelle « baisse du cout  »
      « par le tous pareil et diverses spoliations…

      • Pas de mission de service public, mais à partir du moment où l’internet est une quasi-obligation de fait pour nombre de démarches administratives, il y a une certaine cohérence.

        • @MichelO
          l’ADSL, portée par les paires de cuivres installées depuis les années 70 partout en France, y suffit amplement. Elle suffit aussi à la plupart des utilisateurs qui n’ont que faire d’une liaison à plusieurs centaines de Mbits/s. Et pour ceux qui ont vraiment besoin de plus que l’ADSL, des solutions techniques abordables existent déjà (4G, 5G). Le déploiement forcé de la fibre optique sur tout le territoire au frais du contribuable, porté par toutes les strates de l’administration française (des communes à l’État central en passant par les communautés de communes, les départements et les régions, chacune se servant au passage) est une aberration technique et économique, un gaspillage monstrueux, typique de toute « gestion » socialiste de l’économie.

  • A ces problèmes s’ajoutent ceux ides installateurs ou compagnies de téléphonie qui peinent à recruter car les salaires sont trop bas.
    Ensuite, la fibre pour tous a un coût. Ce coût fait exploser les factures. Plusieurs de mes connaissances connectées en ADSL, ont eu un aperçu de ce que seront leurs factures une fois la fibre installée : elles n’en veulent pas car trop cher. De plus, trop de nouveaux fibrés ont vu leur vitesse de connection chuter.

    Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais je trouve que les terminaux de cartes bleues sont de plus en lents à traiter les paiements. Je trouvais que le paiement en « sans contact » allait plus vite que le classique, mais je note que depuis quelques mois, il est devenu plus lent… le classique étant encore plus lent.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Par Philippe Wodka-Gallien.

 

L’engin s’appelle VMaX. L’annonce est venue du ministère des Armées :

« La Direction générale de l’armement (DGA) a procédé le 26 juin 2023 à 22 h, à un tir d’essai de fusée sonde à partir du site de Biscarrosse de DGA Essais de missiles. Cette fusée emportait le démonstrateur de planeur hypervéloce VMaX ».

Le communiqué précise également que le démonstrateur intégre « de nombreuses innovations » et que l’objet a suivi « une trajectoire à longue portée très exigeante ». Autre mess... Poursuivre la lecture

Par William Rampe.

Alors que les Américains bénéficient de l'intelligence artificielle générative (I.A.) - c'est-à-dire des I.A. capables de créer du texte, du son et de la vidéo -, les chefs d'entreprise et le grand public craignent que cette technologie ne conduise à une catastrophe.

Une enquête menée auprès de 119 participants au Yale CEO Summit du 12 juin a révélé que 42 % d'entre eux pensent que l'I.A. pourrait "détruire l'humanité" d'ici cinq à dix ans. Une majorité d'entre eux ont déclaré que les risques posés par l'I.A. ... Poursuivre la lecture

Le XVIIIe siècle se termine mal : émeutes déclenchant la Révolution française et les réflexions de Malthus sur une famine inévitable.

Depuis, deux camps s’affrontent : les malthusiens et les techno-optimistes qui pensent que tout problème a des solutions techniques…

L’objet de cet article est de tirer les conséquences de plus de deux siècles d’histoire en analysant concrètement les données du problème et en rappelant les évolutions techniques.

L'alimentation dépend du nombre d’hommes à nourrir, de la productivité agricole... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles