Dette française : un inquiétant instrument de gouvernement

La dette française atteint des niveaux records, menaçant la stabilité financière et soulevant des questions sur l’utilisation des fonds publics.

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Dette française : un inquiétant instrument de gouvernement

Publié le 9 avril 2023
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Avec le développement de l’inflation les banques centrales ont fini par relever le taux du crédit et nous en avons donc fini avec « l’argent magique ». Fini le « Whatever it takes » de Mario Draghi de 2012.

En 2022, le coût de la dette du pays s’est élevé à 51,5 milliards d’euros contre 38,5 milliards en 2021 et 23 milliards en 2020. Il est supérieur à présent au budget par exemple de la Défense et Bercy prévoit dans son scénario central qu’il s’élèvera à 60 milliards d’euros en 2027 avec  le taux de 3 % qui est celui des prêts auxquels recourt notre pays.

La dette française augmente sans cesse et s’élève actuellement à 2956,8 milliards d’euros, soit 111,6 % du PIB. Anne de Guigné dans Le Figaro Économie du 29 mars nous rappelle ces augmentations imputables aux différents gouvernements :

  • Jacques Chirac………  323 milliards
  • Nicolas Sarkozy……..  635 milliards
  • François Hollande…. 397 milliards
  • Emmanuel Macron… 647 milliards

 

Chaque président a eu sa part de responsabilité dans l’accroissement de la dette, comme si elle était un moyen normal de gouverner. Le budget de la France n’a pas cessé d’être en déficit depuis 1975, et la dette a inexorablement augmenté en conséquence. Calculée par habitant, elle a suivi une progression spectaculaire illustrée par le graphique ci-dessous.

La progression de cette dette est tellement régulière qu’il semblerait bien que nos gouvernants en aient fait un instrument de gouvernement. Ils ont considéré qu’elle était structurelle, sans chercher à comprendre par quel mécanisme elle s’est installée. Au mieux, lors des différentes campagnes électorales, les candidats de droite ont affiché leur volonté de réduire les dépenses publiques, notamment en limitant le nombre de fonctionnaires, mais aucun, et pas même Emmanuel Macron pourtant précédemment en charge du ministère de l’Économie n’a identifié la cause du mal dont souffre le pays.

Depuis la fin des Trente Glorieuses, l’économie française s’est progressivement affaiblie. Néanmoins la population a tenu à conserver des standards de vie élevés à l’’image de ce qu’ils sont chez nos voisins. Nos dirigeants auraient dû avoir la sagesse d’aviser les Français de l’état réel de l’économie, ce qui aurait évité la situation d’incompréhension dans laquelle on se trouve aujourd’hui : partout la colère gronde, le mécontentement est général et les dirigeants sont accusés d’incompétence. Après les Gilets jaunes un vent de révolte souffle à propos de la réforme des retraites. La situation politique du pays est devenue préoccupante.

 

Les mauvaises performances de l’économie

Le service des statistiques des Nations Unies a publié il y a quelques années les résultats d’une étude relative à l’évolution sur une longue période de l’économie d’un certain nombre de pays, en se référant à leur PIB/capita en dollar qui est l’indicateur de richesse utilisé par les économistes.

Israël 

  • 1980          6 393
  • 2000       21 990
  • 2017        42 452

Multiplicateur 6,64

Espagne

  • 1980         6 141
  • 2000      14 556
  • 2017       28 356

Multiplicateur 4,61

Suisse

  • 1980       18 879
  • 2000      37 937
  • 2017       80 101

Multiplicateur 4,25

Danemark

  • 1980       13 881
  • 2000      30 734
  • 2017       57 533

Multiplicateur 4,13

Allemagne

  • 1980       12 091
  • 2000      23 929
  • 2017       44 976

Multiplicateur 3,71

Pays-Bas

  • 1980       13 794
  • 2000      20 148
  • 2017       48 754

Multiplicateur 3,52

Suède

  • 1980       16 864
  • 2000      29 292
  • 2017       54 043

Multiplicateur 3,21

France

  • 1980       12 669
  • 2000      22 161
  • 2017       38 415

Multiplicateur 3,03

 

Tout au cours de cette période les performances de l’économie française ont été très mauvaises. Curieusement nos responsables politiques ne s’en sont pas vantés, à croire qu’ils ne s’en sont pas aperçu, du moins n’ont-ils pas tenter d’en chercher la cause. C’est incompréhensible.

Les Français ont tout naturellement exigé que leur niveau de vie ne soit pas affecté par ce déclin. Les dépenses publiques ont donc continué à progresser, si bien que leur rapport au PIB s’est  progressivement dégradé.

Dépenses en pourcentage du PIB (Source : Dépenses sociales OCDE ; Dépenses publiques BIRD)

Espagne

  • Dépenses publiques   39,7
  • Dépenses sociales       28,1

Suisse

  • Dépenses publiques   20,1
  • Dépenses sociales       17,0

Danemark

  • Dépenses publiques   39,7
  • Dépenses sociales      26,2

Allemagne

  • Dépenses publiques   32,6
  • Dépenses sociales       26,7

Pays-Bas

  • Dépenses publiques   43,4
  • Dépenses sociales       17,6

Suède

  • Dépenses publiques   34,3
  • Dépenses sociales       23,7

France

  • Dépenses publiques   51,9
  • Dépenses sociales       31,6

 

Les taux français de dépenses publiques et sociales sont à présent les plus élevés de tous les pays de l’OCDE. Tous les observateurs de la vie économique s’en inquiètent. En ramenant ces dépenses au nombre d’habitants on constate que les taux sont tout à fait acceptables, comme le montrent les comparaisons suivantes :

Dépenses par habitant en dollar américain

Danemark

  • Dépenses publiques   26 980
  • Dépenses sociales       17 070

Pays-Bas

  • Dépenses publiques   25 038
  • Dépenses sociales       10 152

Suède

  • Dépenses publiques    21 123
  • Dépenses sociales        14 402

France

  • Dépenses publiques    22 642
  • Dépenses sociales        13 796

 

Le niveau de dépenses publiques et sociales de la France est celui de pays bien plus avancés dans leur développement économique, au PIB/capita très supérieur : 43 659 dollars en 2021 pour la France, contre 57 767 pour les Pays-Bas ; 61 028 pour la  Suède ou 68 007 pour le Danemark. Le PIB/personne de la Suisse est plus du double du nôtre.

En somme, les dépenses publiques et sociales de la France ne sont pas véritablement anormales mais en avance sur le niveau de développement économique : elles sont celles de pays au PIB par habitant de 50 % supérieur. C’est le PIB qui n’a pas augmenté au rythme voulu et il est donc temps d’en comprendre la raison.

 

Pourquoi de si mauvaises performances ?

L’industrie joue un rôle clé dans la création de richesse et ce phénomène est aisé à mettre en évidence en examinant la relation existant, dans différents pays, entre leur production industrielle et le PIB par tête de leurs habitants, le PIB/capita étant l’indicateur de mesure des économistes pour mesurer la richesse des pays.

Avec une production industrielle faible de 6432 dollars par habitant le PIB/capita français est de seulement 39 030 dollars ; avec un ratio bien meilleur de 12 279 dollars l’Allemagne dispose d’un PIB/capita de 46 208 dollars ; avec un chiffre record de 22 209 dollars le PIB/capita de la Suisse s’élève à 87 097 dollars, le plus  fort d’Europe.

Les effectifs industriels du pays n’ont pas cessé de fondre depuis la fin des Trente Glorieuses et le secteur de l’industrie ne contribue plus aujourd’hui que pour 10 % à la formation du PIB, alors q’il devrait se situer au minimum à 18 %. La France est devenue le pays le plus désindustrialisé de tous les pays européens, la Grèce mise à part.

 

À quand le redressement de la situation ?

Jusqu’à une période toute récente, les gouvernants n’ont pas réalisé que la fonte du secteur industriel a miné l’économie. Ils ont été nourris à l’idée qu’une société moderne est une société post-industrielle. Cette mauvaise interprétation des travaux de Jean Fourastié qui a publié en 1949 Le grand espoir du XXe siècle a été fatale à notre économie. Nos dirigeants ont laissé s’amenuiser dangereusement le secteur industriel sans s’en émouvoir. Il a fallu la crise liée au covid pour qu’ils le réalisent.

Il s’agit donc, à présent, de le reconstituer mais l’environnement tant national qu’international n’y est guère favorable.

Sur le plan interne, la réindustrialisation du pays est freinée par les écologistes, un droit du travail français pénalisant pour les chefs d’entreprise, une fiscalité qui tarde à être harmonisée avec celle de nos voisins, des réglementations européennes freinant les initiatives que pourrait prendre l’État français et un coût du travail considérablement plus élevé que dans les anciens pays de l’Est maintenant intégrés dans l’Union européenne.

Sur le plan international, la guerre en Ukraine qui a fait fortement grimper le coût de l’énergie en Europe et les mesures incitatives prises par le président Jo Biden pour investir sur le continent américain.

Inévitablement, la réindustrialisation va être lente. Le plan « France 2030 » d’Emmanuel Macron est très insuffisant. La dette extérieure ne va donc pas cesser de croître, alourdissant un peu plus chaque année le budget du pays. Les autorités vont devoir veiller à ce que la France ne s’achemine pas sur la voie de la Grèce. Pour l’heure, tout l’indique.

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  • La désindustrialisation du pays – comme le dit cet article la cause de cet endettement – a commencé exactement, comme celle de tous les, pays du Sud de l’Europe en 2000, avec l’introduction de l’euro. Ce sont des faits chiffrés auxquels on refuse de faire face. La France a en plus du subir le choc des 35 heures. Il faudrait du courage pour le reconnaître, ce que le système politique français et la chape de plomb de Bruxelles ne permettent pas. La crise énergétique accélère le processus. La course vers le mur – le sort de la Grèce ou le Frexit – ne s’arrêtera pas.

  • Le recul de la France : depuis le Marxisme et alors jusqu’à quand ?

  • Chacun voit midi à sa porte. Fallait s’y attendre. La faute à l’euro, au marxisme, au 35h… Et puis : la Chine dans l’OMC, les énarques dans le brouillard, les dépenses publiques dans le rouge…
    Moralité : pfff !
    Le déclin du poids de l’industrie dans le PIB en France a commencé dès la fin des Trente Glorieuses, juste après la première crise pétrolière. Déclin qui s’est montré d’une régularité métronomique.
    https://fr.statista.com/statistiques/1047192/distribution-de-produit-brut-pib-dans-secteurs-economiques-en-france/
    On pourra noter la perte d’environ 3 points par décade, à partir de 1975. Et le ralentissement du déclin à partir de 2010.
    Faudra trouver autre chose les gars !

    -2
    • Abon quelle est votre explication?
      Trop facile d’évacuer en bloc les arguments de autres!
      Quant à moi, j’évoquerais une autre raison : l’aversion des français au commerce et au travail.
      Une sorte de malformation génétique…

      • N’ayant pas d’explication précise, je me garde d’en fournir de mauvaises.
        Mon tropisme pour l’honnêteté intellectuelle, sans doute.

    • Voilà la réponse, n’hésitez pas à vous documenter
      Voir le graphique page 11: des faits, pas des opinions

      https://institutdeslibertes.org/pourquoi-et-comment-leuro-detruit-leurope/

      • Hors sujet !
        Il était question de l’industrie francaise – mal en point – versus ses voisins, comme l’Allemagne (zone euro) ou l’Italie aussi (pays du sud et zone euro) qui ont su conserver un taux d’industrialisation important.
        Plutôt que de me fournir des chiffres qui n’ont rien à voir avec la choucroute, tentez plutôt de comprendre à la lumière de la baisse continue du poids de l’industrie dans notre PIB que votre explication est foireuse.
        Si tant est qu’on puisse faire boire un âne qui n’a pas soif.

  • Les commentaires sont fermés.

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