La fierté démocratique du peuple d’Israël

En Israël, la rue est en quasi-insurrection contre le gouvernement du fait d’une réforme judiciaire.

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Prime Minister Netanyahu Interview with CNN's Wolf Blitzer By: IsraelinUSA - CC BY 2.0

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La fierté démocratique du peuple d’Israël

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 31 mars 2023
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Il n’y a pas que la France qui, de par ce qui se passe dans ses rues, illustre la crise de la démocratie traditionnelle, qui est – hélas ! – devenue, selon mon néologisme,  une « daimoncratie » (ou démoncratie), le pouvoir des démons de la politique. Car ce régime, formellement celui de la souveraineté du peuple, ne l’est plus du moment qu’on s’accorde à dire que la rue ne doit pas gouverner et que sa voix au chapitre se limite au temps éphémère d’une consultation électorale.

 

Une démocratie en péril

En Israël, la rue est en quasi-insurrection contre le gouvernement qui risque de mettre ce pays à feu et à sang avec ses projets controversés de réforme politicienne issue d’une majorité restreinte au pouvoir de la droite la plus extrême dans l’histoire du pays. Aussi ce dernier est-il en péril alors que, malgré ses inévitables imperfections imposées par sa situation géostratégique, il est encore un modèle démocratique dans une région illustrant le plus éloquemment le despotisme oriental dans ses formes basiques.

Ce qui se passe dans les rues de cette contrée est digne d’intérêt et d’éloges, d’autant qu’elle est plus souvent citée moins pour ce qu’il y a de clarté en son peuple que d’ombres abusivement généralisées à tout le pays. Car Israël est plus souvent cité pour ses écarts avec la légalité internationale eu égard au drame du peuple palestinien et les bavures, sinon crimes selon nombre d’observateurs autorisés, commis dans les territoires toujours occupés.

Par conséquent, on étend à tout son peuple, où le désir de paix ne manque pourtant pas, les turpitudes des plus extrémistes de ses politiciens bien plus mus par leurs intérêts partisans que ceux de leur patrie. Ce qu’illustre notamment leur gestion de la politique israélienne de colonisation du territoire attribué à son rival palestinien, pourtant égal en souveraineté étant le frère monozygote de l’État d’Israël dans le cadre du partage historique de 1947.

Que se passe-t-il donc en Israël méritant l’éloge de tout démocrate et imposant particulièrement le salut de ses adversaires et ennemis qui se prétendent en quête de démocratie ou en action pour son épiphanie dans leur propre pays ? Un soulèvement populaire salutaire des masses juives contre un gouvernement se prétendant au service de leurs intérêts ethniques au détriment de la démocratie. Or, cette valeur a toujours été l’impératif catégorique historique de l’État d’Israël aux yeux de ses pères fondateurs tout autant sinon plus que sa sécurité au nom de laquelle tous les écarts seraient pourtant permis.

Car les projets du gouvernement du Premier ministre actuel ne peuvent même plus tromper l’Israélien moyen, celui qui n’est pas forcément la caricature souvent galvaudée du Juif xénophobe, puisqu’il ne pense qu’à vivre ou survivre dans un environnement hostile. Or, pour lui, la meilleure garantie de la paix est le fait d’être citoyen d’un régime démocratique. Passe encore que ce régime, eu égard à sa situation géographique, politique et stratégique, soit troué d’illégalité, il ne peut ni être renié ni réduit à l’état d’une illusion de démocratie ainsi que c’est le cas chez les voisins de son pays. C’est à la fois sa fierté et le sens de la geste du peuple d’Israël, ce qui justifierait même la prétention de ses plus intégristes à s’ériger en peuple élu de Dieu. Or, il ne le serait que par une action terrestre impérativement – et à demeure – de justice et de justesse, incarnant la geste de tout élu véritable de Dieu, quelle que soit sa foi, celle d’être toujours juste de voix et de voie. Pourtant, ce n’est pas ce qu’entendent faire ses gouvernants actuels mettant en péril le socle même sur lequel a été érigé leur pays.

Un sursaut démocratique

Le ministre de la Défense ne dit rien d’autre alors qu’il est issu du même parti que celui du Premier ministre cédant quasiment tout à ses alliés d’extrême droite pour avoir leur appui en vue d’échapper à ses ennuis judiciaires. Yoav Gallant, qui a été aussitôt démis de son poste ministériel, a appelé à suspendre une réforme, l’estimant menacer la sécurité du pays. Le président du pays a également appelé à son arrêt immédiat pour la même raison. D’autres personnalités de tous bords, dont des figures de la sécurité, axe essentiel dans la vie du pays, excipent des mêmes raisons pour démissionner de leur poste, menacer de le faire ou cesser d’assumer des responsabilités patriotiques essentielles.

Ce qui conforte la rue Kaplan, dans le centre de la capitale d’Israël, épicentre de la contestation au gouvernement, est que le principal allié de leur pays, les États-Unis, confirme la justesse de leur action contre le projet de réforme divisant le pays depuis sa présentation officielle en janvier dernier. La porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche a ainsi mis l’accent sur la profonde préoccupation de son pays de ce qui se passé chez son allié privilégié et sur « la nécessité urgente d’un compromis », soulignant que « les valeurs démocratiques ont toujours été et doivent rester une caractéristique des relations entre les États-Unis et Israël ». Tout comme le président Herzog référant à « l’unité du peuple d’Israël », Adrienne Watson assure aussi que « les changements fondamentaux pour un système démocratique devraient être menés avec la base de soutien populaire la plus large possible ».

En effet, la réforme contestée entend donner aux élus le pouvoir qu’ils n’ont pas actuellement face à la magistrature, représentée notamment par la Cour suprême, érigée en gardienne de l’équilibre des pouvoirs et le respect des valeurs du pays, notamment celles de la démocratie réelle, et ce en l’absence de Constitution formelle en Israël. Ce sont des raisons politiques et plutôt politiciennes qui sont à l’origine de la réforme, puisque les détracteurs de la Cour suprême la jugent politisée, taxant ses membres d’être idéologiquement opposés aux nouveaux élus. Ce qui est une flagrante et grave mise en cause de leur indépendance et leur honnêteté, base fondamentale d’une pratique politique saine ne reniant pas ses lettres de noblesse. Ce qui démontre bien que la politique, au nom du cours purement formel d’un processus électoral par essence politisé, n’a plus rien d’éthique, justifiant mon appel récurrent à passer de la politique actuelle à ce que je nomme « poléthique » !

Ce qui se passe en Israël surtout, mais aussi en France et d’autres vieilles démocraties, vient illustrer la résilience de l’espoir chez les peuples épris de démocratie pour le dépassement de sa crise actuelle afin de retrouver sa qualité première d’être une manifestation concrète de la souveraineté du peuple. Ce qui revient à accepter celle de la rue que ses supposés élus renient, ne continuant plus à l’assurer comme au moment de leur candidature à la députation. Et c’est ce qui est de nature à sauver une démocratie tombée de plus en plus dans un formalisme stérile la vidant de tout sens, la rendant même un pur slogan trompeur, nouvel opium postmoderne des peuples.

Ce qui est surtout valable dans les pays arabes, se voulant globalement les ennemis d’Israël, attitude relevant d’une confusion axiologique assimilant le régime de ce pays à son peuple. Aussi est-il regrettable de ne rien entendre de leur part, particulièrement des rares politiques ayant osé le nécessaire et inévitable franchissement du Rubicond de la reconnaissance d’Israël. D’autant qu’ils l’ont fait moins au nom de l’intérêt du peuple palestinien que de leurs propres intérêts nationaux. Or, ils se limitent à faire état, au mieux, de leur préoccupation pour ce qui se passe dans leur nouvel allié.

 

Veille axiologique

Aussi est-ce l’occasion de saluer la majorité éveillée de ce peuple érigé en ennemi, qui s’élève contre ses dirigeants, ceux qui seraient les vrais ennemis des Arabes aspirant comme eux à la démocratie, agissant aujourd’hui à mettre en pièces la seule véritable fierté d’Israël, celle d’être ou de vouloir être une démocratie.

Il en va de même pour les pays d’Islam qui ont intérêt de se rappeler que le juif est le cousin proche du musulman et qu’il est, pour l’Arabe musulman, tout aussi sémite que lui. Et donc pouvant devenir son meilleur allié comme le fut l’Arabe musulman durant les temps honnis de l’Holocauste où ce furent assez généralement les musulmans qui ont protégé les juifs des crimes perpétrés par leurs ennemis chrétiens d’alors. Certes, ne saurait occulter les actes en sens radicalement opposé au sein même de la communauté musulmane, tels les crimes avérés de la  fameuse 13e division waffen-ss Handschar en Bosnie de 1943 à 1945, rappelés par Xavier Bougarel dans un magistral essai paru en juin 2020 chez Passés Composés.

Assurément, le rôle des religions face à l’Holocauste reste un sujet complexe, la foi des uns et des autres ayant été instrumentalisée, comme souvent et à ce jour ; ce qui suppose la veille axiologique à laquelle j’appelle dans le cadre d’une nouvelle lecture plus objective et humaniste de la foi à laquelle l’on adhère. Comme celle, au demeurant, entreprise justement par Bougarel de la Seconde Guerre mondiale dans les Balkans, « marquée par l’importance des enjeux matériels, la multiplicité des stratégies individuelles de survie, et les changements incessants d’alliance et d’allégeance politiques et militaires ».

Ce qui ne fait que confirmer la nécessité impérieuse de l’éthique en politique, la poléthique dont je parle, ne serait-ce que pour se souvenir, en matière religieuse comme en toute question idéologique, ce qu’assurait Maxime Rodinson : « Il n’est pas de peuple qui soit toujours et partout innocent… Les délires des uns sont souvent conditionnés par les erreurs ou les crimes passés des autres ». Au reste, Walter Benjamin assurait bien dans ses Thèses sur la philosophie de l’histoire : « Il n’est aucun document de culture qui ne soit aussi document de barbarie. »

En somme, ce serait une idiosyncrasie de la nature humaine, double par essence, de balancer entre le meilleur et le pire à cultiver en vue de parvenir à honorer, et non dévergonder, une humanité prompte à verser dans la bestialité ; l’une des étymologies de l’humain ne renvoie-t-elle pas à l’humus que ne valorise ou dévalorise que l’usage à bon escient dont il est fait ?

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  • Article très intéressant, qui appelle cependant une remarque : qui manifeste vraiment dans la « rue » ? Il semble qu’une partie non négligeable de la population, les Juifs sépharades en particulier, ne se sent pas solidaires des manifestants de Tel Aviv… il semble qu’en Israël aussi, il existe un découplage des populations, et un phénomène « gilets jaunes » avec des gens qui vivent un quotidien difficile et qui se sentent non reconnus…

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