Pays-Bas : entre manifestations des agriculteurs et chimie approximative des médias

Il est probablement difficile pour un non-chimiste de parler de produits chimiques. La chimie est en effet une science dite exacte ce qui signifie que l’approximation en est bannie.

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Pays-Bas : entre manifestations des agriculteurs et chimie approximative des médias

Publié le 27 mars 2023
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Peut-être en raison de mon passé de chimiste, la rédaction de Contrepoints m’avait demandé de commenter la révolte des fermiers néerlandais face aux mesures gouvernementales destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre. À l’appui de sa demande, la rédaction me donnait en référence un article du magazine L’Express paru en juillet 2022 qui faisait le point sur cette révolte. J’ai donc entrepris la lecture de cet article.

Dès les premières lignes, un certain étonnement m’a pris, qui s’est rapidement transformé en sourire dubitatif avant de tourner en franche rigolade. En effet, c’est certain, l’auteur de l’article a carrément oublié (s’il les a jamais suivi) les cours de chimie du secondaire qui traitent de la composition de l’air que nous respirons.

Jugez plutôt :

« Des fermiers néerlandais protestent régulièrement depuis le 10 juin et l’annonce par le gouvernement de projets destinés à réduire les émissions d’azote, un gaz à effet de serre ».

L’azote (N) ou plutôt le diazote (N2) car la molécule comporte deux atomes d’azote liés entre eux n’est pas un gaz à effet de serre. D’ailleurs, pour avoir la propriété d’effet de serre la molécule d’un gaz doit être dissymétrique afin de constituer ce qu’on appelle un dipôle, c’est-à-dire un système qui possède entre autres la capacité de vibrer et/ou de se déformer à une fréquence bien définie. Or, la molécule de diazote est parfaitement symétrique et n’est pas capable d’absorber un rayonnement infrarouge en entrant en vibration comme peuvent le faire les molécules de CO2 ou les molécules de vapeur d’eau.

« Les agriculteurs néerlandais sont en colère. En cause : la politique de réduction des émissions d’azote ».

L’air de l’atmosphère terrestre est composé d’un mélange de deux gaz principaux, le diazote (78,1 %) et le dioxygène (20,9 %) et d’une série de gaz secondaires : l’argon (0,93 %), le CO2 (425 ppm), le néon (18,2 ppm), l’hélium (5,2 ppm), le méthane (1,7 ppm) et le krypton (1,1 ppm). Plus de la vapeur d’eau en quantité très variable (de 0,5 % à 5 % suivant les lieux géographique et la saison). Vouloir contrôler les émissions d’azote dans l’air serait à peu près aussi stupide que de vouloir réglementer les rejets d’eau dans la mer pour éviter de noyer les poissons…

« Des manifestants ont par ailleurs franchi de façon violente un barrage de police à proximité du domicile de la ministre néerlandaise de la Nature et Azote Christianne van der Wal à Harderwijk, qui a présenté ce plan avec le Premier ministre Mark Rutte ».

Ici, une approximation plutôt politique : madame Christianne van der Wal est plus précisément ministre de la Nature et de la Politique de l’Azote (minister for Nature and Nitrogen Policy). Il aurait été plus clair de remplacer « Politique de l’Azote » par « politique concernant les composés de l’azote ».

« Les fermiers néerlandais s’opposent aux projets du gouvernement destinés à réduire les émissions d’azote ».

Le projet du gouvernement néerlandais n’est évidemment pas de réduire les émissions d’azote. Il est de réduire les émissions de protoxyde d’azote (N2O) et des ions nitrates (NO3-) qui sont tous les deux des dérivés de l’azote.

Les émissions de protoxyde d’azote relatives aux activités agricoles proviennent de la gestion des effluents d’élevage. Le protoxyde d’azote est un puissant gaz à effet de serre (GES) ayant un pouvoir de réchauffement global (PRG) sur 100 ans 310 fois plus élevé qu’une masse équivalente de CO2. Il est donc déclaré comme participant grandement au réchauffement climatique de la planète. Le protoxyde d’azote contribue également au phénomène de destruction de la couche d’ozone.

Les ions nitrates (NO3-) proviennent essentiellement des engrais mais peuvent aussi se former par oxydation naturelle des ions ammonium (NH4+) issus des déjections animales (nitrification).

Globalement, l’élevage est donc un émetteur important de composés de l’azote.

« L’azote est un composé de l’ammoniac et pollue l’air et les cours d’eau. Il est notamment à l’origine des algues vertes et peut se transformer en particules fines ».

On est là en plein délire de chimie approximative. Tout d’abord, l’azote n’est pas un composé de l’ammoniac, mais un composant de la molécule d’ammoniac (NH3) : nuance importante… La molécule d’ammoniac comporte trois atomes d’hydrogène (H) et un atome d’azote (N).

L’azote et sa molécule naturelle stable le diazote est le composant principal de l’air que nous respirons. Il est donc très stupide de dire qu’il pollue l’air et les cours d’eau. Ce n’est pas l’azote qui est « à l’origine » des algues vertes mais plutôt les ions nitrates (NO3-) qui favorisent leur développement car elles s’en nourrissent.

La transformation de l’azote en particules fines ne serait possible que si la température descendait en dessous du point de congélation du diazote, soit -210 degrés… Des particules fines contenant des nitrates peuvent se former au-dessus de la mer à partir des embruns et à condition que l’eau des embruns s’évapore. Cependant, la teneur en chlorures de l’eau de mer (19,35 %) est bien plus forte que celle des nitrates (30 ppm soit 0,0030 %), si bien que s’il y a formation de particules fines, celles-ci seront essentiellement composée de chlorure de sodium (sel marin) avec seulement des traces de nitrate de sodium.

Certains produits azotés sont donc bien à l’origine de pollutions : le protoxyde d’azote, gaz à effet de serre et destructeur de la couche d’ozone ; les ions nitrates, qui provoquent la prolifération des algues vertes (principalement ulves) ; l’ammoniac qui peut se transformer en ions nitrates.

Tous ces produits azotés sont issus de l’activité d’élevage et si l’on veut réduire ces émissions, il est clair qu’il faut réduire l’activité d’élevage, c’est-à-dire le nombre de fermes qui représentent l’un des fleurons de l’agriculture néerlandaise.

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  • Merci pour vos rappels de chimie, parfaitement incompréhensibles pour un écolo moyen.
    Les écolos sont contre tout, pour des raisons morales et non pour des raisons objectives, c’est la position de Jadot sur le nucléaire.
    Voici ma contribution afin d’alimenter le green bêtisier : Marine Tondelier a déclaré à propos des bassines : « il faut arrêter d’assécher les sols en supprimant les pesticides. » Le groupuscule qu’elle prétend diriger ferait bien de lui offrir un stage d’agronomie.

  • Les NOx sont certes un GES puissant mais ce sont aussi des précurseurs des ions OH- qui transforment le méthane en CO2, donc moins de NOx ce sera plus de méthane (80 fois plus « efficace » que le CO2 comme GES sur les 20 premières années), c’est d’ailleurs ce qui a été constaté pendant le COVID où la réduction des émissions de NOx a entraîné une forte remontée de la concentration en CH4 (elle est actuellement de l’ordre de 2 ppm)

  • Ecolos et journalistes ont tous été élèves à l’Éducation nationale. D’où leur connaissances en chimie, agriculture, nucléaire, et autres sciences. Et je ne parle pas non plus d’histoire.
    Face aux sans dents qui ont suivi le même cursus, leurs propos sont tout à fait crédibles.
    Vive la gauche qui réécrit la science et l’histoire.

  • Y-a-t-il des alternatives à ces produits pour maintenir cette activité d’élevage ? Je pense qu’il faut d’abord chercher du côté de l’innovation avant de vouloir supprimer…

    • Est-il si difficile de trouver un débouché économique aux algues vertes, par exemple ? Fabriquer des engrais à partir des effluents des fermes ? Mais le but n’est pas de trouver comment mieux vivre, il est de trouver quoi interdire…

    • Le problème n’est pas que ces produits sont utilisés pour l’élevage, mais qu’ils en sont une conséquence inévitable : un élevage, ça produit du lisier / de la bouse / du crottin / …
      Une des solutions est la méthanisation, une autre est de convertir ces sous-produits en engrais, soit directement (ce que font sans doute déjà tous les agriculteurs pas trop idiots, à condition que les normes qui s’appliquent à leur métier ne l’interdisent pas…).
      Je suis peut-être naïf, mais je n’imagine pas que les agriculteurs hollandais balancent tout directement à la mer…

  • Les commentaires sont fermés.

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