Ce lundi 2 janvier, le journal Le Figaro titre : « Avec la réforme des retraites, la rentrée sera explosive » et sous-titre : « Le projet présidentiel, qui suscite une vive opposition politique et syndicale, doit être présenté dans une semaine. »
Le début de l’article précise :
« La réforme, qui se présente comme la plus épineuse et explosive des deux quinquennats du président de la République, sera présentée le 10 janvier, malgré une vive opposition politique et syndicale. Le gouvernement avait initialement songé à en dévoiler les contours à la mi-décembre, mais les craintes de grèves pendant les fêtes, de divisions au sein de la majorité et, dans une moindre mesure, de scrutins dans la fonction publique avaient poussé l’exécutif à se laisser un mois de plus. »
Surface politico-économique et fond idéologique
Que faut-il comprendre ? Deux choses. D’abord, que les détails de la réforme restent à officialiser. Ensuite, que les syndicats préparent une période de blocages et de grèves de grande ampleur alors même qu’ils ignorent la teneur exacte du projet. Et ce dernier point est le plus important : peu importe, aux yeux des syndicalistes, l’intention réelle de Macron car l’essentiel est de déclencher une crise majeure.
Quel est le but des syndicats ? Empêcher la réforme, prétendent-ils, et l’empêcher quelle qu’en soit la nature, puisqu’elle est imaginée par un pouvoir « ultralibéral », « à la botte des riches », relevant de la « casse sociale », etc. Il adoptent une posture la plus à gauche possible face à une mesure qu’ils présentent comme la plus à droite possible. Leurs justifications sont politiques et économiques. Mais en réalité leur grande manœuvre en cours est idéologique. Leur objectif réel est de déclencher un nouvel épisode du sempiternel récit de la lutte des classes.
La lutte des classes, un mensonge sans fin
Qu’est-ce que la lutte des classes ? C’est la guerre civile en temps de paix : l’antichambre de la révolution espérée et prophétisée par les marxistes de toutes obédiences. Les syndicats veulent faire entrer la France et le peuple entier dans une phase d’affrontement maximal, avec paralysie de l’économie, débrayage des services publics, tétanisation de l’activité privée, manifestations de masse, transports en commun bloqués, écoles fermées, hôpitaux en service minimum, voitures qui brûlent, raidissement des forces de l’ordre, CRS qui chargent, indignation des antifascistes, etc.
Un esprit naïf dira qu’ils se lancent dans cette aventure afin d’obtenir, dans le meilleur des cas à leurs yeux, un retrait du projet, ou dans le pire – le plus probable – des concessions du gouvernement et au passage de nouveaux privilèges pour les fonctionnaires. Certes, cela fait intégralement partie de leur plan d’action : les sempiternelles négociations vont mener aux sempiternels avantages catégoriels, lesquels avantages deviendront au fil du temps des acquis indéboulonnables, lesquels acquis aggraveront encore l’inégalité entre travailleurs du public et travailleur du privé et le tout au nom de l’égalité. Les Français connaissent ce scénario par cÅ“ur. Oui, ces misérables victoires sont évidemment inscrites dans l’agenda syndicaliste. Mais l’essentiel est ailleurs.
Car la vraie perspective du mouvement qui naît sous nos yeux est de rendre concrète, tangible, vérifiable dans les rues, dans les administrations et dans les entreprises, la lutte des classes.
Ce n’est pas aux lecteurs de Contrepoints que nous l’apprendrons, la lutte des classes est une construction conceptuelle aberrante, une fiction idéologique, un mythe des XIXe et XXe siècles. Pourtant, elle est la seule et unique justification de l’existence de la gauche rouge en général, et des syndicats rouges en particulier. S’il n’y a plus de lutte des classes, il n’y a plus que la droite, le centre et un progressisme sociétal ectoplasmique. Le PCF, la CGT, Sud, et surtout LFI, disparaissent alors instantanément.
La lutte des classes structure la présence des partis et syndicats de gauche, leurs discours, leurs actions, leur espérance, leur colère et leurs ressentiments. Ils n’ont pas d’autre choix que de faire croire qu’elle est une réalité indéniable. Pour eux, elle est une question de survie : un pays sans lutte des classes est un pays sans eux. Ils ne veulent pas mourir.
L’œuf empoisonné et la poule perverse
Fidèles au slogan de Bakounine, « l’esprit de destruction est esprit de création », ils vont donc générer des troubles graves au point de pousser le pouvoir à contre-attaquer, à se montrer violent, ce qui permettra aux manifestants de radicaliser leur combat, aux quartiers populaires de commencer à s’embraser, aux citoyens d’osciller entre la panique, la colère et la ruine : donc, à la théorie de la lutte des classes de se vérifier dans les faits.Â
Ainsi, le duel auquel nous allons assister – et auquel nous allons, bien malgré nous, participer – n’est-il pas seulement la conséquence d’une théorie aberrante mais également et plus profondément la cause de cette théorie. Dans les semaines qui viennent, gardons bien ce principe en mémoire : ce n’est pas parce qu’il y a la lutte des classes qu’il y a les grèves, mais c’est parce qu’il y a les grèves qu’il y a la lutte des classes.
Une nouvelle fois, et certainement pas la dernière, la gauche va nous enfermer dans son apocalypse imaginaire, et la conséquence en sera une mini-apocalypse, bel et bien matérielle : un appauvrissement général de la nation. Et cela se vérifiera quelle que soit la réforme, qu’elle soit intelligente ou stupide, saine ou toxique, honnête ou cynique.
Il va sans dire que ce ne sera pas une bonne réforme – on connaît Macron. Mais il convient de garder à l’esprit que les grèves n’auront strictement rien à voir avec elle. Elles ne constitueront aucunement une réponse au projet du gouvernement, mais un rituel magique et pervers destiné à donner corps et visibilité au délire de la lutte des classes.
Une nouvelle fois, l’hallucination idéologique va nous tenir dans son étau maléfique.
Un article publié initialement le 4 janvier 2023.
« l’esprit de destruction est esprit de création » : les syndicats se rallieraient-ils à “la destruction créatrice” de Schumpeter ?
Oui, je sais, c’est facile et absurde – Bakounine veut la destruction en espérant qu’elle débouche sur la création, Schumpeter accepte que la création puisse causer la destruction
@Lucx dans leur scenario c’est la destruction créatrice de misère (enfin , sauf pour eux)
Il n’y a pas disparition de ces mouvements gauchistes puisqu’ils ont conquis le pouvoir de longue lutte pour le bien du peuple…enfin dans la misère prolétarienne.
Belle année 2023
c’est le théâtre de la rentrée, pour cacher le reste.
“La baisse tendancielle, en France, du taux de syndicalisation (part des salariés qui sont syndiqués : 11%, soit 20% dans le public et 9% en moyenne dans le privé, selon des chiffres de 2016)” (Wikipédia).
Les syndicats ne sont PLUS représentatifs des salariés depuis belle lurette. Qui représentent-ils alors? Ben eux-mêmes!
On peut en partie imputer à leur rigidité les délocalisations à outrance, ainsi que les réticences des acteurs économiques étrangers à investir en France.
l’Etat et les Collectivités devraient cesser de financer ces extrémistes, non représentatifs, et opposés à toute évolution: ce qui signerait leur disparition définitive.
Après un éniène baroud d’honneur, sûrement!
“L’esprit de destruction est esprit de création”
On dirait du Schumpeter. Alors pourfendre Bakounine pour cela ? Va comprendre Charles !
Voilà .
J’aurais du lire les commentaires avant.
oui certainement !! 🙂 mais vous comprenenez bien que le propos de bakounine est pervers dans son essence même, la définition de la perversion étant d’affirmer que le mal c’est le bien, autres déclinaisons, la propriété c’est le vol, l’ignorance c’est la force.
bakounine était un psychopathe pervers redoutable, comme gramsci comme tous les socialistes en général, car le fondement du socialisme c’est le mensonge
A minima il faut séparer les syndicats fonctionnaires des syndicats du privé.
Et bien sûr aussi supprimer la présomption de représentativité…
Oui, enfin dans ce cas précis, l’immense majorité des manifestants a dû :
– 2017 : pas voter ou voter Macron
– 2022 : pas voter ou revoter Macron
Le tout pour évidemment faire barrage “aux heures sôôôômbreee de notre histoaaaree”)… Bref, des clowns utiles au gouvernement.
Je préfère préciser : je suis contre la réforme et contre les manifestations qui se déroule actuellement, car le résultat était prévisible, et surtout, aucun manifestant ne va dans la rue pour la bonne raison (qui est de revoir drastiquement notre système Ponzi)