Chauffage, usine à gaz et sobriété en copropriété !

Pour une fois, un de nos députés n’invente pas une usine à gaz mais répond à un besoin de manière très pragmatique, il fallait le saluer.

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Chauffage, usine à gaz et sobriété en copropriété !

Publié le 23 mars 2023
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Difficile de ne pas sourire devant certaines mesures du plan de sobriété énergétique présenté le 6 octobre dernier par le gouvernement.

Celui-ci a en effet imaginé tout un tas de choses et notamment, par exemple, que le Français activait le chauffage en fonction des dates et non pas des températures. Il s’est également persuadé que le Français n’avait pas fait le lien entre la consommation d’énergie pour chauffer son logement et le montant des charges qu’il payait. Il trouve donc utile de lui suggérer de :

« Décaler la période de chauffe au milieu de l’automne. Dans les immeubles dotés d’une installation collective de chauffage, la période de chauffe s’étend généralement du 15 octobre au 15 avril. […] En début et en fin de période de chauffe, des températures plus clémentes pourraient permettre de retarder la mise en route du chauffage et d’anticiper son arrêt après l’hiver. »

Prenons un instant pour apprécier la recommandation du gouvernement à sa juste valeur.

 

La réalité des copropriété

Une fois ceci fait, rappelons-nous que dans la réalité les copropriétaires ne sont pas des mômes immatures et n’ont pas attendu les suggestions du gouvernement pour gérer au mieux le chauffage collectif et les charges qui en découlent.

Mais surtout, souvenons-nous que la plupart du temps, pour ne pas dire tout le temps, les chaudières en copropriété sont équipées de sonde extérieure et que la délivrance du chauffage à la collectivité est donc déjà automatiquement régulée en fonction des températures. Préconiser de ne pas se chauffer quand il fait bon est aussi inutile que de recommander à quelqu’un de sortir couvert quand il fait froid. Ça n’a aucun sens puisque c’est déjà le cas.

Et au milieu de toutes ces préconisations dénuées d’utilité, l’une d’entre elles a particulièrement attiré mon attention :

« Appliquer l’individualisation des frais de chauffage dans les logements collectifs. Dans les immeubles chauffés collectivement, l’individualisation des frais de chauffage permet de connaître la consommation énergétique de chaque logement et d’ajuster en conséquence le montant de la facture de l’occupant […] Les syndicats de copropriété seront sensibilisés à l’intérêt de programmer l’individualisation des frais de chauffage à l’occasion de l’élaboration des plans pluriannuels de travaux (PPT), dont l’élaboration sera obligatoire dans toutes les copropriétés entre 2023 et 2025. »

Forcément ! Mettez vous un peu à la place du gouvernement : il est à l’origine d’un dispositif formidable. S’il n’est pas appliqué, c’est que ceux qui le subissent ne l’ont pas compris. Il ne peut être question de désaveu massif.

Ainsi, si les associations de consommateurs sont montées au créneau en conseillant la rébellion pour l’ARC, en conseillant d’attendre pour Que Choisir ou en parlant de mesure « inaboutie et injuste » pour la CLCV, cela n’a pu être que par méconnaissance.

Et si aujourd’hui, 75 % des immeubles en copropriété n’ont pas fait suite à l’obligation, soit en gros trois millions de logements sur 4,5 millions concernés, cela ne peut être que par méconnaissance.

Une intention louable du gouvernement s’est traduite, ô surprise, par l’adoption d’une obligation de pose d’appareils peu efficaces mais très coûteux avec pour conséquence un déploiement minimaliste.

Le dispositif étant forcément parfait le seul vrai problème ne pourrait donc être qu’un manque d’accompagnement. Mais comme le gouvernement va enfin sérieusement se saisir du sujet avec l’efficacité que l’on lui connaît et reconnait, ce sera très vite résolu. Forcément ! Il est d’ailleurs si sûr de lui qu’il se permet le luxe de décider accélération du déploiement de l’individualisation en utilisant, pour les copropriétés, les plans pluriannuels de travaux obligatoires qui devront être faits entre 2023 et 2025.

De vous à moi, j’imagine mal que l’incitation se fasse en douceur et avec beaucoup de pédagogie. Il y a plus à parier qu’il a prévu qu’elle se fera en appliquant tout l’arsenal de sanctions voté notamment en réclamant les pénalités.

Faisons d’ailleurs un tout petit calcul. Les pénalités prévues sont de 1500 euros par an et par lot de copropriété récalcitrant. Multipliés par 3 millions de logements en défaut, cela fait un potentiel de 4,5 milliards d’euros par an à récupérer pour sanctionner la non mise en place d’un système qui de l’avis de tous ne marche pas bien. Allons donc ! Mais surtout n’y voyez aucun lien de cause à effet.

 

La difficile individualisation des frais de chauffage en copropriété

À côté de ce grand n’importe quoi à la réalisation duquel s’acharne le gouvernement, tombe une bonne surprise venant d’un avocat de métier. Maître Christelle d’Intorni, également députée LR, a en effet déposé une proposition de loi très intéressant le 21 février dernier.  Sa formation et son métier se ressentent dans ce qu’elle propose et cela fait du bien.

Son constat est le suivant : peu importe l’individualisation ou non des frais de chauffage, les copropriétaires ne sont jamais protégés de l’augmentation des prix. Ils le sont d’autant moins que les copropriétés ont été largement pénalisées au moment de renégocier leurs contrats d’énergie. De surcroît, en vertu du principe de solidarité, la collectivité se retrouve à faire l’avance des frais de chauffage comme des autres dépenses pour les copropriétaires ne pouvant pas les payer.

Elle pointe aussi l’absurdité de maintenir, même en individualisant les consommations, un chauffage collectif qui distribue de la chaleur en circulant dans tout l’immeuble, y compris dans les logements vides. Elle en conclut qu’il faudrait permettre aux copropriétaires qui le souhaitent de sortir du système de chauffage collectif.

Actuellement, basculer d’un mode collectif à un mode individuel nécessite un vote à l’unanimité, ce qui implique pour ce changement un accord parfait entre copropriétaires qui tous doivent participer au vote. Un seul absent, souvent dont l’intérêt est de ne rien changer et qui ne l’assume pas, ou qui vote contre et le passage à un mode de chauffage individuel n’est plus possible.

Ce que j’ai pu constater au cours de 25 ans de métier c’est qu’avant d’envisager le remplacement d’une chaudière ou l’individualisation des consommations, la question du passage à un chauffage individuel a été évoquée à chaque fois. L’impossibilité d’obtenir une unanimité a été la seule cause de l’abandon du projet et de la persistance du système collectif.

Les copropriétaires sont prisonniers d’un mode de chauffage qui ne leur convient pas, soumis à une individualisation qui ne fonctionne pas à cause du principe d’unanimité. Pourquoi toujours vouloir les contraindre ou les éduquer au lieu de leur faire confiance et leur donner les outils qui leur permettront de choisir ce qui leur conviendrait le mieux ? Forcément, dans un esprit gagnant-gagnant, ils iront vers le système de chauffage qui leur permettra de se chauffer au moindre coût y compris d’énergie.

La démarche de la députée Christelle d’Intorni s’inscrit dans ce contexte en proposant de tout simplement modifier la loi du 10 juillet 1965 qui régit la copropriété et permettre que l’on puisse faciliter la bascule du collectif à l’individuel de l’unanimité à l’article 25 (la majorité absolue des tantièmes de la copropriété pour résumer très grossièrement).

Pour une fois, un de nos députés n’invente pas une usine à gaz mais répond à un besoin de manière très pragmatique, il fallait le saluer.

 

Le projet a été déposé le 21 février. Attendons de voir ce qu’il deviendra maintenant.

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  • Et pourquoi, tout simplement,si un copropriétaire décide de sortir du système de chauffage collectif, ne pourrait-il pas le faire ?
    A ses frais, il coupe l’arrivée de l’eau chaude dans ses radiateurs et il raccorde dessus la chaudière de son choix. Il lui restera quand même à régler sa part de chauffage des parties communes.

    • Comme si tous les chauffages collectifs étaient avec radiateurs, d’autres sont avec chauffage au sol …

    • Il faut démonter ou faire démonter ses radiateurs quand il y en a.
      Ainsi il ne sera pas possible de monter des appareils dessus.
      Seul problème, il faut être de mèche avec un installateur chauffagiste pour purger les colonnes et remettre l’installation en marche.
      Bien entendu, il faut avoir quelques moyens ce qui n’est pas évident pour tous.

    • Je suppose que dans le cas d’un immeuble en chauffage collectif, le système de chauffage est une partie commune dont l’entretien ou les modifications incombent à la copropriété. Ce qui rend assez délicat le fait de supprimer l’installation d’un appartement.
      En outre, se couper de l’installation collective pour mettre en place son propre système de chauffage n’est même pas intéressant : le propriétaire étant sorti continuerait à payer pour le chauffage de tous ses voisins dans ses charges. Il se trouverait comme les parents qui mettent leurs enfants dans une école privée : ils paient pour le public qu’ils n’utilisent pas, mais aussi pour l’école privée.

      • Dans une copropriété à chauffage collectif, les radiateurs ou le chauffage par le sol sont la propriété du propriétaire et c’est d’ailleurs à lui qu’il en incombe l’entretien. Si vous avez un radiateur qui est percé, c’est vous qui payez le nouveau, mais pas la copropriété.
        Mais je parlais d’une sortie du chauffage collectif en toute légalité. Vous n’êtes plus raccordés au chauffage collectif, et vous ne payez plus les tantièmes correspondants. Il ne s’agit pas d’être « de mèche » avec un plombier. Tout se fait légalement. Et après vous vous chauffez comme vous en avez envie.

  • Effectivement, une proposition simple et de bon sens qui rend un peu de liberté aux citoyens : faut saluer !!!

  • Les commentaires sont fermés.

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Certains Républicains ont encore fait mouche avec une finesse dont ils sont coutumiers. Ils ont eu une idée qui leur a semblé assez lumineuse pour mériter d’en faire une loi intitulée « proposition de loi visant à interdire aux copropriétaires en défaut de voter aux assemblées générales ».

Prenez un instant pour mesurer la violence des mots utilisés : « interdire » et « défaut ».

Je laisse ensuite les plus courageux d’entre vous prendre connaissance de la proposition de loi déposée le 21 février 2023.

 

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