Management : aller sur le terrain

comment faire pour ne pas s’isoler dans sa tour, et ainsi perdre le contact avec la vraie vie opérationnelle et les préoccupations des employés de l’entreprise ?

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Photo de Fredrik Solli Wandem sur Unsplash

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Management : aller sur le terrain

Publié le 20 mars 2023
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Quand on arrive tout en haut de l’entreprise, on a une préoccupation : comment faire pour ne pas s’isoler dans sa tour, entouré de courtisans qui veulent tous se mettre en avant en nous envoyant des notes en tous genres pour se faire bien voir, et ainsi perdre le contact avec la vraie vie opérationnelle et les préoccupations des employés de l’entreprise.

Alors les dirigeants cherchent les trucs pour garder ce contact. Les plus technos pensent aux datas, compiler et analyser des tas de données sur ce qui se passe dans l’entreprise, à coups de sondages et de baromètres sur la « température sociale », ainsi que les outils de surveillance divers qui ne disent pas leur nom. Mais cela ne dit pas tout.

Et certains dirigeants cherchent autre chose de plus physique.

Alors, on va parler « d’aller sur le terrain » ; cette expression fait fureur dans le vocabulaire des patrons dans le coup. C’est la marque d’une attention pour les employés, que l’on adore « écouter ».

Et là, les idées foisonnent. On a eu le temps des « Comex de jeunes » avec qui l’on fait des dîners de temps en temps et à qui on soumet des projets à étudier (pas des trucs importants, mais des trucs de jeunes qui parlent de sauver la planète ou d’améliorer le bien-être des employés ; et les syndicats, qui aimeraient avoir le monopole du « dialogue » détestent tous ces trucs).

On peut aussi faire des visites programmées ou impromptues dans les arcanes de l’entreprise, y compris dans les régions loin du siège, et les ateliers de production, ou faire le client mystère dans les magasins du groupe de distribution (genre patron presque incognito). Et après, grâce à ces observations, on peut envoyer dans les dents du comex, lundi matin, tout ce qui déconne dans l’entreprise et que le patron, lui qui se bouge, a pu voir de ses yeux et entendre de ses oreilles. Effet garanti d’une super ambiance lundi matin au comex. Oui, la manie d’« aller sur le terrain » peut aussi avoir ses côtés pervers.

 

Quand aller sur le terrain devient un mode de management

Mais « aller sur le terrain » cela peut aussi devenir un mode de management ; on appelait ça dans les années 1990 « managing by wandering around (MBWA) », en français le management baladeur. Et ça marche encore. C’est aussi l’occasion, non seulement de s’informer sur le fonctionnement concret de l’entreprise mais aussi de motiver le personnel. Cela peut prendre la forme d’une réunion debout, impromptue, pour discuter de ce sur quoi travaillent en ce moment même les employés, et recueillir des infos pour améliorer le fonctionnement.

Un auteur américain, Kenneth H. Blanchard, avait popularisé ces pratiques dans son ouvrage célèbre, The One Minute Manager, dans les années 1980 et plusieurs rééditions complétées depuis, incitant par exemple à surprendre les employés qui font des bonnes choses sur un projet et à les en remercier.

Le MBWA, c’est aussi la pratique des small talks consistant à échanger avec les employés sur autre chose que leur travail, leur famille, leur passe-temps, leurs préoccupations. Et découvrir qu’ils sont aussi des personnes humaines que l’on ne connaissait pas. Aujourd’hui, l’entreprise responsable est aussi celle qui est responsable de bien plus que le travail accompli par ses salariés entre ses murs, mais aussi du bien-être et de l’équilibre de vie de ceux-ci. Certains aiment bien ça, d’autres sont gênés par ce qu’ils peuvent prendre comme une intrusion inappropriée de l’entreprise dans leur vie privée. Les risques d’en faire trop existent aussi. Et l’on a aussi les dirigeants et entreprises qui en font tellement (les soirées « clown », les pots interminables, les sorties au bowling, les employés sont monopolisés par tous ces off à tel point qu’ils ne font plus rien de leur vie privée ; et si on n’y va pas, on risque d’être mal vu, le comble).

Dans cette obsession de garder le contact avec les employés, tout est question de mesure et surtout d’authenticité forcément, plutôt que de se forcer à faire « comme si » sans y croire. Et pour que cela soit efficace, ça doit marcher dans les deux sens : le dirigeant qui informe et fait descendre et circuler les informations et messages, et le dirigeant qui écoute et se remet en question.

Un exemple concret est fourni ce mois ci dans Le Figaro avec l’interview de la PDG de Suez, Sabrina Soussan.

Elle est arrivée à son poste il y a un an, au moment où une partie de Suez est partie dans le groupe Veolia, après son OPA. L’enjeu de redonner confiance aux équipes « restantes » était donc important.

Et elle le dit elle-même dans l’interview du Figaro : « être au contact du terrain était primordial ».

 

Et donc, on fait quoi ?

Se rendre sur tous les sites du groupe (même plus petit, il en reste pas mal) ; elle en a fait une centaine dans huit pays. Le but : « emmagasiner un maximum d’informations pour nourrir la vision stratégique du nouveau Suez ». Oui, le dirigeant sur le terrain est un magasin qui remplit son stock d’informations.

Mais il faut aussi faire redescendre l’information. Quel est le secret de Sabrina Soussan ? « Tous les trois mois, j’organise une webcast : deux heures pendant lesquelles nous abordons tous les sujets, avec une séquence de questions des salariés ». Et voilà pour la communication et le dialogue à grande échelle en webcast.

Mais, il y aussi des moments plus intimes, en petits groupes : « J’invite aussi à déjeuner une fois par mois entre dix et quinze personnes, aux profils variés, pour des échanges informels ».

Autre mot du vocabulaire de dirigeant, « cascader ». Est-ce acrobatique ? Non, cela parle plutôt des managers intermédiaires, courroie de transmission clé de l’entreprise : « Je passe aussi régulièrement du temps avec les 200 managers du groupe : je leur demande de cascader l’information pour que personne ne soit tenu à l’écart ».

Mais le « terrain », c’est aussi tous les jours, et Sabrina Soussan en parle aussi : «  je suis beaucoup sur le terrain pour écouter et expliquer cette feuille de route, qui n’est pas figée et qui se vit au quotidien ».

Écouter et expliquer seraient les maîtres-mots d’un bon contact terrain ?

Vous avez remarqué, vous aussi, que les femmes dirigeantes nous donnent souvent de belles leçons de management ? Comme cette autre rencontre ICI, pour me parler de bêtises et de droit à l’erreur.

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  • Plutôt comme pour le fils Bouygues , pratiquer les différents métiers avant de prétendre les commander, de même que dans les écoles d’ingénieurs généralistes le font.
    D’ailleurs, les politiciens devraient s’en inspirer au lieu de ruiner le pays, comme maintenant

  • Les commentaires sont fermés.

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