Un rapport parlementaire souligne les carences dans la défense antiaérienne

Un nouvel enseignement pour la défense française à tirer du conflit ukrainien en matière de défense antiaérienne.

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Un rapport parlementaire souligne les carences dans la défense antiaérienne

Publié le 19 février 2023
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Les conclusions d’un rapport de la commission de la défense nationale et des forces armées (Assemblée nationale), présentées mercredi 15 février 2023 soulignent les principales carences de la défense antiaérienne en France et en Europe (Défense Sol-Air ou DSA) et proposent des clés pour investir les 5 milliards d’euros prévus dans le projet de loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM 2024-2030).

Les deux députés, rapporteurs de la mission flash constituée le 18 octobre 2022Natalia Pouzyreff (Renaissance) et Jean-Louis Thiériot (LR), estiment que la Défense Sol-Air (ci-après DSA) « a été longtemps sacrifiée » ; mais la guerre en Ukraine a changé la donne.

Il y a un an, Jean-Louis Thiériot et Patricia Mirallès (aujourd’hui Secrétaire d’État aux côtés du ministre des Armées Sébastien Lecornu) faisaient le constat des lacunes de la DSA française.

Un an plus tard le constat n’a que peu changé, alors que la France a cédé des capacités à l’Ukraine.

« La défense sol-air est au cœur du tournant marqué par le conflit en Ukraine : la capacité de l’armée ukrainienne à contenir et empêcher la supériorité aérienne russe constitue un élément clef des premiers mois de la guerre, ayant conditionné la suite des affrontements » selon les deux rapporteurs. Ces derniers rappellent qu’en une seule journée, les armées ukrainiennes « consomment jusqu’à 200 missiles pour défense antiaérienne, soit l’équivalent de ce que produisent potentiellement en un an l’ensemble des industries alliées. »

Or, note le rapport, « la DSA [ndlr : en France] a été longtemps sacrifiée car la menace aérienne avait quasiment disparu d’une part et les armées devaient gérer au mieux la pénurie de leurs budgets d’autre part. » La France ne compte plus qu’un régiment de défense en antiaérien (vs quatre en 2002). Néanmoins, les députés se félicitent que la LPM 2024-2030 prévoie un investissement de 5 milliards d’euros dans ce domaine, incluant la lutte anti-drone.

Pourtant, face à l’urgence et la gravité de la situation internationale, on peut s’interroger sur le temps que prendra la montée en puissance de cette nouvelle priorité, comme par exemple le remplacement des Crotale NG à leur retrait de service en 2026. Le ministre des Armées a certes annoncé une commande de missiles français VL Mica. « On ne peut pas parler aujourd’hui de trou capacitaire » car « tous les segments de la DSA de la très courte portée à la moyenne/longue portée sont couverts », constate le rapport.

« La France est un des rares pays à avoir maintenu des missiles Mistral [ndlr : MBDA], Crotale [ndlr : MBDA/Thalès] et Mamba » déclare Jean-Louis Thiériot, mais dans une guerre à la haute intensité « se pose la question des volumes et des stocks. » Aussi, « un réinvestissement au niveau des équipements est indispensable pour éviter le déclassement de notre DSA » à horizon 2035.

Le député LR estime incontournable la remontée de l’équipement à 12 systèmes SAMP-T Mamba contre 8 actuellement. Ces nouveaux systèmes offriraient un supplément de 16 lanceurs (à relier à la commande récente par la France et l’Italie de 700 missiles Aster 30 B1 et B1NT – livraison 2026). De son côté, Natalia Pouzyreff juge tout aussi « indispensable » de financer les évolutions du Mamba, au-delà des Aster B1NT EC dont « la mise en service est prévue en 2027 ».

Jean-Louis Thiériot est également favorable au renforcement de la défense antiaérienne très courte portée : « Le retour du canon [ndlr : Rapid Fire de Nexter et Thalès] est le seul moyen de traiter les défenses saturantes de type drone à un coût acceptable ». Le succès impressionnant des Gepard envoyés à Kiev par l’Allemagne a montré l’extrême utilité des canons antiaériens contre les attaques de drone.

En Ukraine, le défense antiaérienne des deux camps a cloué au sol l’aviation des deux belligérants, les empêchant l’un comme l’autre de mener une offensive décisive. Un nouvel enseignement pour la défense française à tirer du conflit ukrainien.

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  • On avait écarté l’idée d’une guerre de haute intensité en europe… donc la liste des carences est longue comme le bras..

  • La défense est un tout. Avoir une défense anti aérienne et pas de moyens terrestres ni de munitions ne sert à rien. Et s’il y a tant de carences dans l’armée française c’est uniquement parce que le budget de la France finit dans l’assistanat et l’armée de fonctionnaires inutiles. 3000 milliards d’euros qui disparaissent chaque année dans un puit sans fond. Et le coq continue de chanter que tout va bien et qu’on est les meilleurs dans tous les domaines. Cocorico, cocorico, cocorico.

  • « Dès la 3ème ligne de l’article (« … les principales carences de la défense antiaérienne EN FRANCE ET EN EUROPE [j’écris ces termes en capitales à défaut de savoir les souligner] … »), tout est dit : les principes, orientations et mises en œuvre de la défense de la France ne peuvent se concevoir que en conformité avec un cadre « européen », comprenons otano-atlantiste puisque les pays d’Europe ne connaissent pas d’autre référence en matière de défense, ce que marque notamment l’article 42.2 du traité de Lisbonne qui fait de l’OTAN la référence de l’UE en matière de défense.

    Cela ne fait que confirmer une série d’orientations, notamment celles affirmées lors de la négociation du traité d’Amsterdam (octobre 1997) modifiant les traités de Rome (1957) et de Maastricht (1992) : les discussions autour de la rédaction du traité exclurent l’option de constitution d’un système militaire européen alternatif à l’OTAN, le principe de non-duplication entre la défense européenne et l’OTAN continuant de faire l’unanimité. L’OTAN étant la courroie de transmission des États-Unis et servant ainsi à la mise en œuvre en pratique de cette « vassalisation institutionnelle » des pays européens au profit de l’empire étasunien, l’architecture du système est complète et verrouillée puisque, en matière de défense, l’UE sert à « rabattre » les États-membres dans le cadre exclusif de l’OTAN, structure qui prétend désormais intervenir n’importe où dans le monde sur convocation des États-Unis (Kossovo, Irak, Afghanistan, Ukraine, etc.).

    À juste titre, le juriste Armel Pécheul a pu parler d’un « retour de la Communauté européenne de défense », qui fut élaborée en 1950, notamment sous l’égide de Jean Monnet, « ce petit financier à la solde des États-Unis » (Charles De Gaulle). Rappelons que c’était un projet d’intégration des principales armées d’Europe de l’ouest dans une armée « européenne » avec des institutions supranationales, placées sous la supervision du commandant en chef de l’OTAN, qui était lui-même nommé par le président des États-Unis : suite notamment à l’action du général De Gaulle, le Parlement rejeta ce monstrueux projet en 1954. Mais le parti de l’étranger ne désarme jamais …

    Depuis l’aggravation des tensions avec la Russie, en particulier suite au déclanchement de la guerre ouverte russo-ukrainienne en février 2022, une propagande multiforme et incessante enjoint aux pays d’Europe, France comprise, de réviser radicalement leur politique de défense et d’augmenter significativement leurs budgets (devant être utilisés de préférence pour acheter des armes étasuniennes : F-35, missiles, etc.) afin d’être en mesure de soutenir un « conflit de haute intensité » présenté comme quasiment inévitable avec la Russie.

    On en « oublie » les principes fondamentaux qui doivent servir à la politique de défense de tout pays digne de ce nom, en particulier :
    . primauté de l’intérêt national sur toute « solidarité », laquelle est toujours à sens unique, s’agissant des relations avec l’OTAN, donc les États-Unis,
    . analyse objective et documentée des menaces au-delà du court terme et des « effets de mode » diffusés par les criailleries médiatiques,
    . très grande inertie des orientations : tout grand programme d’armement se définit plusieurs années à l’avance et sa mise en œuvre se mesure au moins à l’échelle d’une décennie.

    Dans le cas de la France, les priorités fondamentales sont et restent :
    – le MAINTIEN (ce qui implique des investissements réguliers de mise à jour) à un niveau qualitatif et quantitatif – tout juste suffisant actuellement – de notre force de frappe nucléaire qui « sanctuarise » notre territoire vis-à-vis de toute puissance nucléaire : cf. la théorie fondamentale et toujours valable du pouvoir égalisateur de l’atome ;
    – la nécessité d’augmenter significativement notre puissance navale, très insuffisante actuellement : en particulier, n’avoir qu’un seul porte-avions fait de la France une puissance aéronavale « à éclipse » et nous sommes très très loin de pouvoir protéger notre domaine maritime, qui est pourtant le plus grand du monde (11 millions de km2) ; l’ignorance des enjeux maritimes est un plaie récurrente de la politique de la France depuis au oins six siècles ;
    – la nécessité de disposer d’une capacité de projection, à tout le moins en Afrique subsaharienne : or nos moyens actuels sont insuffisants et il faut au passage saluer le remarquable professionnalisme et le dévouement de nos soldats qui réussissent des « miracles » presque quotidiens malgré ces conditions très difficiles.

    Dans ce contexte, il est exclu de se ranger docilement sous la bannière otano-étasunienne pour mettre en œuvre des politiques définies à l’étranger, au mieux sans rapport avec nos intérêts, au pire contraires à ceux-ci. Je comprends parfaitement que Polonais ou Baltes aient une autre vision en raison d’une situation « géostratégique » très différente : mais la France ne doit pas adopter la même politique de ces pays, lesquels, très logiquement, ne soutiennent pas la nôtre. « Aucun pays n’est obligé de se sacrifier sur l’autel d’une alliance. » (Otto von Bismarck).

    • @Liger
      Bonjour,
      Vos commentaires sont intéressants toutefois j’avoue que l’utilisation des termes « étasuniens’  » etatsunophone » est indigeste. Les Américains n’utilisent pas  » USers » ni « USans » pour leurs citoyenneté.

      Trump, quand il était POTUS, avait bien conseillé aux dirigeants européens d’augmenter leur budget de défense à 2% de leurs PIB. La France ne fabrique plus ses armes légères, elle les achète aux Allemands et aux Autrichiens. Les gouvernements successifs ont détruit les manufactures d’armes et saboté même notre capacité d’entretien des sous-marins.

      Alors qu’il nous est interdit le droit des armes, notre gouvernement actuel livre, à un gouvernement étranger, même pas allié, pour ses citoyens civils et militaires, des armes qui nous sont interdites, et certaines qui nous manquent et qui nous pourraient fortement nous manquer.

  • Il faudrait aussi et d’urgence constituer une flotte d’observation et d’attaque. Il suffit de voir l’utilisation que font les Ukrainiens de drones relativement simples pour infliger des dégâts considérables aux chars et autres véhicules blindés d’infanterie.

    • Observation, si c’est dans le cadre du renseignement, oui. Attaque, NON. Les capacités d’attaque se construiraient naturellement au détriment des capacités de défense, et nous n’avons pas à préparer de quelconques attaques.

  • L’Europe est un sous continent dans le monde d’aujourd’hui et court de grands risques. Elle doit se doter d’une défense commune adaptée aux menaces et surtout apte à faire une guerre conventionnelle de haute intensité. Nous en sommes très très loin.
    Mais ceci ne suffit pas, il faut qu’elle se dote rapidement d’une industrie de défense indépendante des USA. Une armée qui n’a pas d’industrie de défense propre ne marche pas sur ses deux jambes.
    Pour des raisons politiques, les communistes avaient fait avorter un grand projet de défense européenne parce que l’ennemi était clairement l’URSS. Ceci est terminé depuis la chute du mur.
    Tout est à bâtir, une armée commune et une industrie commune. Les USA ne nous protégerons pas toujours. Trump l’avait déjà dit et un retour des Républicains à la Maison Blanche le concrétisera.
    Or la situation européenne est catastrophique aussi bien en termes d’indépendance de son industrie de défense, qu’en termes de réserves de matériels et de munitions et probablement de vision à long terme en matière d’évolutions des conflits.

    • @Jean Fluchere
      Au moins autant que les communistes, le Général De Gaulle fut à
      l’origine du rejet de la CED en 1954, projet atlantiste destiné à détruire notre indépendance (plus d’armée, elle aurait été intégrée dans un ensemble étasunophone aux ordres des États-Unis).
      Que l’URSS existe ou n’existe plus, les atlantistes n’en démordent pas : la France doit abdiquer toute réelle indépendance pour dissoudre sa défense dans l’OTAN, donc être totalement vassalisée par l’hyperpuissance étasunienne.
      Que ce soit contraire aux intérêts les plus fondamentaux de notre pays n’y change rien pour ce parti de l’étranger dont les néfastes activité et propagande rappellent celles de la Ligue ultra-catholique dirigée par les Guise qui trahissait Henri III au profit des Habsbourg, l’hyperpuissance de la fin du XVIe siècle.

    • Se préparer à bon marché à une guerre conventionnelle de haute intensité, c’est faire ce qu’il faut pour qu’elle n’ait pas lieu. Une guerre conventionnelle de haute intensité est de toute façon une catastrophe économique et humaine pour les deux belligérants. Cela signifie que la dissuasion et la négociation suffiront toujours à l’éviter, si elles font bien partie de l’arsenal du pays.

      • @MichelO
        Bonjour
        « Se préparer à bon marché à une guerre conventionnelle de haute intensité, c’est faire ce qu’il faut pour qu’elle n’ait pas lieu. »
        « à bon marché », ça fait un peu bluff, non ? A moins que vous ne pensiez que la diplomatie ne repose que sur du bluff ? Si l’interlocuteur décide de « caller le bluff », montrer un brelan de 2 ne suffira probablement jamais. Or, il semble que n’ayons même pas de paire (militairement parlant.)

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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