L’âge du déclin démographique

Les États-Unis et une grande partie du reste du monde développé sont entrés dans l’ère du déclin, l’innovation et la croissance économiques ralentiront également.

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L’âge du déclin démographique

Publié le 14 février 2023
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Par Antony Davies.

Les transitions entre les époques ne sont que parfois faciles à identifier. Les historiens ont identifié l’avènement de la révolution industrielle des décennies après son début. En revanche, le début de l’ère atomique peut être daté à la seconde où la première bombe atomique a explosé au-dessus d’Hiroshima, et il n’a fallu que quelques heures pour que le monde sache que l’humanité était entrée dans une nouvelle ère.

 

Une évolution démographique inquiétante

Une grande partie du monde développé est récemment entrée dans une nouvelle ère que les historiens ne nommeront probablement pas et que le grand public ne remarquera pas avant une dizaine d’années : l’ère du déclin. Le Japon, la Grèce, l’Italie, le Portugal, la Russie, l’Allemagne, l’Espagne, la Corée du Sud et la Chine, ainsi que trente autres pays développés, devraient voir leur population décliner en 2023. Hong Kong, la Finlande, Taïwan, la France, l’Autriche, la Belgique, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, le Danemark et les États-Unis, parmi trente-trois autres pays, verront leur population augmenter de moins d’un demi pour cent. Pour la plupart des pays développés et des grands centres de population, la croissance démographique s’est largement arrêtée.

Si cela peut être une bonne nouvelle pour ceux qui craignent la surpopulation, la théorie et les preuves indiquent que nous avons bien plus à craindre du déclin démographique. Comme l’économiste Julian Simon l’a souligné il y a quarante ans, les êtres humains sont la ressource ultime car ils créent des ressources là où elles étaient inexistantes auparavant. Toutes les ressources qui rendent possible notre vie moderne et confortable, de l’énergie aux transports en passant par la communication, la réfrigération, le contrôle du climat et les produits pharmaceutiques, sont le fruit de l’ingéniosité humaine. Il n’est pas étonnant que l’explosion de la population mondiale ait entraîné celle de nos ressources.

L’âge du déclin posera un problème particulièrement difficile pour des pays comme les États-Unis qui comptent sur les jeunes travailleurs pour soutenir les retraités. Les derniers chiffres du recensement prévoient que dans les sept prochaines années la migration nette vers les États-Unis dépassera la croissance naturelle de la population du pays, ce qui nous rendra, pour la première fois en près de 150 ans, dépendants de l’immigration pour notre croissance démographique. Même dans ce cas, le recensement prévoit que le taux de croissance de la population américaine tombera (de façon permanente) en dessous de 0,5 % au cours de la décennie.

Depuis des décennies, nous connaissons les implications pour la sécurité sociale. En 1960, il y avait plus de cinq travailleurs cotisant au système pour chaque bénéficiaire de la sécurité sociale recevant des prestations. Aujourd’hui, c’est moins de trois. Et ce nombre devrait tomber à deux dans les dix ans à venir. En bref, le travailleur moyen d’aujourd’hui doit contribuer à la sécurité sociale deux fois et demie ce que le travailleur moyen d’il y a trois générations contribuait.

L’évolution démographique fait non seulement peser une charge plus lourde sur les travailleurs mais rend également de moins en moins possible la mise en place des changements nécessaires. À mesure que le rapport entre les travailleurs et les retraités diminue, le pouvoir de vote de ces travailleurs diminue également.

Les personnes âgées de 53 ans et plus bénéficient de la sécurité sociale et ne sont donc pas intéressées par des réformes impliquant une réduction des prestations, ou sont suffisamment proches de la sécurité sociale pour être moins intéressées par une réforme du système à leur propre détriment. En outre, les jeunes travailleurs sont moins enclins à voter que les personnes âgées.

À l’extrême, si tous les électeurs probables âgés de 52 ans et moins soutenaient la réduction des prestations de sécurité sociale et que tous les électeurs probables âgés de 53 ans et plus s’y opposaient, alors, dans un vote organisé aujourd’hui, une proposition de « réduction des prestations » l’emporterait par un maigre 51 % contre 49 %. Dans sept ans, ce serait un match nul. À partir de 2030, l’évolution démographique en faveur des personnes âgées rendra impossible la victoire de l’option « réduction des prestations ». Et cela suppose que les électeurs âgés de 52 ans et moins soient unanimement en faveur d’une réduction des prestations de sécurité sociale.

En fait, près de 80 % des Américains en âge de travailler affirment que les prestations de sécurité sociale doivent être préservées même si cela implique une augmentation des charges sociales.

 

Des effets néfastes

Malheureusement, les lois de l’arithmétique l’emportent sur la rhétorique politique et les vœux pieux. Le conseil d’administration de la sécurité sociale (Social Security Board of Trustees) estime qu’en l’absence de tout changement, la sécurité sociale accusera un déficit de 2,5 billions de dollars au cours de la prochaine décennie.

Pour éliminer ce déficit, il faudrait soit réduire les prestations de sécurité sociale d’environ 25 %, soit augmenter les recettes des charges sociales d’environ 25 %, soit une combinaison des deux. Bien entendu, l’État fédéral peut toujours emprunter pour financer le déficit de la sécurité sociale mais cela n’élimine pas le déficit et ne fait que le déplacer d’un ensemble de registres étatique à un autre. Peu importe ce que nous choisissons de faire, les contribuables vont en payer le prix. La question qui demeure est de savoir lesquels. Au vu des sondages et de l’évolution démographique, la réponse semble être les contribuables qui travaillent.

Une solution possible souvent évoquée consiste à supprimer le plafonnement des charges sociales. Le danger est d’imposer un coût important aux entrepreneurs en herbe. Les ménages disposant d’au moins un revenu et d’une activité secondaire qui s’est développée suffisamment pour fournir un revenu significatif mais pas assez pour être une entreprise à part entière, sont plus susceptibles de gagner (ou de prévoir de gagner bientôt) près du plafond des charges sociales (actuellement 160 000 dollars). Étant donné que les propriétaires d’entreprises doivent payer les deux moitiés des charges sociales (employeur et employé), la suppression du plafond des charges sociales impose une taxe supplémentaire de 12,4 % sur les revenus des propriétaires d’entreprises au-delà de 160 000 dollars. Cela dissuadera les entrepreneurs de développer suffisamment leur activité secondaire pour pouvoir embaucher des salariés. Une modification plus favorable aux entrepreneurs, consistant à maintenir le plafond de 160 000 dollars, mais à le supprimer pour les revenus supérieurs à 250 000 dollars, permettrait d’obtenir moins de la moitié de ce qui est nécessaire pour combler le déficit de la sécurité sociale.

L’économie et la démographie penchent toutes deux pour que la charge croissante de la sécurité sociale repose sur les épaules des travailleurs. Une population stagnante rendra cette charge à la fois plus lourde à supporter financièrement et plus difficile à alléger politiquement. Entretemps, le ralentissement de la croissance démographique signifie en fin de compte un ralentissement de la croissance économique. En bref, le problème ne fait que s’aggraver au fil du temps.

Ce n’est pas une coïncidence si les États-Unis sont passés d’une petite nation agraire à une superpuissance économique au cours du même siècle et demi où leur population a été multipliée par 30. Mais cette époque est révolue. Les États-Unis et une grande partie du reste du monde développé, sont entrés dans l’ère du déclin. À mesure que la croissance démographique des pays développés ralentira, l’innovation et la croissance économiques ralentiront également. Les programmes de retraite, déjà très sollicités, seront alors soumis à des charges plus importantes. Le passage d’une population jeune à une population plus âgée fera en sorte que la majeure partie de ce fardeau retombe sur les jeunes, ce qui rendra finalement plus coûteux pour eux d’élever leurs propres enfants, exacerbant ainsi le changement.

Après avoir survécu à l’ère atomique sans nous faire exploser, et après avoir généré des richesses inimaginables tout au long de l’ère de l’information, nous entrons dans l’ère du déclin et nous sommes victimes de notre propre succès. L’histoire nous apprend que les sociétés appauvries meurent par la guerre et la famine. Nous apprenons maintenant que les sociétés prospères meurent par attrition.

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