Quelle transformation de l’économie marocaine à l’horizon 2035 ?

Réussir la transformation de l’économie marocaine nécessite une nouvelle génération de réformes plus complexes, inscrites sur le long terme et portées par un soutien politique fort.

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Mohammed VI, roi du Maroc, en novembre 2013 (Crédits US State Department, image libre de droits)

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Quelle transformation de l’économie marocaine à l’horizon 2035 ?

Publié le 1 février 2023
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Au Maroc, la volonté du changement est exprimée au plus haut sommet de l’État. Sous l’impulsion du Roi Mohammed VI que Dieu l’assiste, et conformément à une méthode de travail qui a donné ses preuves, le souverain a mis au travail une Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) qui a passé au scanner tous les sujets anxiogènes, notamment les inquiétudes et insatisfactions des citoyens marocains. À cet effet, la transformation de l’économie marocaine comme moteur de développement et d’essor du pays et de sa population, occupe une place de choix dans le rapport du Nouveau modèle de développement remis au Roi le 26 mai 2021 par le président de la Commission.

Ainsi, la question qui se pose est de savoir quelle transformation de l’économie marocaine à l’horizon 2035 dans le cadre du modèle de développement ?

Réussir la transformation de l’économie marocaine nécessite une nouvelle génération de réformes plus complexes, inscrites sur le long terme et portées par un soutien politique fort. Afin de déclencher une dynamique économique systémique mobilisant l’ensemble des acteurs, le nouveau modèle de développement propose une feuille de route fondée sur cinq choix stratégiques :

  1. Sécurisation de l’initiative privée pour éliminer les entraves réglementaires, les barrières administratives et l’économie de rentes.
  2. Orientation des acteurs économiques vers les activités productives à forte valeur ajoutée à travers un dispositif complet d’appui et d’incitations.
  3. Choc de compétitivité pour réduire les coûts des facteurs de production et améliorer leur qualité.
  4. Cadre macroéconomique au service du développement.
  5. Émergence de l’économie sociale comme nouveau pilier du développement.

 

Les choix stratégiques proposés par le nouveau modèle de développement doivent être mis en œuvre d’urgence pour construire l’économie de l’après Covid-19, lit-on dans le rapport. L’épidémie de la Covid-19 a provoqué une crise économique d’une profondeur inédite qui a révélé les faiblesses du tissu productif national et altéré fortement son potentiel de croissance.

Selon les membres de la CSMD, cette crise nécessite une action volontariste pour la sauvegarde des entreprises, et laisse présager de nouvelles opportunités avec le développement des industries de la vie et la relocalisation des chaînes d’approvisionnement, qu’il s’agira de saisir pleinement par une libération de l’initiative entrepreneuriale et par l’émergence d’une nouvelle génération d’entreprises porteuses de transformation productive.

 

Sécuriser l’initiative entrepreneuriale

La sécurisation de l’initiative privée vise à garantir des règles stables et impartiales à tous les opérateurs économiques qui doivent trouver dans l’administration publique un partenaire de confiance.

La libération des énergies entrepreneuriales requiert une amélioration notable de l’environnement des affaires pour résorber les foyers de blocage, d’incertitude et de corruption. Pour instaurer une nouvelle relation de confiance, les membres de la CSMD proposent entre autres d’éliminer de manière systémique les barrières administratives et réglementaires.

À cela doit s’ajouter impérativement une concurrence saine et une régulation renforcée. Garantir un fonctionnement sain et concurrentiel des marchés est une condition nécessaire à la dynamisation de l’initiative privée. Et ce sans oublier une meilleure protection des entreprises grâce à des mécanismes de recours efficaces.

 

Orienter les acteurs économiques vers les activités productives

Selon le rapport de la CSMD remis au Souverain par son président, Chakib Benmoussa, les interventions publiques doivent encourager les opérateurs privés à s’orienter vers de nouvelles activités porteuses de modernisation, de diversification, de montée en gamme et d’internationalisation.

Pour concrétiser cet objectif, plusieurs actions sont formulées notamment l’élaboration d’une politique nationale de transformation économique pour libérer le potentiel de croissance du Maroc sur tous les secteurs. Ceci doit impérativement s’accompagner par la mise en place d’un mécanisme de pilotage et de mise en œuvre harmonisés pour réaliser les ambitions sectorielles stratégiques.

Le rapport appelle à une révision du cadre incitatif pour orienter les investisseurs vers les activités productives et soutenir plus fortement le développement des PME. De même que financer de manière volontariste la diversification productive et la montée en gamme de l’économie. Un accompagnement des entreprises pour renforcer leurs capacités managériales, organisationnelles et technologiques est également préconisé.

Par ailleurs, le rapport recommande la mise en place d’un cadre favorable pour promouvoir l’innovation au sein des entreprises et faire émerger des start-ups de dimension régionale et mondiale.

Il réitère l’importance de la commande publique comme levier stratégique de développement productif. Enfin, le rapport appelle à intégrer l’informel par une logique incitative, progressive et adaptée à la nature des acteurs.

 

Réaliser un choc de compétitivité

Un choc de compétitivité est indispensable pour créer les conditions de la transformation productive et concrétiser la vocation du Maroc en tant que hub régional attractif pour les investissements.

Bien que le Maroc dispose de nombreux atouts compétitifs, les facteurs de production sont relativement chers au regard de leur qualité, ce qui limite la compétitivité des entreprises marocaines et pénalise l’attractivité du pays auprès des investisseurs étrangers.

Le nouveau modèle de développement préconise quatre actions pour que le Maroc devienne le pays le plus compétitif de la région en investissant dans la qualité des facteurs de production et en réalisant les réformes structurelles nécessaires pour optimiser leurs coûts.

Il s’agit particulièrement de réduire les coûts de l’énergie par la réforme du secteur et le recours aux énergies renouvelables et à bas carbone, ainsi que de réduire les coûts logistiques et améliorer la qualité des services par la restructuration du secteur.

Le rapport souligne l’impératif de développer des zones d’activité de qualité et à prix compétitifs accessibles à toutes les entreprises et de faire du numérique et des capacités technologiques un facteur majeur de compétitivité, de modernisation des entreprises et de développement de nouveaux métiers et secteurs en phase avec les transformations mondiales.

Il appelle par ailleurs à un dialogue social régulier intégrant les transformations en cours et à venir du monde du travail.

 

Un cadre macroéconomique au service du développement

La stabilité et la compétitivité du cadre macroéconomique sont déterminantes pour l’initiative privée.

Le Maroc bénéficie d’un environnement macroéconomique et d’un système financier stables qu’il convient de préserver. Néanmoins, ce cadre doit être amélioré pour servir davantage la croissance économique, à travers quatre actions :

  1. Optimiser les dépenses budgétaires par de nouveaux instruments de gestion.
  2. Réduire la charge fiscale pesant sur les activités productives et concurrentielles.
  3. Prendre en compte l’objectif de multiplication des acteurs et de diversification des mécanismes de financement de l’économie dans les politiques monétaires et bancaires.
  4. Mettre en place les conditions pour développer les marchés des capitaux.

 

Faire émerger l’économie sociale comme pilier de développement

Aux côtés du secteur privé et du secteur public, le nouveau modèle vise à faire émerger plus fortement le troisième pilier de développement porté par l’économie sociale. Ce pilier sera animé par une diversité d’acteurs afin de concilier activité économique et intérêt général (associations, coopératives, entreprises sociales, etc.).

Il s’agit de rompre avec une vision de l’économie sociale dominée par les activités de subsistances à faible valeur ajoutée pour en faire un secteur économique à part entière, porté par des entrepreneurs dynamiques, structurés et innovants, pourvoyeur d’emplois en complémentarité avec les emplois marchands et publics, producteur de services publics notamment dans la santé et l’éducation, et vecteur de promotion des territoires.

Trois actions sont proposées pour initier la dynamique d’émergence de la nouvelle économie sociale.

D’abord, adopter un cadre fondateur pour la nouvelle économie sociale. L’émergence d’une nouvelle économie sociale est une innovation majeure du Nouveau Modèle de Développement.

Ensuite, promouvoir la délégation de services publics aux acteurs de l’économie sociale par une démarche expérimentale. Certains domaines prioritaires du nouveau modèle de développement peuvent mettre à contribution l’économie sociale à travers la délégation de services publics, notamment dans les domaines de la santé, l’assistance sociale, l’éducation, la petite enfance, la culture, l’économie circulaire et l’insertion professionnelle.

Enfin, développer l’entrepreneuriat social innovant.

Afin de structurer les acteurs de l’économie sociale et faire émerger une nouvelle génération d’entrepreneurs sociaux innovants, il est proposé de :

  • mettre en place des programmes d’accompagnement dédiés à l’entrepreneuriat social dans les territoires, à travers notamment des incubateurs spécialisés ;
  • développer des centres de recherche et développement pour l’innovation sociale en collaboration avec les établissements d’enseignement supérieur destinés à élaborer et diffuser des pratiques innovantes productrices d’impact ;
  • créer un nouveau statut juridique adapté à l’entreprise sociale.

 

Prospérité, capacitation (empowerment), inclusion, durabilité, et leadership régional : tels sont les objectifs de développement fixés par les membres de la CSMD pour changer la face du Maroc d’ici 2035. Reste à savoir si ladite commission sera au rendez-vous.

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  • Le Maroc a 1 problème : sa démographie qui l’empêche de s’enrichir. L’augmentation du PIB est inférieure à celle qu’il devrait être par rapport à l’augmentation de sa population pour cela.
    Mais il a 2 énormes atouts :
    – sa position géographique excellente. Au nord l’Europe, à l’ouest les Amériques, à l’est le Maghreb et au sud l’Afrique.
    – un roi intelligent qui oriente la politique du pays sans se soucier d’un clientélisme électoral comme en France : il a le temps pour mener les projets de longues durée de modernisation de la société.
    Il n’y a qu’une inconnue pour l’avenir : l’activisme islamiste qui se nourrit de la pauvreté.

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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