Fuite des industries européennes : non au protectionnisme

Face à l’attractivité américaine, le protectionnisme n’est pas une bonne solution.

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Joe Biden BY jlhervas(CC BY 2.0)

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Fuite des industries européennes : non au protectionnisme

Publié le 14 janvier 2023
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Un article de l’IREF Europe

Pour soutenir son industrie et lutter contre l’inflation, Washington a déclenché un plan massif de subventions : l’Inflation Reduction Act (l’IRA). Promulgué en août, il prévoit une enveloppe de 430 milliards de dollars.

En pratique, l’IRA consiste à subventionner la production nationale (automobile électrique, batteries, énergies renouvelables) et à verser des crédits d’impôt aux industriels du monde entier pour les inciter à s’installer sur le sol américain. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, évalue les pertes pour la France à 10 milliards d’investissements et des milliers d’emplois industriels.

Les répercussions sur l’industrie européenne sont telles que Bruxelles considère cette initiative comme une atteinte au libre-échange et envisage de conclure un accord entre les pays membres de l’UE pour permettre aux entreprises de bénéficier des mêmes avantages.

 

Un exode sur fond de crise énergétique

L’offre américaine est d’autant plus alléchante que parallèlement les industriels européens subissent les conséquences de la guerre en Ukraine.

« Les industriels voient un signal prix qui les conduit à arrêter leurs usines, à déplacer des productions dans d’autres régions du monde » explique Jean-Pierre Clamadieu, PDG d’Engie.

En réponse à ces signaux, la première option consiste à baisser la production – en particulier dans les secteurs à forte intensité énergétique tels que la chimie, la métallurgie ou le raffinage de produits pétroliers ; la seconde, à fermer purement et simplement les usines, comme dans la chimie allemande qui fait les frais d’une grande dépendance au gaz.

Et pourquoi ne pas traverser l’Atlantique ?

L’énergie est cinq à six fois moins chère aux États-Unis qu’en Europe. Les États-Unis sont le premier producteur mondial de pétrole et de gaz depuis 2017 (17 % de la production mondiale en 2020). Les réserves de gaz de schiste leur permettent de produire de grandes quantités à bas coût. Un facteur qui contribue à l’exode de l’industrie européenne, bien que la crise énergétique n’explique pas tout.

 

L’industrie européenne en perte de vitesse par rapport aux États-Unis

En réalité, il existe une autre tendance de fond.

Entre 2019 et 2022, la part des IDE (investissements directs à l’étranger) ayant les États-Unis pour destination est passée de 20 % à 30 % – contre 50 % pour la destination Asie et seulement 13 % pour l’Europe. Un retard qui se confirme lorsque l’on examine le détail des grands secteurs technologiques, à savoir l’électronique et les semi-conducteurs, les équipements électriques, l’extraction minière et les métaux, et l’automobile.

Entre 2016 et 2022, l’Europe n’a capté que 7 % des investissements mondiaux dans le secteur des semi-conducteurs – contre 30 % pour les USA et 63 % pour l’Asie.

Si l’UE peine tant à attirer les investisseurs étrangers et à garder ses propres industries, c’est notamment du fait de l’environnement réglementaire et fiscal. L’adoption récente de la taxe carbone européenne en est un bon exemple. Censé lutter contre les délocalisations industrielles, ce dispositif semble pour l’instant avoir exactement l’effet inverse – en plus d’assommer les industries de nouvelles normes environnementales. Quoi qu’il en soit, cette perte d’attractivité se répercute nécessairement sur la croissance de l’UE, comme nous pouvons le voir dans le graphique ci-dessous.

Croissance du PIB de l’UE, de la zone euro et des États-Unis de 2000 à 2022 (The Economist)

 

Les risques d’une réponse protectionniste de l’UE

Aujourd’hui, les Européens tentent péniblement d’infléchir la position américaine.

Les ministres des Finances français et allemand – d’ailleurs attendus à Washington en février – tentent également de convaincre leurs homologues européens d’adopter un plan visant à renforcer l’industrie de l’UE. D’ores et déjà, la Commission européenne a annoncé la création d’un fonds de souveraineté européen qui devrait assouplir les règles relatives aux aides d’État.

Une gabegie qui représente « un financement autour de 2 % du PIB de l’Union européenne, soit environ 350 milliards d’euros » selon Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur. Une telle réponse à la politique américaine est d’autant plus inadaptée qu’elle risque d’entraîner une course aux subventions entre États membres – probablement au détriment des plus petits d’entre eux – et ainsi s’éloigner un peu plus de l’idéal d’un marché unique et équitable.

Si l’UE souhaite rattraper son retard sur les États-Unis, une meilleure piste consisterait à lever les freins à l’investissement industriel, comme les droits de douane sur les importations en provenance de pays qui n’ont pas l’intention de réduire leurs émissions de carbone. Et pourquoi pas, renouer avec l’idéal d’une assemblée de nations autonomes coopérant les unes avec les autres, embrassant une véritable économie de marché, de concurrence et d’innovation.

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  • La taxe carbone ne va pas stopper les fuites des entreprises hors d’Europe, mais au contraire l’inciter. Cette taxe ne concerne que les matières premières acier et aluminium que produisent les Allemands principalement (Europe = protectionnisme allemand). On pourrait l’appeler la taxe pour l’industrie allemande. Les produits manufacturés en sont exempts. Ainsi, le fabricant de couteaux Laguiole va acheter de l’acier plus cher pour ses lames (soit allemand produit avec du gaz cher, soit importé avec la taxe carbone). S’il le fabrique à l’étranger, ses lames seront en acier non taxé et le couteau entier entre en Europe sans la taxe carbone. Et tout ça au nez et à la barbe de nos débiles députés écolos européens qui se sont empressés de votés.
    Entre ça et les centaines de taxes, ne nous étonnons de la fuite des Industries hors Europe.
    Biden, lui a compris qu’il fallait privilégier l’industrie sur place, et pas seulement celle d’un seul de ses états. Et pas subventionner l’industrie des voiture électriques chinoise, ce que notre état fait à grand coups de publicité : le prix d’une Renault ou une ww = plus de 80% part en Chine (batterie, moteur avec ses terres rares pour faire les aimants, électroniques de bord, console du tableau de bord, etc) le reste étant quelques bout de ferraille soudés comme le châssis, la carosserie, la direction et les trains roulants. On notera à ce sujet que les Tesla, même intégrées en Allemagne, sont dans le même cas puisse que tous ses éléments sont fabriqués aux USA ou même en Chine.
    Conclusion : quel industriel ne rêve pas de fabriquer pas cher (pas de taxes débiles) et être subventionné par l’état qui importe son produit ? Et quel état (à part ceux de l’europe) ne rêve pas que son Industrie soit subventionnée par l’état qui importe ses produits ?

  • Regardez le profil de Bruno Le Maire, Christine Lagarde, Ursula van der Leyen etc et vous comprendrez vite que nous sommes taillés pour un bel avenir économique / industriel et je m’abstiens volontairement d’évoquer tous ceux qui ont les leviers de commande en France et en Europe…

  • Nous sommes dans les vingtièmes rugissants : émissions nettes de CO2 à zéro en Europe dans les dix prochaines années. Quel meilleur moyen d’y parvenir que de forcer les industries européennes à déménager d’autres cieux ? https://www.euractiv.com/section/climate-environment/news/this-decade-should-be-roaring-twenties-of-climate-action-says-von-der-leyen/

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