Taux minimal d’impôt sur les sociétés : la crise du modèle européen

Les GAFA et entreprises chinoises étant épargnées, ce taux minimal d’imposition est donc purement et simplement un acte suicidaire pour l’économie européenne.

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Bruno Le Maire by EU2017EE Estonian Presidency (CC BY 2.0)

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Taux minimal d’impôt sur les sociétés : la crise du modèle européen

Publié le 22 décembre 2022
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Après le vaccin contre le covid, aurons-nous un jour un vaccin contre la taxomanie, cette maladie qui ronge les élites occidentales depuis déjà plusieurs décennies ?

Pour cause, l’année 2022 n’est pas encore terminée que le réveillon 2023 s’annonce d’ores et déjà salé. Annoncé le 15 décembre par l’ancien président du Conseil italien et successeur de Pierre Moscovici, le commissaire européen à l’économie Paolo Gantilloni, l’instauration d’un taux minimal européen d’impôt sur les sociétés (IS) a été validé à l’unanimité des dirigeants des 27. Entrant en vigueur le 31 décembre 2023, ce taux de 15 % constitue la transposition en droit européen d’une partie de l’accord signé par 140 pays de l’OCDE l’année dernière et visant à lutter contre l’évasion fiscale.

 

« Nettoyer » les paradis fiscaux

L’accord signé le 8 octobre 2021 avait déjà été évoqué dans nos colonnes par Philippe Lacoude, évoquant alors un « cartel des États ».

Car ce qui est officiellement un projet visant officiellement à lutter contre l’évasion fiscale est bel et bien une entente en vue de l’obtention du contrôle du marché fiscal.

En effet, comme le note le docteur en économie, cette taxe mondiale vise à « interdire aux petits pays ne disposant pas de ressources naturelles ou d’avantages comparatifs clairs de proposer des services étatiques à bon marché ». Cette idée est totalement assumée par le directeur du centre de politique fiscale de l’OCDE, le haut fonctionnaire socialiste Pascal Saint-Amans, qui n’hésite pas à parler de nettoyage de la question des paradis fiscaux…

 

Une initiative américaine

Le projet a été porté par nul autre que Joe Biden, à la tête d’un pays à l’état financier dramatique alors que son prédécesseur avait instauré, lui, non un taux minimal mais bien un taux maximal d’IS et un taux unique sur le rapatriement des bénéfices de l’étranger avec un certain succès.

 

D’étranges aménagements

Entrons dans le détail de la mesure qui a été annoncée quelques heures après celle d’une taxe carbone aux frontières.

La taxe vise les multinationales basées dans un pays signataire et générant plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. Elle ne visera pas le secteur non lucratif, qu’il s’agisse des organismes publics, des associations ou des fonds de pensions et d’investissement.

Les cinq premières années feront l’objet d’un aménagement spécifique et, étonnamment, les entreprises chinoises seront exonérées durant 5 ans sous conditions.

Les entreprises ayant plus de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel ne seront concernées qu’en 2030, ce qui explique sans doute l’approbation du secteur de la tech.

À Bruxelles, cette taxe est incluse dans un vaste projet comprenant un plan pour l’Ukraine. Elle avait fait l’objet de blocages de la part de la Hongrie et de la Pologne afin d’obtenir un plan de relance auquel Bruxelles a finalement consenti. De quoi rappeler le véritable intérêt de cette mesure : le soutien à des dépenses publiques toujours plus folles.

 

L’Union européenne sur une phase autoritaire

Dans son dernier livre, La chute de l’empire européen, paru le 27 octobre dernier aux éditions Scripta Manent, l’avocat et historien Philippe Fabry offre une fine analyse du projet européen basé sur l’histoire de la construction des États-nations.

L’Union européenne disposerait ainsi des caractéristiques de ce que l’auteur appelle un État-nation sur le modèle tardif « [d’]empire rhénan », du fait de l’origine de ses élites majoritaires. Un empire qui se dirigerait vers une révolution nationale.

Liant comme à son habitude l’Antiquité au monde moderne l’auteur évoque les modèles d’unification, fondés ici en partie sur la culture des élites. Hier basée sur le christianisme, la culture distinctive de l’élite européenne serait cette fois l’écologie, le multiculturalisme et la cause LGBT.

Philippe Fabry évoque également les phases autoritaires qui précèdent l’effondrement de son modèle après une suite de crises qui ont renforcé son pouvoir. Cette idée s’applique évidement à la Commission européenne, se voyant dotée progressivement de nouvelles prérogatives et donc de responsabilités sources de discrédit aux yeux des peuples européens.

Or, de la même manière que la France est institutionnellement bien plus proche de la Russie que des démocratie parlementaires voisines, l’Union européenne est loin de répondre aux standards démocratiques attendus en 2022. Philippe Fabry appuie son propos sur l’analyse des institutions européennes et l’histoire récente, que ce soit contre la Grèce, la Pologne ou encore la Hongrie, pays particulièrement visé par le taux minimal annoncé la semaine dernière.

 

Le modèle européen en crise

Le propre d’un État étant la perception de l’impôt, la taxe annoncée le 15 décembre dernier s’inscrit totalement dans le modèle fabrysien.

Après l’instauration d’un Parlement (1952 et 1979 sous sa forme actuelle) et de compétences régaliennes diplomatiques, sécuritaires, judiciaires et monétaires (1992) communs, le covid a débloqué certains pays quant à l’instauration d’obligations européennes toujours refusées par plusieurs pays dont l’Allemagne, l’Autriche et la Finlande. C’est une étape de plus dans la centralisation financière.

Récemment, la question du blocage des prix au niveau européen a refait surface.

 

L’inflation comme justificatif

Hier comme aujourd’hui, les crises ont toujours été des justificatifs à la centralisation du pouvoir, comme l’évoquait Bertrand de Jouvenel en son temps.

L’inflation et la guerre aux portes de l’Europe n’y font pas exception et la baisse de l’euro face au dollar, preuve d’une crise du modèle européen, ne semble pas faire mentir la tendance.

 

L’écologie, nouvelle religion des élites

S’agissant de la question culturelle, la nouvelle religion européenne, écologiste et égalitariste, justifie l’idée d’un nivellement de la fiscalité frappant les plus grandes entreprises entre 750 et 10 000 millions d’euros. Cette fourchette permet de frapper en grande partie le secteur de l’énergie en épargnant soigneusement celui de la tech. Sur les plus grandes entreprises annuellement répertoriées par Forbes dans son classement « Global 500 », les secteurs dits polluants (énergies, véhicules, construction, industrie…) représentent 52 % de l’ensemble des secteurs représentés. Les GAFA et entreprises chinoises étant épargnées, ce taux minimal d’imposition est donc purement et simplement un acte suicidaire pour l’économie européenne.

Cette taxe est également un acte d’autoritarisme, qui plus est pilotée par les États-Unis, initiateurs de la mesure.

Par cette taxe minimale, l’Europe attaque directement les États ayant un niveau de fiscalité plus bas en la matière : la Bulgarie (10 %), la Hongrie (10,8 %), l’Irlande et Chypre (12,5 %).

 

Un fumet de fin de règne

Alors que l’Union européenne se voit frappée par les crises et les scandales mettant à mal son modèle, l’instauration de ce taux minimal d’imposition n’est que le nouvel avatar d’une fuite en avant autoritaire des élites rhénanes américanophiles contre la concurrence fiscale et donc contre la liberté et à travers elle contre les Européens.

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  • Les états ne possédant pas l’outil de la création de richesses ils se sont toujours tournés vers les réglementations et les impôts /taxes qui sont la dépense de la richesse créée par d’autres avec la suffisance que leur discours permet
    Joyeux Noël

  • Ah cette manie de l’effondrement ! De nos jours qu’est-ce qui ne va pas s’effondrer ?
    Au fait c’est quoi au juste un effondrement ? Que la France, L’Europe, l’Occident par exemple seront relégués au statut de pays sous-développés ou démantelés ?? Dans un système dynamique c’est quoi le point de référence, peut être pas le point de vue du petit esprit humain dans son bocal existenciel et circonstanciel qui regarde le passé, mais dans l’univers par exemple, une étoile de 1ère génération effondrée laisse derrière bien plus de potentiels créatifs qu’avant.
    Certes tout a une fin, reste à savoir si c’est un effondrement ou tout autre chose.
    Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas un certain degré de chaos apparent.

    -2
  • Il eût été plus simple de refuser les aides aux États européens qui ne veulent par taxer leurs entreprises. Que la Hongrie et la Pologne lèvent correctement leurs taxes avant de recevoir des subventions européennes issues des taxes des autres pays. Surtout quand ces subventions servent à acheter de l’armement américain ou coréen comme la Pologne !

  • L’empire contre attaque . On s’y croirait .

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