Une récession qui « se fait désirer »

Le contraste est de plus en plus saisissant entre le scénario anxiogène de récession et la résilience des agents économiques et financiers.

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Une récession qui « se fait désirer »

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 19 décembre 2022
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La récession économique est une quasi-certitude en zone euro. Néanmoins, le contraste est de plus en plus saisissant entre ce scénario anxiogène et la résilience des agents économiques et financiers

On douterait presque qu’une récession économique soit en cours au sein de la zone euro. Les chiffres économiques ne sont pas bons mais sont loin d’être mauvais. Quant aux marchés financiers, le rebond des actions de près de 20 % depuis octobre semble même contradictoire dans les termes. S’agit-il d’un chant du cygne avant l’effondrement ? Probablement pas. Avons-nous été alors quelque peu excessifs dans notre anticipation de fin du monde ? Manifestement oui.

Pourtant, le PIB de la zone euro devrait bien se contracter de l’ordre de – 0,4 % pour ce quatrième trimestre et autant pour le premier trimestre de l‘année à venir, d’après le consensus des économistes (Bloomberg). C’est suffisant pour parler de récession économique. La France s’en sortirait avec les honneurs puisque la contraction du PIB ne serait que de – 0,1 % puis – 0,2 %. Si ces chiffres se réalisaient, les économies perdraient alors tout ce qu’elles avaient regagné depuis la crise liée au covid, revenant même aux niveaux de PIB de 2008 juste avant la crise des subprimes.

Ces chiffres de PIB anticipés sont donc mauvais. Mais ils l’étaient bien plus encore il y a quelques semaines, et ne cessent d’être révisés à la hausse depuis.

Plusieurs raisons expliquent un tel regain d’optimisme.

D’une part, le PIB euro du troisième trimestre a été bien meilleur qu’attendu en hausse de 0,3 %, grâce à la très bonne tenue de la consommation des ménages alors qu’un essoufflement était anticipé dès cet été. Certes, les chiffres les plus récents du mois d’octobre (ventes au détail) valident enfin un début d’ajustement des ménages. Mais d’autres signes semblent désormais plus favorables. Principalement la relative accalmie des prix de l’énergie, considérés comme le principal facteur de stress pour les ménages car principal moteur de l’inflation et de perte de pouvoir d’achat.

D’autre part, la confiance des consommateurs va moins mal. Elle s’était effondrée plus tôt dans l’année anticipant alors une chute de la consommation. Elle semble revenir progressivement depuis grâce à l’apaisement sur le front des prix de l’énergie mais aussi grâce à la bonne tenue du marché de l’emploi. En fait, la récession semble partout sauf dans les chiffres économiques. Et même si l’on regarde de plus près en utilisant des données à plus haute fréquence issues du Big Data (Google trends) retraitées par les techniques du Machine Learning (OCDE weekly tracker) on a du mal à trouver motif d’inquiétude.

Certes, il y a bien la confiance des entreprises (PMI) qui valide encore le scénario de récession. Et ce n’est pas une information mineure puisque cette confiance des entreprises est le meilleur prédicteur de la croissance du PIB. Aujourd’hui, les PMI se retrouvent sous des niveaux de neutralité cohérents avec une contraction du PIB. Toutefois, cette contraction serait modérée. En effet, on est bien loin des niveaux catastrophiques de PMI connus durant la crise du covid ou encore durant la crise des subprimes de 2008.

 

Ne pas se tromper sur le message des marchés

Mais le plus troublant quand même concerne le comportement des marchés financiers.

Un comportement qui semble ne pas coller du tout avec le scénario de récession économique. Les marchés d’actions sont en hausse de près de 20 % depuis début octobre. Un tel optimisme peut déconcerter. Une lecture naïve des niveaux atteints anticiperait alors un rebond des indicateurs avancés, une accélération de la croissance économique et certainement pas une récession.

Mais cette lecture n’est pas la bonne. Car derrière le rebond des marchés il n’y a pas l’anticipation d’un mieux au niveau de l’activité mais d’un mieux au niveau des prix. Et ce n’est pas tout à fait la même chose. En effet, il faut se rappeler que le principal facteur de stress des marchés depuis le début de l’année est l’inflation, pas l’activité. L’inflation a fait monter les taux d’intérêt et motivé la fin de la politique ultra accommodante de la Banque centrale européenne. C’est ce qui a pesé sur la valorisation des actions. L’activité économique n’a jamais été réellement un sujet pour les actions, en témoignent les bénéfices des entreprises sans cesse révisés à la hausse.

Dès lors, le rebond récent des actions n’anticipe pas tant un mieux sur l’activité qu’un apaisement sur le front de l’inflation. Car l’inflation serait effectivement proche d’un point d’inflexion. L’inflation est toujours aussi élevée mais semble désormais moins susceptible d’accélérer compte tenu de l’apaisement relatif des prix de l’énergie. C’est ce que l’on appelle le point d’inflexion. Certes, il y a bien le risque de tensions plus marquées sur les salaires. Mais le durcissement des conditions financières imposé par la Banque centrale européenne contribue à limiter de plus en plus la probabilité d’un tel scénario.

 

De l’effet nocebo à l’effet contraphobique

Ainsi donc une récession économique est probablement en cours mais sera très probablement moins forte que celle annoncée.

Nous avons péché par excès de pessimisme. Avons-nous été victimes d’un genre d’effet nocebo (contraire du placebo) qui nous aurait convaincu d’un mal imaginaire causé par l’inflation galopante et la fin de la politique monétaire ultra  accommodante ? Un peu excessif quand même car le mal est bien là. Mais peut-être les agents économiques et financiers ont-ils perçu un effet contraphobique dans le point d’inflexion de l’inflation et dans quelques autres chiffres d’activité moins alarmistes.

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