Suède, Italie : la droite radicale aux portes du pouvoir en Allemagne ?

Outre l’Italie, le cas suédois peut-il faire des émules dans le reste de l’Europe et en particulier en Allemagne ? Il y a très peu de chances.

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Suède, Italie : la droite radicale aux portes du pouvoir en Allemagne ?

Publié le 19 septembre 2022
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Après Berlusconi et Salvini, Meloni sera t-il le nouveau nom de la droite en Europe ? L’ancienne ministre de la Jeunesse du dernier gouvernement Berlusconi et présidente de la formation nationaliste Fratelli d’Italia est favorite pour devenir présidente du Conseil à l’issue des élections du 25 septembre grâce à une alliance incluant notamment les mouvements des deux anciens hommes forts de la droite italienne.

En Suède, la victoire du bloc de droite et en particulier des Démocrates de Suède lors des élections générales du 11 septembre dernier fait figure de symbole de montée des droites radicales en Europe.

Très récemment, de l’autre côté de la mer Baltique, l’AfD a fait une percée lors de l’élection municipale de la ville de Cottbus, deuxième ville du Land de Brandebourg, à la frontière polonaise. Le parti de droite radicale s’y trouvait au coude à coude avec le SPD.

Après la Suède et l’Italie, l’Allemagne peut-elle voir la droite radicale mener la danse, voire entrer au gouvernement ? Rien n’est moins sûr.

 

La chute d’un gouvernement quasi-minoritaire

Trois sièges et 0,68 %. C’est l’écart entre la coalition de gauche, actuellement au pouvoir, et l’opposition de droite, sortie victorieuse des élections au Riksdag, Parlement suédois monocaméral, ce 11 septembre. Si les sociaux-démocrates de la Première ministre Magdalena Andersson sont arrivés en tête, ils sont talonnés par les Démocrate de Suède, parti de droite radicale, qui devient la deuxième force politique du pays avec 20,6 % des voix.

Le 14 septembre, après plusieurs jours de dépouillement d’un scrutin extrêmement serré, la Première ministre a officiellement reconnue sa défaite et démissionné de son poste.

Andersson aura été l’éphémère première occupante féminine de la maison Sager, résidence du chef du gouvernement, après avoir remplacé en novembre dernier le Premier ministre social-démocrate Stefan Löfven, ancien syndicaliste élu en 2014 à la tête d’un gouvernement réunissant sociaux-démocrates et Verts et resté au pouvoir d’un siège quatre ans plus tard.

La fin du cordon sanitaire

Un gouvernement désormais mis en déroute par les Démocrates de Suède, parti de droite radicale créé en 1988 sous la forme d’un groupuscule néo-nazi.

Au milieu des années 1990, le parti parvient à attirer des étudiants de centre-droit, dont son futur chef de file, Jimmie Akesson. Ce dernier, 43 ans, est depuis 2005 le leader la formation d’extrême droite suédoise. Depuis son élection, il a opéré une gigantesque opération de dédiabolisation, allant jusqu’à exclure les militants et élus les plus radicaux, changeant le logo du parti et refusant par exemple toute alliance avec son homologue hexagonal et Marine Le Pen au Parlement européen, où le parti est membre du CRE, réunissant des partis conservateurs et eurosceptiques et non Identité et démocratie, marqué à l’extrême droite.

Cependant, de fait, le parti est depuis 30 ans mis à l’écart de la vie politique nationale grâce à un cordon sanitaire, un cordon qui s’est écorné à l’occasion de la crise des migrants de 2015.

 

Un modèle mis à mal

Car si la stratégie d’Akesson est aujourd’hui payante, elle n’aurait pu aboutir à de tels résultats sans un événement particulier : la crise des migrants.

En 2015, la Suède est le deuxième pays européen qui a accueilli le plus de migrants derrière l’Allemagne. En septembre, le Premier ministre d’alors justifie ainsi sa position : « l’Europe n’édifie pas de murs ». Deux mois plus tard, il a mis un premier tour de vis à cet accueil.

Cette situation avait déjà provoqué une première montée des Démocrates de Suède trois ans plus tard. Le Premier ministre évoquait alors un « référendum sur l’État providence ».

Car c’est bien ici que se trouve le problème. La Suède est un pays en pointe en matière d’État providence et d’égalité homme-femme, mais également d’accueil des migrants, deux choses radicalement incompatibles. Et cette incompatibilité a largement aidé à la montée de la droite radicale qui a bien compris l’intérêt de mettre le doigt là où ça fait mal.

En effet, cet accueil a entraîné l’explosion conjointe des dépenses sociales et de l’insécurité dans ce pays, faisant voler en éclats ce qui faisait figure d’un modèle pour l’Europe.

Ainsi, depuis 2015, l’ensemble du paysage politique a commencé à reprendre ces thèmes. Certains responsables sociaux-démocrates ont été jusqu’à abandonner l’explication sociale de la délinquance au profit d’une explication ethnique.

 

L’AfD suivante sur la liste ?

Outre l’Italie, le cas suédois peut-il faire des émules dans le reste de l’Europe et en particulier en Allemagne ? Il y a très peu de chances.

Les droites radicales se divisent en deux types.

La première est une extrême droite qui se dédiabolise. C’est le cas de la Suède, de l’Italie, de la Hongrie et de la France. Cette catégorie englobe des mouvements issus de mouvances notoirement fascistes ou néo-fascistes contraintes de se déradicaliser afin d’exister électoralement.

Le deuxième est une droite qui se radicalise, généralement par voie de scission. Or, contrairement au premier cas, cette catégorie n’a aucune incitation à la dédiabolisation, bien au contraire, ce qui la rend plus éloignée du pouvoir que d’autres.

C’est dans cette dernière catégorie que se situe l’AfD, fondée en 2013 par plusieurs personnalités conservatrices en désaccord avec la politique européenne d’Angela Merkel.

Pour des raisons historiques, l’Allemagne a une grande imperméabilité à l’extrême droite. De ce fait, le cordon sanitaire tient suffisamment.

À ce cordon s’ajoute une radicalisation de l’AfD. Si le parti est à l’origine un parti libéral-conservateur, il s’est progressivement radicalisé. À l’inverse de nombreux autres mouvements analogues en Europe, l’AfD a connu une lente radicalisation. En 2021, après un an et demi de lutte interne, le dernier représentant des modérés, Jörg Meuthen, qui a tout fait pour nettoyer le mouvement afin d’éviter qu’il ne devienne un groupuscule d’extrême droite, a démissionné de la tête du parti. En face, l’aile radicale est largement présente en ex-Allemagne de l’Est, où se trouve Brandebourg. Une raison de plus de relativiser les résultats du parti dans cette zone du pays.

Toutefois, cette impossibilité à court terme se heurte à la situation complexe de la droite allemande. Depuis l’ère Merkel, la CDU glisse vers le centre-gauche, créant des tensions avec son partenaire historique bavarois, la CSU, qui pourrait bien, à terme, envisager de provoquer un retournement d’alliance. Pour cela, l’AfD devra accepter de se déradicaliser, ce qui paraît actuellement compromis.

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  • Ah, enfin ! La presse, quelle qu’elle soit, commence à comprendre qu’il existe une « crise des migrants ». Et, c’est bien cette réelle crise que les instances de l’UE sont en train d’exacerber en ouvrant le plus largement possible aux migrants qui arrivent par « paquets » les frontières externes de l’UE et en imposant aux pays membres de l’UE de faire de même avec leurs frontières internes. La crise va ainsi en s’amplifiant, amplifiant la montée en puissance des votes droitiers. Pas extrêmes-droitiers : il faut arrêter avec cet usage abusif et inapproprié du mot « extrême-droite » pour désigner les citoyens lucides et responsables qui en ont marre de cette marée humaine envahissante venant « d’ailleurs » sous couvert d’humanité et de solidarité. Ça eut marché, mais ça ne marche plus. Les mots Démocratie et Souveraineté retrouvent du sens et des couleurs.

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    • Le qualificatif d’extrême droite n’est que la description de la position idéologique, droite-gauche, dans le parlement.
      En effet, être d’extrême droite est connoté péjorativement par les média et l’extrême gauche qui font le la.
      Être anti européen et être nostalgique des nazis n’est pas la même chose.

  • Les libéraux ne sont pas clair avec l’ immigration, ils pensent naîvement que la déconstruction de l’ état providence arrêtera les flux migratoires. Je n’ en crois rien, avec ou sans aide sociale, l’ immigration en prevenance de l’ Afrique et de l’ Asie continura à submerger l’ Europe.

    • Je ne crois pas, mais quand bien même, on aurait au moins gagné de ne plus verser d’argent public, cruellement pris aux laborieux, à des paresseux.

    • Je ne pense pas.
      Les « migrants » à problème sont ceux qui ne sont pas là pour un emploi, qui ne s’intéressent pas au pays, mais veulent y rester. Ces gens là sont bien présents pour une raison, et le climat me semble ne pas vraiment être une raison crédible. Restent les aides sociales, les génuflexions des « élites » devant eux et l’absence de « maintient de l’ordre » sérieux s’ils souhaitent vivre de déliquescent.
      La baisse (très temporaire) des aides sociales en Espagne vers 2009-2010 a conduit à une baisse de population de près d’un demi-million. Des « espagnols » marocains ou sud-américains ont assez vite trouvé qu’en fait il faisait meilleur « chez eux » (et étrangement « chez eux » ce n’était pas l’Espagne).
      Et puis même si ça ne « marchait pas », on aurait quand même gagné une limitation des dépenses publiques ce qui permettrait une baisse de la spoliation légale (taxation) et donc une liberté accrue !

  • Insécurité, Immigration incontrôlée et assistanat sont les valeurs de la gauche. Lorsque le peuple a assez de cette politique mortifère pour leur pays, il vote vers ceux qui proposent une alternative. Et deviennent ainsi des fachos qui votent extrême droite (pour la gauche) . L’endoctrinement et le sentiment de culpabilité (injustifié) de la population commencent à disparaître face au déni et à l’absurdité du jusqu’au boutisme d’une gauche caviar qui vit dans les beaux quartiers. Une fois leurs adversaires élus, la gauche organise une opération médiatique avec le support de 90% des médias européens pour culpabiliser encore l’électeur. Mais certains pays comme le Danemark et la Suède commencent à prendre conscience des réels problèmes sociétaux. Ce n’est pas prêt malheureusement d’arriver en France.

  • le terme extreme droite n’est pas assez précis.. il est bel et bien « géographique » dans un parlement..

    ce n’est pas un hasard si certains considèrent que extreme droite est déjà une accusation.. ça marche.. mais pire ça permet d(éviter de répondre à certaines questions..
    l’exces et l’extreme sont deux choses différentes..

    ce sont des termes qui n’ont pour objet que d’empecher le débat.. via l’ostracisation et le rejet de la personne et non de l’argument.

    les libéraux devraient le savoir!!!

    on a soigneusement éviter de parler de politique migratoire, en l’associant absolument à l’extreme droite..et au racisme…ou au nationalisme…
    or si le nationalisme est excessif… la nation, elle fait toujours sens fut ce simplement un sens pratique. et donc « la distinctions des peuples » et donc l’a faible perméabilité des frontières..

    l’humanisme, les droits humains, l’individualisme..ne sont pas des valeurs universelles..

    la crise des migrants est une crise créée par les européens.. les migrants ne sont pas les « coupables »..

    • Et nous un péril à discuter..la tyrannie à prétexte climatique ou environnemental…
      j’ai l’impression un zemmour, voire une le pen, serait moins enclin à foutre un opposant politique dans un camp de rééducation qu’une sandrine rousseau…

      la tyrannie a déjà commencé en fait.. sous de larges applaudissements..

      • nous avons déjà une quasi censure pratique..et nous sommes aux portes d’une censure réelle.. nous avons déjà une propagande assumée..

        je dirais meme que l’extrême droite est , au moins en partie, une réaction à cela.

        • et nous avons déjà des propositions pour en finir avec la liberté individuelles dans la constitution.. le danger est vert…et il n’est même pas politiquement vert!!! les verts ne comptant comme pas grand chose en voix..

          • Entièrement d’accord avec tous vos messages.
            Médias et Gvt français veulent faire croire que le problème, c’est « l’extrême-droite ». Non. Le problème, c’est leur politique immigrationniste faisant venir par milliers des gens dont on sait parfaitement, et depuis longtemps, que les 3/4 ne s’intègreront pas et, pire, seront délinquants.
            Comment ose-t-on reprocher à la Suède sa droitisation (les médias parlent de radicalisation et ce n’est pas pour rien) quand on voit les chiffres de la délinquance ? Les images de la délinquance ?
            J’aimerais voir quelle serait la réaction de ces bien-pensants des médias (et du gvt) si on leur installait quelques migrants, parmi ces 3/4 bien sûr, dans une pièce de leur logement. Ah mais on a vu en fait, avec l’envoi de quelques migrants sur l’île où les Obama etc ont leur résidence…. Ça n’a pas tenu 24h.

            • la politique n’ets pas migrationniste.. elle est laxiste..en général..

            • Non, soyons justes, Martha’s Vineyard a tenu 48h avant de déporter, garde nationale en armes, les « gentils migrants »… Et ils ont bien fait attention à leur dire « buena suerte » en espagnol, les larmes aux yeux, quand ont mettait les « migrants » dans les bus, directions une « base militaire »…

    • et radical..n’aide pas..

  • Comment Macron aura réussi à berner un peuple de râleurs grévistes, p’tits gaulois experts dans l’art du deal et de la tchatche-blabla jamais repus de confrontations ? double jeu ou double posture ? Macron l’homme providentiel aux yeux des « patriotes ». Macron le liquidateur en regard de Bruxelles/washington, à coup de conseils de défenses et autres parlements-institutions court-circuitées. Pourtant Le réel rattrape la fiction des narratifs d’état, et comme vous l’avez tous parfaitement dit, il devient manifeste que le labeur du gouvernement Macronien repose de façon spectaculaire sur la casse du pays, cet espèce de fédéralisme européen. Il a plutôt bien réussi en ce sens, la France sous Macron II est bien partie pour continuer à subir l’OPA mondialiste débutée sous VGE et accélérée sous la mandature macronienne. Dernière trouvaille : Les migrants, dispatchés jusqu’aux chiottes de chaque domiciles, un peu partout sur notre beau territoire Français, représente une formidable occasion de mettre au rebut cette espèce d’appartenance sociale à l’identité culturelle Française. Bref, les extrêmes ont bon dos.

  • On l’a bien vu à Matha’s Vineyard… « Tout le monde » adore l’immigration quand elle permet d’avoir une femme de chambre philippine ou une femme de ménage portugaise plus ou moins au black, sérieuse et pour pas cher. Dès que la réalité de « tiens dans mon quartier plus personne ne parle ma langue » « les mafias salvadoriennes tiennent le pavé » « on me regarde de travers quand je prends un saucisson « pur porc » à la superette locale », tout de suite c’est moins sympa. Mais ça n’arrive pas souvent à la partie de la population qui « dirige l’opinion ». Problème, les réseaux sociaux permettent aux « sans dent » de réaliser qu’ils ne sont plus seuls, permettent de se rendre compte que bien qu’on parle de « partis neo-fascistes » ou de « danger de l’extrême droite », les politiques proposées par ces gens sont du type de celles des sociaux démocrates des années 80, et qu’à bien y regarder le politicien le plus proche du fascisme (au sens réel de ce que proposait le parti fasciste de Mussolini) qu’on ait eu en France c’était Manuel Valls, mais Macron n’est vraiment pas loin derrière.

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