Mikhail Gorbatchev : un occidentaliste plus russe qu’on ne le pense

Les positions de Gorbatchev permettent d’illustrer l’incompréhension entre les Occidentaux et les Russes ouverts à l’Occident.

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Gorbatchev prend la parole au palais des congrès du Kremlin le 1er février 1987BY RIA Novosti Archive(CC BY-SA 3.0)

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Mikhail Gorbatchev : un occidentaliste plus russe qu’on ne le pense

Publié le 1 septembre 2022
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Mikhail Gorbatchev, le dernier dirigeant de l’URSS, est mort le 30 août à 91 ans. Il est surtout connu pour ses réformes de l’Union soviétique qui ont conduit à l’effondrement du régime et à une occidentalisation du bloc soviétique à la fin des années 1990.

Dans le contexte de conflit en Ukraine, il est vu médiatiquement en Occident comme un anti-Poutine. Pourtant, en y regardant de plus près, on se rend compte que s’il est effectivement occidentaliste, il a gardé une position plus nationaliste qu’on ne le croit. Son soutien à l’annexion de la Crimée en 2014 en est l’exemple le plus parlant. Les positions de l’ancien chef d’État permettent d’illustrer l’incompréhension entre les Occidentaux et les Russes ouverts à l’Occident.

Cette incompréhension a contribué à la situation actuelle, résultat du pourrissement des relations entre la Russie et l’Occident.

 

Gorbatchev : un critique de la politique intérieure de Poutine

L’opinion de Mikhail Gorbatchev a évolué à propos de Vladimir Poutine. Lors de la première décennie du pouvoir de ce dernier, Gorbatchev a salué le développement de la Russie. Néanmoins, il est devenu de plus en plus critique de la centralisation du pouvoir entre les mains des réseaux du maître du Kremlin.

Ses reproches portent sur le copinage et le clanisme mêlés à des soupçons de corruption. Il aurait ainsi déclaré le 1er février 2016 à Radio Svoboda : « Pour moi, ce type de “relations personnelles” est inacceptable ». Cette critique fait écho à celles de Alexei Navalny, l’opposant russe populaire en Occident, qui a fait de la lutte contre la corruption sa carrière.

Ce sont ses critiques qui reviennent le plus souvent de la part de l’opposition russe et aussi des occidentalistes du pays.

 

Un soutien au rattachement de la Crimée à la Russie et une critique des États-Unis

Néanmoins, le discours est différent quand il s’agit de la politique étrangère.

En 2014, Mikhail Gorbatchev a soutenu l’annexion de la Crimée. Selon la presse russe, il aurait déclaré que :

« Tous ces événements se sont déroulés à la demande et selon les envies de la population de Crimée. C’est bien qu’elle ait choisi cette voie, celle du référendum, en démontrant que les gens voulaient vraiment faire partie de la Russie et que personne ne pouvait les forcer à emprunter une autre direction. » Il ajoute : « Le retour de la souveraineté de la Crimée n’est que le début ».

Ce soutien réitéré a conduit l’Ukraine à l’ui interdire l’accès à son territoire en 2016.

De plus, Gorbatchev a critiqué les sanctions occidentales dès 2014. Grand partisan d’un rapprochement entre l’Ouest et l’Est, il a critiqué l’éloignement entre la Russie et les États-Unis. Il a aussi affiché des craintes, prémonitoires, que les tensions autour de l’Ukraine puissent déclencher une nouvelle guerre froide. Il a également dressé un portait peu flatteur de l’Occident en l’accusant (surtout les États-Unis) de triomphalisme après la fin de la guerre froide.

 

Quelles leçons tirer des propos de Gorbatchev ?

Les positions de Gorbatchev témoignent d’une tendance sous-estimée par les Occidentaux. Ces personnalités qui nous sont favorables et qui critiquent le pouvoir russe, restent russes avant tout et feront toujours passer la Russie avant l’Occident.

La forte ambiguïté de Navalny sur la Crimée (et plus généralement sur le nationalisme) montre bien que les occidentalistes russes n’acceptent pas n’importe quoi vis-à-vis de l’Ouest.

Et si ce phénomène devient de plus en plus apparent chez les Russes du fait des tensions actuelles, ce phénomène tend à être universel. Les personnes ouvertes sur le monde restent impactées par la culture de leur pays d’origine. Ce point doit être davantage pris en compte par les démocraties libérales dans le cadre des relations internationales sous peine d’enchaîner des revers et des hausses de tensions à travers le globe.

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  • Cet homme a je crois œuvré pour le bien. Son principal tord est d’être resté socialiste dans sa tête…

    En parcourant les forums russes, on voit a quel point il est détesté en Russie. Les russes le chargent de l’échec du système socialisme, oubliant la contribution bien plus néfaste de ses prédécesseurs…

    • S’il est détesté par les russes actuellement c’est parce qu’il a démantelé l’Union Soviétique en gardant les frontières définies à l’instant t sans prendre en compte les affinités culturelles, les intérêts russes ou les anciennes frontières. Il a pensé au court terme sans se dire que les anciennes républiques deviendraient pro américaines.
      Il n’y aurait pas eu de guerre en Ukraine si les frontières étaient restées celles d’avant 1917 ou s’il y avait eu un vrai pacte de non agression avec l’OTAN. La guerre en Ukraine est directement la conséquence de ses négligences.
      L’Ukraine actuelle est le fruit d’un découpage effectué à la hache qui ne reflète pas la réalité historique et de terrain.

  • Si je crois savoir la Russie est un pays très libéral en matière économique, flat tax et aide sociale minimale.

    • Le niveau des impôts n’est pas le seul critère pour juger du libéralisme économique.
      La Russie est classée 113e pays à l’Indice de liberté économique de la Heritage Foundation, et se trouve classé dans le groupe des pays « principalement non libres ».

  • La plus grave erreur des occidentaux quand l’ URSS est tombée a été de ne pas céder la Crimée aux russes. La Crimée était russe depuis 300 ans et a été donné à l’ Ukraine en 1954 comme un « cadeau » de remerciement de la Russie à l’Ukraine, célébrant la fraternité entre les peuples de l’Union soviétique……..Avec la chute de l’ URSS la Crimée aura joué le rôle de l’ Alsace et la Lorraine pour la France.

  • Il est tout à fait judicieux de rappeler que certains dirigeants ou aspirants dirigeants Russes (puisque vous citez plusieurs fois Navalny) – et probablement d’autres origines- aiment leur pays et ont des positions nationalistes puisqu’en occident tout est fait pour dilapider les intérêts de nos propres nations – dettes, transition énergétique, cancel des figures historiques, destruction de la famille, etc.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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