La réforme de la haute fonction publique : une loi inachevée

L’ordonnance du 2 juin 2021, portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique d’État, entend intégrer une logique des carrières fondée sur les métiers et les compétences et non plus sur les corps.

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Elisabeth Borne By: Jacques Paquier - CC BY 2.0

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La réforme de la haute fonction publique : une loi inachevée

Publié le 19 juillet 2022
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Un article de l’IREF Europe

Le 8 avril de l’année dernière, le président de la République, Emmanuel Macron, avait jeté un pavé dans la mare en annonçant la suppression de l’ENA (École nationale d’administration) et son remplacement par l’INSP (Institut national du service public). Un mois plus tôt, Frédéric Thiriez, missionné par l’exécutif pour produire un rapport formulant des propositions de réforme de la haute fonction publique, avait rendu ses conclusions censées être sources d’inspiration de la future ordonnance.

Jusque-là, les conceptions du fonctionnement de la haute fonction publique, la logique des corps, l’indépendance des inspections générales et le primat d’une fonction publique de carrière notamment, étaient basées sur l’ordonnance du 9 octobre 1945, prise par le général de Gaulle à la sortie de la guerre.

L’ordonnance du 2 juin 2021, portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique d’État, entend intégrer une logique des carrières fondée sur les métiers et les compétences et non plus sur les corps.

Notons que, contrairement à ce que préconisait la mission Thiriez, la réforme ne s’applique pas aux trois fonctions publiques mais uniquement à la fonction publique d’État.

 

La suppression ou la réforme des grands corps de l’État

À la poursuite d’objectifs novateurs, tel que la dynamisation des carrières, la refonte de la formation et une plus grande ouverture, la loi met en œuvre une stratégie pluri-annuelle interministérielle relative au pilotage des ressources humaines de l’encadrement supérieur de l’État.

L’ancienne organisation de la haute fonction publique prévoyait l’intégration dans un corps à la sortie de l’ENA, dont trois : le Conseil d’État, la Cour des comptes et les inspections, étaient considérés comme les plus prestigieux et baptisés « grands corps », selon le schéma d’organisation suivant fait par le Sénat :

Désormais, les corps d’inspection sont fonctionnalisés, les emplois y seront occupés par des « agents exerçant des fonctions d’inspection générale au sein de services d’inspection générale, recrutés, nommés et affectés pour une durée renouvelable ».

Seize corps, dont les corps préfectoraux, diplomatiques, des inspecteurs généraux et des administrateurs civils, sont fusionnés dans celui des administrateurs de l’État. Les fonctions ne sont naturellement pas supprimées : par exemple, dans le cas des préfets, est instaurée une durée maximale d’exercice continu des fonctions de neuf ans.

Deux grands corps, le Conseil d’État et la Cour des comptes, dont l’existence est constitutionnellement protégée (eu égard aux principes d’indépendance et d’inamovibilité des magistrats) sont transformés en corps accessibles uniquement à ceux qui ont déjà occupé un premier poste dans l’administration. Les grades d’auditeurs au Conseil d’État et à la Cour des comptes sont supprimés et remplacés par un statut d’emploi d’auditeur, d’une durée maximale de trois ans accessibles aux administrateurs de l’État disposant d’au moins deux ans d’expérience préalable.

La mobilité dans la fonction publique étant extrêmement faible (6,9 %), l’ordonnance instaure une mobilité statutaire obligatoire pour les grades de maître des requêtes au Conseil d’État, de conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel (TA-CAA), de conseiller référendaire à la Cour des comptes et de conseiller de chambre régionale et territoriale des comptes (CRC), afin d’accéder aux grades supérieurs.

Le modèle pour la Cour des comptes (semblables aux autres) est illustré par le graphique suivant :

Pour finir, notons la suppression de la nomination au tour extérieur du gouvernement pour les accès aux grades de maître des requêtes au Conseil d’État et de conseiller référendaire à la Cour des comptes.

 

Le remplacement de l’ENA par l’INSP

L’article 5 de l’ordonnance crée l’INSP, sous la forme d’un établissement public de l’État placé sous tutelle du Premier ministre et du ministre chargé de la Fonction publique. Le nouvel institut aura pour mission d’enseigner un tronc commun à toutes les grandes écoles de service public.

À ce stade, les contours de la nouvelle école sont encore flous mais le rapport de la commission, présidée par Jean Bassères, de préfiguration de l’INSP permet de commencer à les discerner.

Le rapport propose d’abord de créer un quatrième concours externe réservé aux étudiants sélectionnés sous conditions de ressources et de mérite, de supprimer l’épreuve de culture générale et d’anglais, de limiter les oraux à l’entretien individuel et à l’épreuve d’interaction au sein d’un groupe et de créer une épreuve optionnelle dans une matière choisie par le candidat.

Nouveauté de taille : le rapport préconise de supprimer le classement de sortie qui détermine toujours l’affectation des élèves fonctionnaires.

Avant le remaniement, c’était Amélie de Montchalin qui occupait le portefeuille du ministère de la Fonction publique (remplacé depuis par Stanislas Guerini). À l’époque elle avait indiqué être défavorable à la suppression de l’épreuve de culture générale mais pas à celle de l’anglais ni du classement de sortie.

Globalement cette réforme s’arrête au milieu du gué : aucun des grands principes de la fonction publique n’est remis en cause, comme le système des concours ou la sécurité de l’emploi. Certaines idées, comme la suppression de l’épreuve de culture générale, peuvent même être considérées comme une forme de nivellement intellectuel par le bas ; d’autres, comme la suppression du concours de sortie, sont toutefois intéressantes.

Une mesure simple aurait été de supprimer le concours externe pour limiter l’entrée à l’école de la haute fonction publique à ceux ayant déjà travaillé dans le secteur public ou privé. Le mieux serait de supprimer le statut de la fonction publique (sauf pour les fonctions purement régaliennes) et d’ouvrir celle-ci très largement à un recrutement extérieur.

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  • Je crois qu’en changeant de nom l’ENA est en train de réaliser son vieux rêve: phagocyter ce qu’il restait de grands corps concurrents (Mines, Ponts, etc…) qu’elle n’avait toujours pas réussi à discréditer: ils devront eux aussi apprendre la bonne parole administrative dans l’institut bidon ad hoc.

  • L’URGENCE ABSOLUE EST L’ARRET DE LA PRODUCTION DE CETTE ESPECE PARASITE !!!
    L’ENA doit disparaitre. Pour Les colonnies de parasites deja en place, l’interdiction, a la minute des allez et retour privé publique. En suite l’examen rapide et ercutant de quelques dossiers doit permettre de nombreuses evictions sans dedomagements pour corruptions, fautes lourdes incompétances, etc …

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