Les politiques ne font pas de bons gérants d’entreprises

Pour une entreprise, soit vous servez des clients et vous jouez le jeu de gagner la concurrence, soit vous jouez à la politique. L’exemple de la société Atos.

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Hearing of Commissioner-designate Thierry Breton by European Parliament (creative commons) (CC BY 2.0)

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Les politiques ne font pas de bons gérants d’entreprises

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 13 juillet 2022
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Soit vous servez une clientèle, et passez votre temps à améliorer vos produits ou services, soit vous pensez que vous devriez appliquer votre choix de force. Atos a subi la gouvernance de politiciens au cours de 10 ans. Un effondrement en résulte.

Voici le graphique de la société d’informatique Atos depuis un an. Vous constaterez une chute de l’action de 78 %.

 

L’ensemble du secteur a pris un coup cette année. Le Nasdaq 100, qui regroupe l’informatique aux États-Unis, affiche une baisse de 23 % en un an.

Néanmoins, les médias montrent la société en exemple de fleuron du digital… bien qu’elle ne vaut qu’un milliard d’euros en Bourse.

C’est sûrement bien moins que l’argent investi au cours de son existence pour les fusions et acquisitions entreprises depuis ses débuts… La société a démarré en 1997, pile à temps pour les déboires de la bulle des dot-coms (son action n’a jamais revu les valorisations de l’an 2000).

Les gens font de leur mieux la plupart du temps. Ils n’ont pas de boule de cristal.

Cependant, certains ont tendance à faire pire que d’autres.

Regardons un peu l’histoire récente de la société et vous verrez que jusqu’en 2019 elle avait pour PDG l’actuel Commissaire européen Thierry Breton, le cerveau derrière l’imposition du chargeur unique dans le bloc. Ce seul acte relève d’une belle incompréhension par rapport au fonctionnement de l’innovation. Mais M. Breton n’est peut-être pas la cause du désastre et davantage un symptôme de l’état de l’entreprise au global.

Une société normale – qui ne reçoit pas d’aides ou de contrats des gouvernements – réussit car elle fournit une chose de valeur aux yeux de ses clients.

Quel genre de commerçant décide à votre place du type de chargeur, de matelas, de parfum que vous allez utiliser ? Quand vous avez ce genre de mentalité, comment allez-vous pouvoir inventer de meilleurs produits ? Des meilleures offres ou services ? Pourtant, les actionnaires et le comité de direction de la société ont soutenu cela pendant plus de 10 ans !

Comment pouvez-vous gagner la compétition quand vous ne faites même pas assez confiance aux consommateurs pour leur laisser plus d’un modèle de chargeur ? L’ex-PDG du groupe l’a cru jusqu’à leur imposer son propre choix. Quand vous avez un peu de pouvoir, vous devez l’exercer après tout.

Certes, le Commissaire pourrait réduire le gâchis, par exemple, en convaincant les pays d’opter pour les mêmes modèles de prises électriques, mais cela ne fait pas partie du programme.

 

Poids d’erreurs passées

Un peu plus de détails de la part de la société révèle pour 2021 une baisse des revenus de 4,3 % sur l’année précédente une fois exclues les acquisitions.

Lorsque les activités d’une société affichent une baisse cela signifie qu’elle perd des clients, des contrats, et arrive à générer moins de valeur. Cela n’est pas toujours un problème. Réduire la taille de ses opérations peut permettre d’augmenter la rentabilité.

Par exemple, le constructeur de voitures GM a réduit ses opérations, et ses ventes ont baissé de 150 milliards de dollars en 2012 à 130 milliards de dollars aujourd’hui. Cependant, ses marges ont grimpé. Son bénéfice était de 4,8 milliards en 2012. Il a atteint 8,8 milliards sur l’exercice annuel le plus récent.

Dans le cas de la société en question, cependant, les marges n’ont pas grimpé. Au contraire, la société affiche une perte sur l’année dernière de 419 millions d’euros. Elle a perdu autant que ce qu’elle a gagné l’année d’avant. La société affirme aussi qu’elle pourrait avoir une perte jusqu’à 150 millions d’euros cette année-ci (ou gagner un peu d’argent).

Et puis, surprise : les multiples acquisitions au cours des dernières années n’ont pas porté tant de fruits que cela. Du coup, l’entreprise encaisse une perte estimée à plus d’un milliard d’euros dans la valeur de son image de marque (le goodwill). Vous noterez que cela représente à peu près sa valorisation totale sur le marché ! Les pertes sur les investissements et le goodwill représentent 2,5 milliards d’euros, en plus des pertes sur les opérations annuelles.

Souvent, les gérants rapportent ces pertes intangibles tout d’un coup, le plus souvent pendant une période de famine, ce qui camoufle les erreurs derrière des événements comme le covid ou l’Ukraine.

Cependant, cette décision sur la comptabilité a peut-être nui à la confiance des investisseurs, si bien que le groupe Atos a annoncé un programme de redressement en juin ; et le marché a dévissé de 23 % en réponse. Le projet est de séparer l’entreprise en deux entités.

Chacune aurait donc sa propre cotation :

  • l’une ferait la cybersécurité et d’autres services Tech, et gagnerait de l’argent (environ 150 millions d’euros de bénéfices, selon eux) ;
  • l’autre ferait le reste, comme les centres de données et services de conseil en informatique, et perdra de l’argent (environ 500 millions d’euros en 2022).

 

Mais le marché n’a pas l’air de croire à ce plan d’action…

 

Pourquoi le marché n’aime-t-il pas le projet ?

Une hypothèse : en principe, la scission peut isoler les problèmes de gestion ou de talent dans l’un des groupes. Le reste des activités peut alors avoir davantage de chances pour la croissance et les profits.

En pratique, cependant, les actionnaires craignent peut-être un remaniement dans l’intérêt de protéger les gérants (qui obscurcissent les pertes passées). Cela gardera en place la même coterie de gérants, le même genre de stratégie et de prise de décision… En gros : malgré les apparences, pas de changement. Les choses ont eu lieu de cette façon lors de la privatisation d’EDF en 2005, par exemple. En pratique, le gouvernement a toujours dicté la stratégie et choisi les dirigeants, parmi ses propres rangs. Atos, malgré la scission en parties, aura sans doute ce genre de problème.

Mais que voulez-vous lorsque vous embauchez des ex-ministres ? Quel rapport entre le succès dans la  politique et la capacité à produire du code informatique utile ? Soit vous servez des clients et vous jouez le jeu de gagner la concurrence, soit vous jouez à la politique et au copinage avec les élus. Vous ne pouvez pas faire les deux.

Mais après tout, pourquoi le marché devrait-il trancher en la matière ? Il y a quelques choix de chargeurs sur le marché… Mais il existe des milliers de sociétés en Bourse ! Sûrement, cela crée beaucoup de gâchis, n’est-ce pas ? Et si seulement une chaîne de magasins existait ? Une seule marque de télés ? Un seul type de voiture ? Imaginez le gain de simplicité ! Et plus besoin de faire de pubs !

Soit vous recherchez comment produire une chose de valeur pour vos clients, soit vous leur imposez votre propre choix. Ce sont deux mentalités qui n’ont rien à voir.

Mais, comme nous le voyons, la seconde option peut vous offrir une belle carrière ! Cependant, le résultat de ces décisions de politiciens est un enfoncement dans la pauvreté, nous menant vers un désastre.

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  • cette hypothèse « Et si seulement une chaîne de magasins existait ? Une seule marque de télés ? Un seul type de voiture ? Imaginez le gain de simplicité ! Et plus besoin de faire de pubs ! », oublie : UNE seule chaine chaine d’information. Là c’est très simple.
    Plus sérieusement, quand le vocabulaire, la grammaire ne seront plus dévoyés, on pourra peut-être nommer les choses, les faits, les objets et revenir dans une rationalité moins « magique ». Alors peut-être les « politiques » deviendront efficaces.
    (Pour reprendre un exemple entendu sur un média : « je suis le sentinelle » nous démontre les conséquences des dérives. c’est idiot)

  • J’ai oublié : le titre n’est pas un scoop….. ce n’est pas dans l’ADN des politiques de diriger des entreprises, encore moins des énarques qui ne connaissent que les règlements et non les initiatives.

    • Dans les grandes écoles, les enfants de fonctionnaires ou les pupilles de la nation sortent dans les grands corps de l’Etat : la grande école leur aura servi à se construire un réseau de connivences. Ceux qui ont une vocation plus scientifique ou entrepreneuriale sont toujours issus de familles moins « publiques ». C’est bien une affaire d’ADN…

  • Pas d’accord. Mettre un ministre aux manettes d’une entreprise privée c’est assurer la survie et l’avenir de cette entreprise ! Regardez comment l’Etat survit si bien avec ces gens si intelligents aux manettes…
    Cet article devrait citer Areva qu’Anne Lauvergeon a mis en faillite au sens premier du terme. Ces compétences de cheftaine de campagne de François. Mitterrand à l’époque ont prouvé ses capacités à couler une boîte sans réelle concurence.

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