Exportations de gaz russe en roubles : attention danger

L’exigence de Moscou d’être payé en rouble pour les exportations du gaz russe obligera de traiter l’impact social de l’inflation.

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Gazprom by Maxence on Flickr (CC BY 2.0)

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Exportations de gaz russe en roubles : attention danger

Publié le 7 avril 2022
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La Russie a annoncé sa volonté de faire payer ses exportations de gaz en roubles. Cette décision ne peut que se heurter à un refus des importateurs européens. D’une part, cela pourrait constituer une rupture de contrat côté russe (ils sont spécifiés en euros).

La dépendance européenne au gaz russe

D’autre part céder à une pression russe enverrait un signal de faiblesse dont les dirigeants européens se garderont bien. La bonne nouvelle est que dans cette situation paradoxale où les belligérants à la fois se menacent de guerre nucléaire et en même temps échangent pour plusieurs milliards d’euros de gaz par mois, la Russie pourrait avoir déjà trouvé des « solutions » techniques (les européens paieront en euro et une entreprise russe convertira en roubles). Mais que se passerait-il si le gaz était effectivement coupé. On connait les ordres de grandeurs. En 2021, l’UE consommait 400 milliards de m3 de gaz. Sur ces 400 milliards, 90 % étaient importés et environ 45 % des importations du gaz naturel proviennent de Russie. Le gaz russe représente (en arrondissant) 50% du gaz consommé en Allemagne, 40% en Italie et Pays Bas, 100% en Tchéquie, Hongrie et Slovénie, 20% en France. Les européens se préparent bien sûr, et la Commission européenne a proposé un plan, baptisé REPowerEU, pour diversifier l’approvisionnement en gaz, accélérer le déploiement des énergies renouvelables et remplacer le gaz utilisé pour le chauffage.

Le remplacement du gaz russe passe notamment par la recherche d’accords commerciaux avec les producteurs alternatifs (Algérie, Quatar, etc.) et surtout les Etats-Unis qui via le gaz liquéfié (GNL) devraient compenser à terme un tiers des importations russes actuelles. Mais tout cela prendra du temps (notamment la construction de terminaux GNL supplémentaires). Si le robinet était coupé aujourd’hui, cela aurait forcément deux conséquences immédiates : une hausse supplémentaire du coût de l’énergie et la multiplication des pénuries de gaz, coupures d’électricité, etc. La plupart des pays européens ont déjà conçus des plans d’urgence visant à gérer la pénurie par la hiérarchisation des allocations des quantités disponibles de gaz suivant les consommateurs dont l’objectif est d’épargner les ménages de coupures intempestives (suivant ces plans d’urgence, l’Italie est en pré-alerte, l’Allemagne a déclenché le premier niveau d’alerte de son plan en trois étapes, la France prépare des délestages chez les gros industriels).

Le problème de l’inflation

D’après les gouvernements, malgré le niveau faible des réserves (26% en Europe), la situation serait « gérable ». Pourtant la situation, avant même une possible interruption des approvisionnements russes, est tendue. Les prix de l’énergie ont déjà subi des hausses historiques : par rapport à leur moyenne 2017-2019, le pétrole est 60% plus cher, le gaz naturel 6 fois plus cher, l’électricité 4. Sans compter que le prix du blé a doublé. Le taux d’inflation de la zone euro s’est ainsi établi à 7,5% en mars sur un an. Il devrait être supérieur à 5% en moyenne sur l’année 2022. Or dans le même temps, les salaires restent très « sages » avec une hausse de 1,5%. On voit que, si la situation perdure, la ponction de pouvoir d’achat serait de l’ordre de 3,5%. Les gouvernements européens ont d’ores et déjà pris des mesures importantes pour limiter cet impact.

Les mesures de « bouclier inflation » se sont multipliées. En France, cela a permis de réduire l’inflation de 2 points (4,1% vs 6% sans intervention). En Espagne où l’inflation atteint presque 10%, un plan de soutien supplémentaire vient d’être annoncé, de même en Italie ou en Allemagne. Si le gaz russe venait à être coupé, les « sages » de Francfort estime que l’inflation allemande moyenne sur l’année pourrait gagner entre 1,5 et 3 points soit passer de 6%  à 9% et cela pourrait coûter de 3 à 5 points de PIB et provoquer une récession. Mais au-delà des chiffres « moyens », ce sont les populations les moins aisées qui souffrent le plus de l’inflation.  Les paniers de consommation sont en effet assez différents suivants le niveau de revenus au sein d’un même pays. En Italie par exemple, le poids du poste énergie et eau représente 12% des dépenses des 20% les plus aisés et presque 30% de celles des 20% les moins aisées.

En France, l’ordre de grandeur du taux d’effort énergétique est de l’ordre de 2,5% pour les 20% les plus aisés et 12,5% pour les 20% les moins aisés. La question sociale derrière la hausse des prix va donc probablement s’amplifier. En France, on sait que le « syndrome gilets jaunes » est dans tous les esprits et motive un soutien public particulièrement fort. Qu’en sera-t-il dans les autres pays ? Le coût d’un tel soutien est considérable (plusieurs points de PIB) et est susceptible de faire dériver les finances publiques. Pour les pays déjà endettés, le dilemme budgétaire va être difficile à arbitrer dans un contexte où la BCE a annoncé vouloir diminuer progressivement ses achats de titres publics.

Mais l’impact social de l’inflation va devoir être traité faute de quoi l’extension d’une nouvelle pauvreté est à craindre ainsi que le développement de mouvements sociaux qui pourraient s’étendre dans l’ensemble des pays européens.

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  • Je suis déçu. Avec un tel titre, j’attendais une analyse monétaire du type de celle-ci récente, qui semble par ailleurs développer une conclusion inverse :
    https://www.contrepoints.org/2022/04/02/424449-pourquoi-larabie-saoudite-nabandonnera-pas-le-dollar-pour-le-yuan

    • L’auteur met les pays de l’Europe en position de force vis a vis de la Russie or il me semble que si quelqu’un dépends de l’autre c’est bien l’Europe qui dépends de la Russie.
      Comme il dit il faudra du temps pour trouver des solutions alternatives aux matières premières Russes et cela met la Russie en position de force.
      L’achat de Gaz ou de pétrole c’est un marché quand on vend un produit c’est pour être rémunéré et pas en monnaie de singe. actuellement la Russie qui ne peut plus se servir des Euros ou des dollars qu’elle devrait obtenir en échange de ses produits, ses réserves étant bloquées par les occidentaux, c’est come si elle livrait gratuitement ses ressources elle ne fera pas ce cadeau aux occidentaux. je constate que le rouble est remonté à sa valeur d’avant le conflit et il me semble que Poutine cherche à lier le rouble à l’or.
      Je ne sais pas ce qui va se passer mais les prochaines semaines risquent d’être intéressantes

  • Les européens se préparent bien sûr, et la Commission européenne a proposé un plan, baptisé REPowerEU, pour diversifier l’approvisionnement en gaz, accélérer le déploiement des énergies renouvelables et remplacer le gaz utilisé pour le chauffage.
    des fois que vous n’auriez pas compris, l’Europe va continuer sa politique suicidaire du zéro carbone, et la France fera tout pour être première de classe, tant pis pour les sans dents
    Si nous sommes dans cette pitoyable situation, c’est parce que l’Allemagne,dont la politique perfuse directement au conseil de l’Europe, depuis des années, s’est lancée dans l’energiewende, politique voulue par leurs gruns,(paraît que le boucher de Moscou n’est pas étranger à leur plantureux financement?)
    Elle a investi, selon les sources entre 500, et 1500 milliards dans les renouvelables, pour se retrouver en totale dépendance du gaz, car sans centrales au gaz, pour palier aux intermittences des renouvelables, le balckout est asssuré.
    de lire que nous allons encore investir dans cette escroquerie est stupéfiant.
    Les USA, de premier importateur de pétrole il y a 15 ans, sont devenus autio-suffisant et exportateurs, grâce à la fracturation, malgré les attaques des soi-disant ONG financées par Gazprom, nous avons nous aussi cette opportunité, ne pas le faire dans les circonstances actuelles est criminel.
    Je lisais que l’Allemagne pourrait exploiter des gisements de gaz conventionnels dans la mer de Wadden, (les hollandais le font à quelques kms), mais cela ne se fera pas, car les écolos refusent la présence d’une plateforme dans le coin.
    Il est plus que temps de fixer nos priorités, surtout que Vlad ne compte pas s’arrêter en Ukraine,
    Citez moi une seule mesure voulue par la c=secte verte qui aie servi à notre bienêtre, notre prospérité, le plus souvent,aucune n’aura servi à quoi que ce soit, aura coûté une blinde, quand cela ne finit pas en catastrophe, Le boucher de Moscou n’aurait surement pas été aussi barbare s’il ne nous avait pas passé le licol énergétique

  • le signal prix est pourtant la meilleure facon de limiter la consommation de quelque chose (ici le gaz mais ca pourrait etre n importe quoi). si le prix monte soit on s en passe, soit on l economise soit on cherche une alternative
    Vu qu il n y a pas de gisement de gaz en france (et que meme si on en trouvait un, il ne pourrait etre exploité immediatement vu qu il faut du temps pour forer, mettre des pipe line …), on a pas le choix, il faut reduire la consommation de gaz.
    Pour cela on a 2 possibilités : augmenter le prix (option liberale) ou rationner (option etatiste: tout le monde a droit a X m3 de gaz). On a essayé la seconde solution entre 40 et 47. ca a donné le marché noir

  • D’une part, les contrats ne prévoient pas non plus que l’acheteur paie puis bloque les sommes payées et pourtant c’est ce qui se passe avec le gel des réserves de la banque centrale.
    D’autre part, ce sont les prix qui sont spécifiés en euros, tant que la contre-valeur en rouble respecte ces prix, où est le problème?
    Mais in fine je ne comprends pas la différence entre le fait que l’acheteur ou le vendeur fasse la conversion? L’important c’est la juridiction de la banque effectuant la transaction et donc ce qui est important pour la Russie est que le paiement se fasse sur un compte dans une banque russe plutôt qu’une banque européenne.

  • Une fois de plus les dindons de la farce se sont les Européens, vous savez » les sans dents », les gilets jaunes, les travailleurs de la misère, qui vont payer, pour Arnaud et consorts pas problème, ils ont les moyens de payer, les fonctionnaires Européens ou la présidente de la BCE à 400.000 euros par an plus les petits frais, pas de problèmes Les USA commande la manœuvre mais ne se mouille pas sur le terrain, « les grandes villes US ne sont pas loin de la grande Russie », se rappeler de l’Afghanistan que Joe Biden a laisser tomber comme une vieille chaussette puante, l’UE devra continuer à se fournir en gaz, pétrole, charbon, blé, Orban lui à déjà compris, il paiera en Rouble, le communisme est tombé mais la grande Russie est toujours présente

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